Jean-Pierre Depétris

Considérations d'un profane sur le vivant


Suivant ->

DEUXIÈME PARTIE

 

Carnets hiver 1996

 

 

 

 

I

LES QUESTIONS DE L'EGO, DU RÉEL ET DE L'AUTRE, ABORDÉES DU POINT DE VUE D'UNE CRITIQUE DE LA THÉORIE FREUDIENNE DE LA SEXUALITÉ.

 

 

 

 

 

1) L'inconscient et le moi

Le 6 février

Les termes de « caché » et d' « inconscient » font oublier que les moins clairs sont ceux de « sens » et de « pensée », ai-je écrit dans Suites sur le fonctionnement réel de la pensée. Il est en effet banal de dire qu'un sens puisse être caché et qu'une pensée puisse être inconsciente. Mais cela dit surtout que « je » ne cesse pas d'être quand je cesse d'être conscient, ni même que « je » cesse de penser.

 

« Je ne m'évanouis pas quand je cesse d'être conscient », pourrais-je dire, et ce n'est pas si évident au fond.

« Est-il conscient ? » demande-t-on de qui a reçu un choc. Et l'on peut répondre : « Non, il a perdu connaissance. »

 

*

 

Il nous manque un concept. Je l'emprunte à l'Arabe : Anaïya. (Pourquoi pas « je », « ego », « ich », « I » ? ou encore « sujet », ou « agent » ?)

« Anaïya » s'articule explicitement avec le concept de « Haq » : Réel (Haqiqa dans la métaphysique Arabe).

 

*

 

Freud articule le « ich » (je) avec le principe de réalité (Wirklichkeit). « Ich », on le traduit un peu inconsidérément par « moi », et non par « je » ; soit par la forme complément d'objet et non sujet.

Freud articule le « moi » au « réel » par l'intermédiaire du « principe de plaisir » ; le « principe de plaisir » s'opposant au « principe de réalité », ou l'inverse.

 

*

 

Si on lit avec un peu d'attention Au-delà du Principe de Plaisir, on voit que Freud se livre à une périlleuse voltige entre des principes physiques et des principes métaphysiques. Il passe des uns aux autres et glisse perpétuellement de la relation entre l'organisme et son environnement à celle entre système psychique et réalité.

C'est à dire qu'il suppose non seulement une relation entre ces deux plans, mais qu'il la conçoit comme strictement symétrique, alors que c'est bien cette relation, (ce rapport entre ces deux niveaux, physique et métaphysique) qui fait question.

 

*

 

Je ne sais pas ce qu'est un « système psychique », je suppose que ce ne doit pas être très différent de ce que Descartes appelle « âme », mais ce n'est pas plus clair, au contraire, et je ne sais pas davantage ce qu'est la réalité, qui plus est : « extérieure ». De là Freud passe aisément à un rapport entre système symbolique et réalité.

Je sais mieux ce qu'est un système symbolique qu'un système psychique ; aussi je comprends mieux ce que peut être l'extérieur d'un tel système : c'est ce qui n'en fait pas partie. Mais tout n'en devient pas pour autant limpide, car s'il y a toujours un sens à dire qu'une chose n'en fait pas partie, et même beaucoup de choses, ça ne veut pas dire que la notion d'un « extérieur du système symbolique » ait un sens. « Tout ce qui ne fait pas partie d'un système symbolique », ce peut être « n'importe quoi », et « n'importe quoi » on ne sait pas bien ce que c'est ; et ce n'est probablement pas « la réalité ».

 

*

 

Freud glisse imperceptiblement entre trois plans :

Organisme

<—>

Milieu

Système psychique

<—>

Monde extérieur

Représentation

<—>

Réalité

 

Dans chaque colonne, chacun des trois éléments peut se substituer aux deux autres.

 

*

 

Cependant, Freud pose quelque chose de très original et de remarquable : « le système perception-conscience », qu'il ne situe pas n'importe où, mais entre les deux colonnes. C'est très pertinent que le système perception conscience ne soit ni à « l'intérieur », ni à « l'extérieur », même si j'avoue ne pas bien comprendre de quoi.

