Préface
I - L'USAGE DE LA LANGUE II - EBAUCHES D'UNE MÉTHODE III - GRAMMAIRE ET INTUITION IV - L'EMPLOI DE LA LANGUE IV
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Mort | Acte | Point |
Mourir | - |
Pointer
(ponctuer)
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Mortel | Actuel | Ponctuel |
Mortellement | Actuellement | Ponctuellement |
8.2.3. Le champ est alors tout préparé pour étudier la conjugaison et ensuite la syntaxe. Les manuels de Français ont la mauvaise habitude d'apprendre les personnes du singulier, plus irrégulières, avant celles du pluriel.
Mourrir |
Partir |
Parler |
Mourrons |
Partons |
Parlons |
Insister alors sur le son et la graphie de : ron -
rons, ré - rez, reu - rent.
On conseillera aux arabophones de prononcer "ent"
comme un sukûm sur une consonne: .
Distinguer bien aussi la prononciation de entament et (par exemple) moment. La différence de prononciation est ici déterminée par la fonction sémantique du morphème. En fait ce sont deux morphèmes distincts:
ent (-> eux) ? ment (marque adverbiale)
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9. Je suppose qu'on est en droit de se poser deux questions. D'abord, en quoi est-il question ici d'un atelier d'écriture, et non plutôt d'un cours de Français? Et, quel rapport tout cela a-t-il avec la poésie?
9.1. Dans un atelier d'écriture, on écrit ; or, il n'est pas question de faire écrire qui ne sait pas écrire. On doit d'abord apprendre. Cette évidence n'est qu'à moitié vraie. Il y a bien quelques moyens d'écrire dans une langue qu'on ne sait écrire, mais ils supposent au moins une bonne communication orale. Les conditions n'étaient pas réunies.
"Atelier d'écriture" est en
réalité un terme très élastique, qui
recouvre les pratiques les plus diverses. J'aurais pu écrire
ce qu'auraient bien voulu me conter les stagiaires, et l'on aurait pu
appeler ça un atelier d'écriture. Cette façon de
procéder est trop éloignée de ma
démarche, de mes recherches et de mes pratiques
littéraires, théoriques et didactiques.
Ce que j'ai fait ressemble à des cours de
Français, mais ils sont en totale
complémentarité avec ma pratique et ma conception de
l'atelier d'écriture. Ils en sont la stricte application
à l'apprentissage du Français et, par certains
côtés, la contre expérience. Elle fut seulement
trop brève pour me permettre tout à la fois
d'étayer, d'appliquer et mieux structurer l'ébauche
d'une méthode.
9.2. Ma conception de l'atelier d'écriture repose sur deux idées fortes :
9.2.1. Tout d'abord, je considère que,
indépendamment de telle langue que l'on peut utiliser et plus
ou moins bien connaître, il est des manières plus ou
moins efficaces de se servir de quelque langue que ce soit.
Ce sont deux choses différentes. On peut
avoir un riche vocabulaire, appliquer parfaitement les règles
de la grammaire et faire un piètre orateur ou un pire auteur.
On peut être bon parleur et bon auteur -plus rarement les deux-
en s'en tenant à un vocabulaire de base et à des
construction standard. "Laissons les vents gémir et les rois
murmurer" est incontestablement une proposition très simple,
comme "La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les
livres".
Ce sont deux choses différentes, et qui
pourtant se complètent et s'enrichissent. Bien des
règles de grammaire paraîtront du pur bysantisme
à qui n'en perçoit pas les possibilités
rhétoriques. Le vocabulaire le plus détaillé
échoue là où réussit une image juste; et
ce vocabulaire sera dur à acquérir et de peu
d'utilité tant qu'on ne saura pas tirer partie de la richesse
de sens que peut générer chaque mot dans son contexte.
Bref, apprendre l'un est apprendre l'autre.
9.2.2. Une seconde
idée forte, est celle
que la langue est constituée de signes sonores, avant
même qu'ils soient graphiques.
C'est là une banalité depuis
Saussure. C'est aussi une évidence du fait que - sauf
pathologie - tout analphabète sait bien parler
une langue quelconque, mais qu'on n'a jamais vu personne savoir
écrire une langue qu'il ne savait de quelque façon
parler.
