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MÉTHODE RAISONNÉE POUR ÉCRIRE AVEC UN ORDINATEUR

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III REITÉRATION ET INFORMATION

Le propre de tout langage est d’être réitérable. Si je raconte une histoire un jour, je pourrais à nouveau la raconter une autre fois, ailleurs et à d’autres personnes. Naturellement mon récit pourra être sensiblement différent. Si je retourne voir une pièce de théâtre le lendemain, elle ne sera pas jouée exactement de la même façon. Il se peut aussi que je retourne voir cette pièce bien plus tard, ailleurs, jouée par d’autres acteurs dans une autre mise en scène. Elle sera alors différente, tout en demeurant la même pièce.

C’est là une question de première importance en ce qui concerne le texte, et que l’encre et le papier nous avait laissé ignorer. Il est dans la nature du texte d’être réitérable, et il devient alors important de déterminer dans quelle mesure un texte, au cours de ses réitérations, demeure le même ou en devient un autre.


L’imprimerie nous avait donné l’habitude de distinguer le manuscrit et le texte édité. Le premier n’était qu’une ébauche du second ; seul le texte édité était le véritable texte. Il pouvait donner lieu à des rééditions. Celles-ci étaient cependant d’un nombre limité. Elles étaient généralement l’occasion de successives modifications, et représentaient ainsi des versions successives d’un même texte.

Avant l’imprimerie, c’était le manuscrit, sujet à d’innombrables copies non moins manuscrites, qui était considéré comme le texte véritable, du moins quelques versions manuscrites dûment certifiées, destinées à servir de modèle au copiste.

Avec l’ordinateur, l’édition devient illimitée. Le texte peut être à chaque instant imprimé, modifié, réédité, dupliqué, au point qu’il devient problématique d’identifier, si ce n’est la version définitive, du moins la provisoire dernière version, en un mot, le « véritable » texte.


Le véritable texte n’est certainement plus des traces d’encre sur du papier, mais une suite de 0 et 1 contenant l’information nécessaire, et rien de plus ni de moins que cette information nécessaire à sa réitération.

Il appartient alors à l’auteur de définir la nature et la quantité d’informations nécessaires. Par exemple, le choix de la police ou la dimension des lignes peuvent ou non faire partie de l’information nécessaire. La mise en italiques de certains mots en fera certainement partie, mais sans doute pas le format d’impression.

Pendant longtemps, l’auteur a pu se permettre d’être très indécis, ou du moins imprécis, sur de telles questions. De nombreuses raisons le lui interdiront toujours plus ; la première est le besoin de poursuivre confortablement son travail.

Marguerite Yourcenar a mis quatre ans pour écrire Mémoires d’Hadrien. Pendant ce temps, un logiciel peut évoluer de deux versions, ainsi que le système d’exploitation. Il n’en faut pas plus parfois pour perdre une police qui changera la pagination, ou perdre tous les caractères insécables d’un texte.

Il n’y a certes là rien d’irréparable, mais de quoi disperser l’attention à des moments où ce n’est pas souhaitable. L’auteur doit donc maîtriser les problèmes informatiques pour que ni lui ni personne n’en soit plus perturbé lorsque le texte seul doit retenir l’attention.

Parfois, la place exacte des caractères dans une page est déterminante. Cette exigence qui, de prime abord, pourrait laisser croire à la nécessité d’une grande quantité d’informations, de type vectorielles par exemple, est en réalité très facile à satisfaire avec du texte brut, du moment que celui-ci est en principe affiché dans une police à chasse fixe.

Une police à chasse fixe est une police dont tous les caractères (même les invisibles) occupent un même espace (‘l’ y est aussi large que ‘m’). Il suffira donc de positionner chaque lettre à l’aide d’espaces et de sauts de lignes. C’est en particulier très utile pour présenter des tableaux sans faire de tableaux, voire, même, faire de petits dessins :

           ////
          (@ @)
-----ooooO-( )-Ooooo------

Un tel texte peut être converti en html, dans la mesure, à ce moment là, où l’on impose une police à chasse fixe, soit dans la balise <charset…>, soit par une feuille de style :

<style><!--p{font-family: monospace}--><style>

dans la section <head>.