 

*

On a encore glissement sur trois étages : enveloppe biologique, écorce cérébrale, système perception-conscience.

 

Organisme

Enveloppe

Milieu

Système psychique

Écorce cérébrale

Monde extérieur

Mémoire

Perception-conscience

Réalité

 

Freud fait une métaphore à trois niveaux. Mais il ne le dit pas. Il ne le sait pas. Il ne voit pas sa métaphore. Alors qu'il affirme en faire une — il emploie le mot — quand il rapproche le processus de condensation dans le rêve du parallélogramme des forces. 1

 

*

 

La conscience est un bord : la perception et la conscience. Je vois là une lumineuse intuition, mais qui rend plutôt obscur de quoi elle serait le bord.

L'autre lumineuse intuition de Freud est d'imaginer une mécanique de la pensée. Mais il est un mauvais mécanicien, il ne voit pas, en face d'un travail résistant, un nécessaire travail moteur.

 

*

 

Dans Au-delà du Principe de Plaisir, Freud précise bien que ce n'est pas l'inconscient qui résiste, mais le moi.

En fait ce serait l'Anaïya qui serait évacuée avec le travail moteur.

 

*

 

La réalité est superficielle, voilà ce que je conclurais plutôt : la réalité est surface, surface qui résiste ; résistance de la surface.

Sans résistance, pas de surface, moins encore d'intérieur et d'extérieur.

 

*

 

Une troisième intuition éclairante de Freud est d'associer l'instinct de conservation à un instinct de mort. Tout ce que peut faire un organisme pour rester en vie n'est qu'un cheminement pour sa mort.

Il me semble évident qu'on ne comprendra jamais la vie en la ramenant à un instinct de « la garder » ; plutôt de la risquer, car la vie n'est sans doute rien d'autre que son risque de la mort, son risque délibéré, le désir au mépris de la mort (le désir, mais aussi bien la volonté ou même le devoir), plus fort que l'instinct de conservation.

 

*

À « l'Instinct de Mort », associé donc au « moi », et à la conservation du « moi » en tant qu' « être pour la mort », Freud oppose la « Libido », qu'il distingue toujours plus, au fil de ses recherches, de la seule génitalité pour en faire une « relation d'objet », désir du moi pour « l'objet » — ce qui n'est pas « moi ».

 

*

 

Le 7 février

Relation d'objet : et pourquoi pas, au contraire « relation inter-subjective » ? C'est sans doute là le point le plus trouble de la psychanalyse, et celui aussi de toute psychologie et même de toute philosophie.

Relation d'objet : serait-ce à dire que « l'autre » ne nous intéresse pas ? du moins ne nous intéresse pas immédiatement. C'est l'objet qui éveille notre intérêt, notre curiosité, notre désir... notre faim.

Et l'autre ne pourrait que « se dégager » de cette relation d'objet. L'autre n'apparaît qu'en se détachant de l'objet à travers cette relation d'objet — l'autre ne surgit que de la relation à « l'objet commun ». C'est ce que j'induis mais ne lit nulle part.

 

*

 

La littérature psychanalytique, psychologique en général, me semble s'évertuer toujours plus à faire comme si la réalité n'existait pas, ou plutôt comme si la réalité était l'autre, l'autre sujet, l'autre du moi ; mieux : les autres. S'évertue d'oublier, ou encore de nier que « l'autre » n'est réel qu'à travers l'objet.

Cela peut se décrire : La littérature psychologique ramène souvent l'objet au « transactionnel ». « Transactionnel », le terme renverrait à l'économie, qui veut en effet ramener tout objet à une marchandise ; faire qu'il n'ait d'autre fonction que l'échange, ni d'autre réalité que sa valeur d'échange.

(Je ne nie pas qu'on puisse y croire, et justement appelle-t-on cela « le crédit ». Mais crédit en quoi ?)

