La pensée travaille avec des traces mnésiques de percepts. Plus l’impression aura été forte, plus la pensée s’en nourrira.
   
    La pensée travaille au sens mécanique du terme : elle opère des déplacements.
   
    Au début, des impressions fortes servent à construire des images composites saisissantes à partir de déplacements et de condensation.
   
    Ces images composites sont proprement des pensées. Issues des expériences passées, ces images guident les actes et les comportements, les inspirent.
   
    De même que des impressions premières se sont d’abord inscrites dans la mémoire, les images composites que produit le travail de la pensée s’y inscrivent à leur tour. Elles peuvent être parcourues, rappelées et recomposées.
   
    Jusqu’ici le langage ne tient aucun rôle. Il est pourtant virtuellement contenu dans ce procès. Le langage associe impressions (trace mnésique de percept), images symboliques composites, et système de signes.
   
    Les énoncés modulés par un tel système sont eux-mêmes incriptibles dans la mémoire. Cette inscription est facilitée d’abord par des procédés propres à la parole : rimes, rythme, allitérations, mélodies, répétitions…
    Ici la langue est encore chant. Le chant numérise le travail de la pensée pour l’inscrire dans la mémoire indépendamment de l’attention consciente.
   
    La pensée accroît ainsi sa force de travail : réminiscence, déplacement, condensation. La transcription des phonèmes en signes écrits vient décupler encore sa force de travail.
    Ce décuplement peut être perdu si l’impression qui est à sa source finit par s’émousser au cours du processus. Il est vital que l’impression qui est à la source de la pensée demeure vivace.
   
    La pensée travaille aisément avec la parole qui est souple mais fugace. La consistance de l’écrit favorise la navigation, mais au détriment de la souplesse et de la vivacité d’énonciation.
    Numérisé, le texte devient éditable, modifiable et réitérable comme la parole, sans devenir tout aussi volatile.
   
    Tout cela est pratiquement et techniquement assez difficile.