Une telle banale évidence n'empêche
pas qu'on continue à enseigner les langues comme s'il
n'était question que de savoir lire (prononcer et comprendre)
des signes écrits, plutôt que de savoir écrire,
et lire, des signes sonores - qu'il s'agit alors
d'apprendre d'abord à prononcer et à comprendre.
La différence de graphie entre "fleur" et
le morphème "flor" de "floral" est accessoire si l'on comprend
que le morphème est un groupe de phonèmes avant
d'être un groupe de lettres, et que la différence de
prononciation a une raison phonétique avant d'être une
convention orthographique.
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9.3. Ces deux idées fortes sont
déterminantes de ma pratique des ateliers d'écriture.
Celui-ci est alors un champ d'expérience et de recherche
irremplaçable. Il est aussi un moyen pour ceux qui y
participent, d'améliorer largement leur usage du langage -de
tout langage. A ces deux idées, on peut encore en ajouter deux
autres :
9.3.1. Celle d'abord d'une double relation entre
les mots et entre les choses. L'articulation des mots sert à
articuler des rapports entre les choses. Ces derniers, bien
sûr, ne fonctionnent que parce que les choses ont des
qualités et des propriétés qui se prêtent
à ces rapports. (Voir R. Caillois.)
On comprend "les dents de la mer" parce qu'on est
capable de penser que les dents de la mer sont dans la bouche du
requin. Dans un autre contexte, on aurait pu comprendre que les dents
de la mer sont les vagues qui croquent la falaise. Dans les deux cas,
ce ne sont pas des inférences purement syntaxiques et logiques
qui sont mises en jeu, mais des analogies entre les choses.
Ces relations analogiques sont ce qu'on peut
proprement qualifier de "poétique", par opposition à
des relations logiques (analytiques, syntaxiques) intrinsèques
au système linguistique.
9.3.2. Cette "poésie" est moins un genre littéraire, une activité esthétiques, un emploi particulier de la langue, qu'une dimension toujours en jeu, à quelque degré que ce soit, dans tout énoncé.
9.3.2.1. La poésie est à la logique
ce que la synthèse est à l'analyse.
Gabrielle Lusser Rico cite, dans "Writing the
natural way", le cas d'un écolier à qui le professeur
demande ce qu'est l'infini. Après hésitation, il
répond que c'est comme le couvercle des boîtes de
crème glacée. Sur ceux-ci est en effet
représenté quelqu'un qui mange une boîte avec le
couvercle ouvert qui représente la même image, et ainsi
de suite. C'est là une bonne représentation de
l'infini. L'enfant n'est pas capable de donner une définition,
mais il peut donner une bonne représentation. Il aurait pu
donner la définition sans être capable de se faire la
moindre représentation.
9.3.2.2. Voici donc la quatrième
idée forte que je tenais à présenter. Je ne
tiens pas à me situer dans une activité
esthétique, culturelle dans le sens où l'on peut
opposer une "culture des humanités" à une "culture
techno-scientifique". Cette fracture dans la culture contemporaine,
qui se retrouve dans celle entre sciences humaines et science
exactes, paraît depuis peu se cautériser à l'aide
d'une troisième venue : les sciences cognitives. Je ne leur
prête pas particulièrement allégeance mais me
réjouis de cette médiation.
La langue est d'abord à mes yeux l'outil
privilégié de la pensée; et l'écrit un
procédé pour accroître sa puissance, permettant
de remonter le courant de la pensée.
Comme je l'ai relevé plus haut, les notions
d'expression et de communication sont trompeuses. Elles
éludent celles bien plus pertinentes d'énonciation et
de cognition.
9.3.3. De ce point de vue, la dénomination
anglaise de Creative writing définit beaucoup mieux ce qui est
en jeu, ou devrait l'être : écriture créatrice ;
créativité de l'écriture.
On peut dans certains cas, sans doute, se
cantonner à un emploi de l'écrit, de la parole,
à la seule communication, à la répétition
d'idées, de connaissances qui seraient déjà
là, acquises, et donc, d'une manière ou d'une autre,
déjà inscrites. Le problème est plutôt
d'employer la langue à découvrir de telles
idées, de telles connaissances, c'est à dire à
les créer.