 

*

 

L'autre n'est-il plutôt celui que l'on rencontre dans la quête de l'objet ? La rencontre d'un autre pouvoir que le nôtre ?

Nos deux pouvoirs se croisent. Et ils peuvent se croiser selon tous les angles possibles. Selon l'angle, ce pouvoir va s'associer au nôtre et l'accroître d'autant, ou bien s'y opposer. Et l'amour ou la haine seront d'autant plus forts.

 

*

« Ah, c'est toi ? »

Et comment est-ce que je sais que c'est moi quand un autre manifeste ainsi la découverte de ma présence ? Est-ce que je dirais aussi bien « ah, c'est moi ? » Ai-je besoin de savoir que « c'est moi » ?

Je peux dire « ah, c'est moi » quand je découvre mon image ou un effet quelconque que j'aurais provoqué sans m'apercevoir tout de suite qu'ils étaient miens.

Parfois l'outil ou la machine dont je me sers peuvent cesser d'être ressenties comme étrangers à moi. Ils sont moi : ce qui veut dire que je ne les ressens plus. Je n'ai pas à me demander comment remuer, par exemple, le stylo afin de former les mots, pas plus que je n'ai à penser comment remuer ma main. Parfois au contraire, les parties les plus intimes de mon corps cessent d'être perçues comme « faisant partie » de moi : quand j'essaie devant la glace d'enlever un cil qui m'est entré dans l'œil, par exemple.

Est-ce à dire que « je » suis quand, ou plutôt où, « je » ne le sais pas ?

« Je » suis sujet d'un savoir, d'un percevoir, d'un « ça voir » en ce que précisément « je » n'en suis pas l'objet. (Et maintenant, amuse-toi à tourner en rond avec ça.)

 

*

 

« Ah, c'est toi ? » Évidemment c'est autre chose.

« Je » ne m'intéresse pas, c'est l'objet qui m'importe. Et pourtant « je » m'affirme dans la résistance de l'objet — j'en jouis et m'en nourris.

Plus il y a de l'objet, plus il y a du « je » (du sujet). Aussi aurais-je du mal à distinguer si je jouis de l'objet, de ma sensation de l'objet, ou de moi-même. (De la pure anaïya : la pure jouissance d'être, qui n'a rien à voir avec une défense du « moi », une conservation de ce « moi », bien au contraire : puisque ce « moi » ne serait qu'une objectivation figée de ce « je suis » — un être pour la mort.)

 

Ce que j'expose ainsi n'est pas aussi clair que je le souhaiterais, mais on fait perpétuellement l'expérience de ce qu'avancer, « aller vers », impose d'abandon, d'oubli et de deuil — de deuil de « soi » —, combien « je » suppose de « devenir autre ».

Combien « je » suis vide, vide de « moi ».

 

Plus il y a d'objet, plus il y a de « je » (sujet). Et c'est là que parfois surgit « l'autre », l'autre sujet : « Ah, c'est toi ? »

« Je », comme travail moteur, va vers l'objet, comme travail résistant, produit sa résistance, et s'en nourrit. Mais voilà que « je » découvre un surcroît de travail, qui ne « me » résiste pas, qui n'est pas résistant, et n'est pas non plus « le mien ». Voilà comment « je » découvre « l'autre » : un surcroît de puissance qui se conjugue à la mienne, mais qui n'est pourtant pas mienne, ni ne lui résiste.

C'est ainsi qu'on reconnaît l'autre, pas comme une vague morphologie humanoïde.

 

Même un psychologue devrait pouvoir comprendre le saut immense qui sépare, chez le petit enfant, le désir et la jouissance du sein comme objet, et la relation avec la mère comme celle qui donne, ou plus exactement participe à l'acte de le « prendre ». Certes, il la connait, cette différence, mais voit-il bien comment la seconde relation ne peut que « se dégager » de la première — le désir et la jouissance de l'objet —, certainement pas s'en passer et moins encore la réduire à un pur échange symbolique ?

 

*

 

Mais supposons que cela advienne : que la relation d'objet ne devienne plus qu'un échange symbolique entre « moi » et « l'autre ».

