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Jean-Pierre Depétris

 

De l'invariable
et du mouvant


 
MARSEILLE

MCMLXXXVIII

 

Chapitre sixième
De la surface des choses




Notre perception n'est pas limitée aux caractères universels ; nous ne percevons pas des couleurs désincarnées ni des étendues désincarnées : nous percevons les couleurs et la surface « du mur ». Ce fait d'expérience est « la couleur là-bas sur le mur pour nous ». Ainsi la couleur et la perception de l'espace sont des éléments abstraits, caractérisant la manière concrète par laquelle le mur entre dans notre expérience. Ils sont donc des éléments de relation entre « celui qui perçoit en cet instant », et cette autre entité également en jeu, ou cet ensemble d'entités que nous appelons le « mur en cet instant ». Mais la pure couleur et la pure perception de l'espace sont des entités très abstraites, car elles ne sont apparues qu'en se défaisant de la relation concrète entre le mur-en-cet-instant et celui-qui-perçoit-en-cet-instant. Cette relation concrète est un fait physique qui peut être tout à fait essentiel pour le mur et tout à fait essentiel pour celui-qui-perçoit.

A. N. Whitehead.








XXXVII

De la réflexivité.







Je vais t'apprendre maintenant comment la manifestation existe par l'effet d'un extérieur et d'un intérieur.

C'est là un très haut mystère qui en contient de nombreux autres.

Pour paraître à l'existence toute chose doit se doter d'un intérieur et d'un extérieur.

Ces deux-ci proviennent d'un mariage du feu et de l'eau par les qualités qui t'ont été dévoilées plus haut.





XXXIII

De la surface.







La limite entre l'extérieur et l'intérieur n'est ni un corps ni une ligne. Elle est une surface ; car une seule dimension lui serait insuffisante, et une troisième lui serait superflue, ainsi que tu peux le comprendre.

Ne crois pas cependant ceux qui te diront que l'intérieur et l'extérieur sont de part et d'autre de la surface.

Comprends cela en te disant que si tu plonges sous la surface, tu n'atteindras pas les objets qui s'y reflètent.





XXXIV

De l'intérieur.




L'intérieur n'est pas un autre côté de la surface. De part et d'autre de la surface est l'extérieur.


L'intérieur est plutôt, dans son rapport à ce qui est de part et d'autre de la surface, un manque, une absence, un vide.





XXXV

Du vide.







Le vulgaire croit que le vide est une distance pure. Mais s'il n'y avait rien entre deux limites, il n'y aurait pas non plus de distance, ni deux limites, mais une seule.

Un vide ne possède de distance qu'en ce qu'il est un vide relatif. On dit alors d'un récipient qu'il est vide relativement au corps qu'il pourrait contenir — ce qui ne veut pas dire qu'il n'en contienne point d'autre.





XXXVI

Du vide absolu.







Le vide absolu est vide de distance. Il est absolument plat et dépourvu de contenant autant que de contenu.

N'entends pas par là que le vide soit complètement dépourvu d'être, mais que son être est virtuel.

Ce vide est l'apparence de la chose.

A l'extérieur de cette apparence est l'essence ; car l'apparence est l'intérieur même du réel.

C'est donc parce que le vide est lui-même contenu qu'il n'a aucune contenance.





XXXVII

De l'image.







Il pourra t'arriver d'entendre opposer réel à virtuel. Ne te laisse pas abuser par cet usage.

Si tu entends dire qu'une image peut être réelle ou virtuelle, n'oublie pas qu'à la première correspond un objet virtuel, et à la seconde un objet réel.

Car une image virtuelle n'est qu'une lumière qui ne s'est pas accommodée à une surface.





XXXVIII

De l'objet, de son espace  et de ses deux sous espaces.







Quelques définitions te sont peut-être nécessaire pour comprendre ce qui précède. Voici :

Un objet est le point d'intersection de deux rayons arrivant sur une surface. Il est appelé réel si ce sont les rayons eux-mêmes qui se coupent. Il est dit virtuel si ce sont leur prolongement.

L'espace objet se décompose en deux sous espaces.

Tu as successivement le sous espace objet réel avant la première surface rencontrée par la lumière, et le sous espace objet virtuel après cette première surface.





XXXIX

De l'espace image et de ses sous espaces.







Tu comprendras mieux en songeant qu'une image est l'intersection de deux rayons lumineux émergeant d'une surface.

L'image est réelle si ce sont les rayons lumineux eux-mêmes qui se coupent. Elle est virtuelle si ce sont les prolongements.

L'espace image comprend aussi deux sous espace.

Tu as successivement le sous espace des images virtuelles avant la dernière surface rencontrée par les rayons, et le sous espace des images réelles qui se trouve de l'autre côté de cette surface.





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