On peut encore insérer du texte entre les balises <TT></TT>. Particulièrement utile si l’on désire que seulement une partie du texte de la page soit en chasse fixe.

 

On peut parfois paramétrer cela dès la conversion à partir de son traitement de texte, on peut, dans tous les cas, insérer automatiquement de telles balises à partir d’un éditeur wysiwyg, ou sinon, taper le code dans un éditeur de texte ou un éditeur HTML.

Signalons qu’il existe aussi des éditeurs de feuilles de styles autonomes.

Dans tous les cas, il est important de savoir ce que l’on veut.

Pour garder l’exemple de Mémoires d’Hadrien, là où s'achève une page et où en commence une autre n’y a aucune importance, et que le livre soit édité en 300 ou 600 pages n'y change rien. Sauf, peut-être, si Marguerite Yourcenar avait travaillé sur un ordinateur et qu’elle ait fait des sorties imprimante pour relire et corriger son texte. Dans ce cas, un changement de pagination lui aurait inextricablement compliqué le travail de correction à l’écran.


(Astuce : Lorsqu’on corrige un long texte à l’écran à partir de ses pages imprimées, il peut être judicieux de commencer par la fin pour ne pas être gêné par de probables changements de pagination.)




IV ÉDITABILITÉ ET LISIBILITÉ

Dans la mesure où, avant l’ordinateur, un texte ne pouvait qu’être inscrit une fois pour toutes sur du papier, que ce soit à la main ou par tout autre procédé mécanique, il n’y avait aucun sens à distinguer un texte écrit pour la lecture seule ou pour l’édition. Un manuscrit, ou encore un tapuscrit adressé à un éditeur, étaient tout aussi définitivement inscrits sur la page, qu’un texte imprimé, dont on pouvait d’ailleurs tout aussi facilement annoter les pages.

La numérisation offre à la place de cet état de choses un très grand nombre de possibilités. Tout d’abord, un texte peut être éditable ou en lecture seule (read only).

Le texte peut aussi être exportable, ou enregistrable sous un autre format (ce qui signifie à peu près la même chose), ou peut ne pas l’être. Il peut être modifiable ou ne pas l’être du tout. Il peut être encore imprimable ou non. On peut ou non y sélectionner du texte pour le copier, On peut aussi en exporter le texte seul, ou le texte stylé, ou encore le fichier complet, avec ses illustrations ou autres objets. Les possibilités et leurs combinaisons sont immenses.


S’il peut être au début difficile d’apprendre comment on fait, on découvre très vite que le plus dur est d’apprendre à concevoir son besoin exact. D’autant plus qu’on découvre généralement bien longtemps après les raisons de regretter son choix.


 
Lecture seule
Édition
Importation-Exportation
Formats propriétaires
Pas adapté
Adapté pour le même outil, ou avec des traducteurs appropriés
Limitée et problématique
PDF
Très adapté
Non
Impossible, si ce n’est la copie éventuelle de petits objets
Texte brut
Adapté sous certaines conditions
Très adapté
Facile dans le même système d’exploitation
HTML
Oui
(sur tout navigateur, éventuellement sur un traitement de texte)
Oui à partir de différentes applications
Oui

Succinctement, ces principaux choix sont :

On veut seulement permettre à d’autres de lire et d’imprimer. Il est donc souhaitable que le fichier ne subisse aucune modification, de la part du logiciel qui l’ouvre, ou sous l’effet d’une erreur de manipulation.

On prévoit de continuer le travail sur un même équipement.

On souhaite partager la possibilité de modifier les données, ou l’on souhaite tout simplement se réserver les possibilités de reprendre le texte bien plus tard.




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© Jean-Pierre Depétris, 2002