Et cela advient en effet. Qu'est-ce qui se négocierait alors dans cette transaction, si ce n'est une image : un reflet du moi, une identité dans le regard de l'autre ?

Il semble que cela soit pris très au sérieux par les psychologues, les thérapeutes, les enseignants, les éducateurs... il semble que ce soit avant tout de cela qu'ils se soucient. Il semblerait à les entendre que « je » ne sois rien d'autre que cette hallucination des autres (dont chaque « autre » ne serait donc qu'une part de nos hallucinations).

Cette image, ce reflet ne rejoint-il pas précisément ce que Freud pointe comme le « moi » que travaille un « instinct de mort » ?

 

*

 

2) Le principe de réalité

Le 8 février

On se demande pourquoi Freud a pris le risque d'écrire ses Essais de psychanalyse, car le risque me semble réel : s'avancer ainsi dans ce qu'on ne maîtrise pas et livrer au public des spéculations si provisoires est le meilleur moyen de se discréditer et au moins de semer le doute sur ce qui est mieux établi d'une pratique et de sa théorisation.

Freud prend ses précautions et prévient du caractère spéculatif, provisoire, hâtif et abrégé de ces essais ; mais justement, pourquoi alors les publier ?

J'observe aussi le caractère profondément corrosif de ces essais. Ils jettent bien plus de doute qu'ils ne résolvent aucune question tant pratique que théorique.

 

*

 

Pour Freud la conscience est une « fonction particulière des processus psychiques ». Elle reçoit (i) les perceptions d'excitations venant du monde intérieur, et (ii) les sensations de plaisir et de déplaisir venant de l'extérieur de l'appareil psychique.

C'est ainsi qu'il situe « le système P-C » (perception-conscience) dans la « périphérie de l'écorce cérébrale ».

(Je ne sais si je dois attribuer le flou que je ressens à la traduction du Dr. Hesnard, à la façon dont s'exprime Freud ou a sa pensée.)

 

La conscience n'est ni intérieure ni extérieure, mais périphérique. Soit.

Ici « système psychique » me semble synonyme, sinon de système organique du moins de système nerveux, si ce n'est cérébral. Soit.

Freud défini le système psychique comme le lieu de la mémoire. De la mémoire, et non de la conscience.

La conscience serait-elle surface de la mémoire, écran ? 2

Bref, les excitations, pour devenir conscientes, « ont besoin d'un autre système » que le système psychique :

 

« Une seule et même excitation ne peut à la fois devenir consciente et laisser trace dans le même système. »

« La conscience naîtrait où s'arrête la trace mnésique. »

(Payot, page 31)

La particularité du système de la conscience serait qu'aucune modification de ses éléments ne serait durable — la mémoire s'évanouit en devenant conscience.

 

*

 

Tous ces passages réveillent mes lectures cartésiennes. C'est manifestement de cela que parle Descartes quand il affirme que les animaux n'ont pas d'âme : ils n'ont pas de « système perception conscience », mais ils ont bien sûr un système psychique. (Ce que j'en pense ? — Rien. Et en fait aucune des deux lectures ne m'éclaire beaucoup l'autre.)

 

*

 

Il y a dans tout ce passage 3 un abus des notions intérieur-extérieur qui le rend incompréhensible. La surface du cerveau n'est pas une interface. Pourquoi pas l'extrémité des nerfs, ou la glande pinéale, ou le système bulbe-mœlle épinière ? Qu'est-ce qui peut tenir lieu de périphérie ? L'écorce cérébrale n'est en rien en « contact immédiat avec le monde extérieur », elle est plutôt un « fond de la caverne » 4

 

*

 

Freud évoque l'organisme simplifié, primitif : la simple boule « irritable », sensible. La surface orientée vers l'extérieur se trouve différenciée par cette seule orientation. (C'est exactement ce que j'ai écrit à propos du tropisme5.) Cette surface de l'organisme primitif aurait donné naissance, dans l'organisme évolué, aux cellules nerveuses. (Bon.) En résumé, la surface devient réfractaire aux modifications : c'est ce qui la rend apte à faire naître la conscience (page 32).

