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Jean-Pierre Depétris

 

De l'invariable
et du mouvant


 
MARSEILLE

MCMLXXXVIII

 

Chapitre cinquième
De l'apparence




Mais au fond, qu'est-ce que l'apparence ? Quels sont ses rapports avec l'essence ? N'oublions pas que toute essence, toute vérité, pour ne pas rester abstraction pure, doit apparaître.

G. W. Hegel.








XXV

De l'image des mots.







N'oublie pas toutefois que les mots peuvent être employés de deux manières différentes.

Dans l'une ne compte que l'exactitude des relations qu'ils entretiennent entre eux. C'est ce qu'on appelle Logique, ou encore Grammaire. Dans ce cas, les mots ne se rapportent qu'aux mots.

La seconde n'exige d'exactitude que le peu nécessaire au fonctionnement de la langue.





XXVI

De l'objet des mots.







Dans cette seconde manière d'employer la langue, les mots se plient à l'usage, et ne nécessitent nulle valeur exacte, car leur utilisateur ne perd jamais de vue et conserve sur son métier l'objet auquel se rapporte son propos.

Dans ce cas, tu ne dois pas t'arrêter à l'exactitude des définitions et de leur enchaînement, mais être attentif avant tout à leur objet.

Cette manière est appelée Théorique, ou Esthétique. La grammaire n'y est plus l'objet mais l'instrument.





XXVI

De la dialectique.







La dialectique est la science qui s'occupe du rapport entre la logique et la théorie.

Elle est une science très difficile car elle ne peut prendre appui sur aucun sol stable ; aucun des deux termes ne pouvant en tenir lieu pour servir de métier ou d'outil envers l'autre.

La dialectique doit donc fonder sa raison sur elle-même.

Ainsi lorsque tu vois un navire laisser par devers lui deux sillages d'écume, tu ne dis pas que c'est cette écume qui fait avancer le navire.





XXVIII

Des limites propres aux propositions.







Il s'en suit que la logique ne se préoccupe pas de ce que ses propositions soient vraies ou fausses, mais seulement qu'elles soient sensées ou qu'elles soient absurdes.

Par contre les propositions théoriques ne sont jamais absurdes ; elles sont vraies ou fausses, c'est à dire conformes ou non à leur objet.

Les unes se heurtent à des limites intrinsèques, et les autres à des limites extrinsèques.





XXIX

Des limites de la dialectique.







Il arrive que tu voies employer Dialectique dans un sens péjoratif pour la raison que cet art ne possède pas ce genre de limites, si ce n'est celles qu'il se trace lui-même.

La dialectique s'appuie pourtant sur deux limites à la fois, en ce sens qu'elle doit maintenir leur rapport, si ce n'est en acte, tout au moins en puissance.





XXX

De ce que la dialectique est la science des formes.




Cela t'est dit pour que tu saches que l'exactitude des termes et de la syntaxe est moins importante que tu aurais pu le croire dans un premier abord, et qu'il ne faut point tant t'en préoccuper.


Mais tu dois aussi retenir que la Dialectique est proprement la science des formes.





XXXI

De la manifestation du réel.







La dialectique a pour objet le réel. Ce que sont pour la logique le sensé et l'absurde, ou pour la théorie le vrai et le faux, le sont pour la dialectique l'apparent et l'illusoire.

Elle distingue Apparence et Illusion afin de faire apparaître le réel.

Si tu y réfléchis tu découvriras dans cette proposition un double sens. Il tient à ce que l'opération est réflexive. Car il s'agit de rendre manifeste ce qui est réel, mais aussi de réaliser ce qui a été conçu.





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