(C'est l'idée d'une surface, d'un intérieur et d'un extérieur qui me paraît folle ici. Pourquoi pas la peau, la membrane, au devant et distincte des extrémités du système nerveux, comme chez Aristote ?)

 

*

 

« On peut supposer qu'en passant d'un élément à un autre, l'excitation doit vaincre une résistance et que c'est à la diminution de la résistance qu'on doit rattacher la trace durable laissée par l'excitation (trajet frayé) ; on aboutit ainsi à la conclusion qu'aucune résistance de ce genre n'est à vaincre dans le système de la conscience où le passage d'un élément à un autre se fait librement. »

(pages 32-33.)

Ceci est à rattacher à la distinction entre éléments du système psychique selon la charge énergétique : soit « énergie sous tension ou dissimulée », soit « énergie circulant librement » dans le système de la conscience.

 

*

 

Freud postule qu'un système vivant doit se protéger contre les énergies extérieures. Soit, mais pourquoi devenir vivant, pourquoi « risquer » la vie ? L'évolution de la vie est aussi bien l'abandon de protections, et l'abréviation aussi bien de la vie au profit de l'intensité. L'évolution ne va certainement pas dans le sens de la protection et de la longévité des individus.

 

Freud évoque un cuirassement de la surface (fin page 33).

« La surface se dépouillant de l'organique épargne le même sort à l'intérieur » (page 34).

 

La réception d'excitations sert à renseigner l'organisme sur la direction et la nature des énergies extérieures, aussi n'en filtre-t-il que de petites doses.

Chez l'organisme supérieur, la surface s'est retirée dans les profondeurs, à l'exception des organes des sens (page 34).

Bref, l'écorce cérébrale vient de l'enveloppe primitive (page 35). Elle reçoit les excitations de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur. Apparaît alors la nécessité d'une production des excitations venant aussi de l'intérieur ; elles se propagent, sans subir l'amortissement du système de la conscience, donnant lieu aux sensations de plaisir et de déplaisir.

 

« Les excitations venant de dedans présentent aussi bien par leur intensité que par d'autres caractères qualitatifs (éventuellement aussi par leur amplitude) une correspondance plus grande avec le mode de fonctionnement de la conscience que les excitations qui affluent du monde extérieur. »

 

Deux faits s'en dégagent : (i) « les processus de plaisir et de déplaisir par lesquels se manifestent les processus qui se déroulent à l'intérieur du système psychique l'emportent sur toutes les excitations extérieures. »

(ii) « L'aptitude de l'organisme est orientée de façon à s'opposer à toute excitation intérieure susceptible d'augmenter outre mesure l'état de déplaisir. »

 

De là naît une tendance à traiter ces excitations provenant de l'intérieur comme si elles étaient d'origine extérieure afin de leur appliquer les défenses dont l'organisme dispose. Ce qui expliquerait le processus de projection.

 

*

 

Le 9 février

L'association que je fais entre « objet » et « force résistante » me semble de nature à rendre plus claire bien des explications embrouillées.

La distinction entre travail moteur et travail résistant n'est au fond que le travail lui-même. Je peux traduire cela en disant que ce qui fait que je ne sens plus ma plume ou ma planche à voile comme un corps étranger, ou que je me mets à sentir la prunelle de mon œil comme étrangère, dépend de l'opération que j'exécute. Cela pour dire que la distinction que je fais, pour être nette, n'est jamais définitivement fixée. L'objectivité, ou si l'on préfère l'objectalité, n'est jamais « objective ».

Moins fixe encore est la distinction d'un autre sujet, d'un autre « je », d'un « tu », ou de plusieurs, susceptible de donner un « nous ». Lorsqu'une force s'ajoute à la mienne, comment est-ce que je fais pour la distinguer ? En fait ce n'est pas tant l'identification qui pose question, mais l'individuation.

 

*

 

Le je et le jeu.

Observe les jeux des jeunes animaux. Je crois que Descartes a négligé cette observation. L'animal n'est pas inconscient car il joue. Un « automate » ne jouerait pas.

Le jeu et la futilité.

Pueri ludens — la « figure philosophique ». Est-ce pourquoi la futilité et la fertilité ne sont jamais très loin l'une de l'autre ?

 

*

 

Rien n'est plus fugace que ces limites entre « je », « objet » et « toi ». Tout « jeu » est un jeu sur cette fugacité. — Et bien sûr les jeux érotiques. (Et là je vois l'irréductible de la théorie freudienne de la sexualité.)

 

*

 

La réalité n'a aucun sens ; l'objet n'a aucun sens.

Mais l'objet est propre au désir. Toute vie est tension dévorante vers des objets. Si ce n'est désir, c'est du moins faim, soif...

Observe la plante : où vois-tu une volonté de survie ? Ne vois-tu pas au contraire les feuilles qui se tendent sous la lumière, les racines qui plongent sous la terre ? Et cela suffit bien à ce que la plante se conserve, et croisse.

S'il y a évolution, on voit bien alors de quoi : de la perception et de la conscience. Évolution dans l'appréhension de l'objet — de la préhension, par l'appréhension, à la compréhension.

 

*

 

Freud me semble ignorer l'intuition, la découverte de l'autre. Il y a « de l'autre » : « Tiens, c'est toi ? »

Il ramène trop « l'autre » à « l'objet », en tout cas de façon incomplète ; ce qui permet à Lacan de chavirer la théorie dans l'extrême inverse : il ramène trop « l'objet » à « l'autre ».

 

*

 

De quoi est-il exactement question ici ? Il est bien clair que la psychanalyse en tant que telle, considérée du point de vue thérapeutique, ne m'intéresse pas. Le fait est simplement qu'elle a depuis un siècle soulevé de fameux gibiers, de sacrés pistes en ce qui concerne le langage, la pensée, le sens, les lettres, le travail intellectuel et quelques autres choses de ce genre, et que l'on a peu poursuivies.

Je suppose que cette confusion de l'autre et de l'objet a ses conséquences thérapeutiques, sans doute, je l'espère, corrigées empiriquement. Pour ce qui est des conséquences dans la parole et dans l'écrit, elles ne me semblent pas négligeables et elles sont tout à fait perceptibles, du moins intuitivement.

 

*

 

L'autre : le tout autre.

Je ne crois pas que l'intuition de l'autre, la première intuition, soit celle du « semblable ». Tout au contraire.

Je suis toujours surpris que Freud et ses disciples, qui accordent tant de prix à ces premières relations du nouveau-né à sa mère, ne paraissent jamais relever ce point essentiel qu'il n'y a aucune chance pour que l'enfant ait alors une intuition de sa mère comme d'un être qui lui serait semblable aussi peu que ce soit. J'entends quand le tout petit enfant commence à percevoir dans le corps de la mère autre chose qu'un simple objet.

 

*

 

Quand l'enfant commence à apprendre à se servir de ses couverts pour manger, la mère, le père ou quiconque assurant cette fonction, lui tient la main, l'aide à saisir sa cuillère. On suppose que l'enfant discerne mal la part des actes qu'il accomplit de la part d'aide qu'il reçoit.

J'essaie là de montrer une part d'impression trouble que l'on ne peut manquer d'observer tout au long de sa vie.

 

*

 

3) La théorie de la sexualité

Le 10 février

La théorie de la sexualité a fait scandale, c'est du moins ce qu'affirment les psychanalystes. Le fait est que c'est dur à avaler, et pourtant ça résiste. C'est ça : ça ne tient pas, mais ça résiste.

Jung avait distingué « sexualité » et « libido », mais cette dernière perdait alors toute consistance opératoire et tombait carrément dans le mythe.

En fait, c'est la notion de « sexe » qui est ambiguë. Elle recouvre au moins trois choses distinctes : (i) La reproduction de l'espèce qui, à elle seule, ne suppose ni la partition en deux sexes, ni la jouissance érotique. (ii) La partition en deux sexes qui suppose certes la reproduction, mais pas de façon explicite la jouissance érotique. Et (iii) La jouissance érotique qui ne suppose ni la reproduction, ni la partition en deux sexes.

Certes il y a une corrélation très serrée entre ces trois fonctions, mais Freud oublie qu'elle est plutôt complexe et, cette complexité, il va peut-être la chercher où elle ne se trouve pas. Tout ramener à la sexualité — c'est à dire à la partition en deux sexes, comme si elle était à ce point déterminante qu'elle englobe nécessairement les deux autres fonctions — revient à sous-estimer la pure jouissance érotique, à sous-estimer l'éros. Ce qui peut tout aussi bien conduire, comme le fait Jung, à « sauver » l'éros, mais en le diluant dans un concept trop vague de « libido ».

Que l'éros soit lié au sexe et à la reproduction, c'est une évidence, mais il s'y réduit pas ; qu'il soit lié aussi à l'individuation et à toute activité désirante comme à tout attachement, c'en est une autre, mais où il ne se réduit pas davantage.

Léonard de Vinci a fait preuve d'une plus robuste sagesse, il va à l'essentiel : la verge. Il nous dit qu'elle semble posséder une âme indépendante. Elle ne nous obéit pas, mais n'obéit pas davantage à une utilité naturelle comme le cœur ou l'estomac. Elle fait à sa tête, elle s'éveille et s'agite quand nous ne lui demandons rien et s'endort aussi bien quand nous aurions besoin d'elle. 6

Nous ne la domptons jamais ; jamais nous n'apprenons à la commander, au mieux nous parvenons à la connaître, à deviner ses réactions et à les devancer, mais je crains qu'elle n'en soit capable aussi bien à notre propos. Aussi vivons-nous tous en plus ou moins bonne intelligence avec elle, qui lui menant une véritable guerre, qui vaincu et dompté vivant sous sa férule, qui entretenant une solide complicité basée sur la confiance et la franchise.

 

*

 

Quand je parle du « jeu », et tout spécialement du jeu amoureux — comme ayant pour principal objet les limites fugaces entre « je », « l'objet » et « l'autre » — qui pointe l'irréductible de la théorie freudienne de la sexualité, je lui en vois marquer aussi bien toute l'insuffisance de cette théorie.7

Le jeu érotique n'a que faire de la reproduction, et utilise plus la différenciation sexuelle qu'il n'y est soumis. Il peut aussi bien être homosexuel que solitaire et se complaît de toutes les « perversions ». (Sur ce point au moins l'Église a raison : il est vain de tenter de déterminer les limites entre un érotisme « normal » et un érotisme « pervers ».)

 

Mais l'objection est facile : le pénis est un organe sexuel, ainsi que le vagin, et ils sont des organes reproducteurs. Ma distinction ne peut rien ôter à cela : et l'usage qu'on fait de ces organes est conforme à leur fonction reproductrice ou ne l'est pas.

À ce compte, la bouche est un organe de nutrition et l'on n'utilise pas seulement la parole pour commander des menus. Mais admettons, oublions la parole et ne pensons qu'à la nutrition. Pourquoi manges-tu ? Pour te nourrir peut-être. Et cela t'arrive-t-il souvent de te dire sérieusement « tiens il est temps que je me nourrisse » ? Et à quel signe seulement le saurais-tu ? À ce que tu ressens de la faim peut-être. Mais observe déjà la différence entre la faim et la nécessité de se nourrir. Elle est très nette lorsque les deux ne vont pas ensemble. Tu n'as pas d'appétit et tu te dis : « il faut que je mange » ; ou encore, tu as faim et tu te dis « j'ai déjà trop mangé ».

Peut-être verras-tu là quelque symptôme morbide, quelque ratée de la normalité. Alors que diras-tu des plaisirs de la table ? Reconnais donc que c'est la plupart du temps pour ce plaisir que tu manges, et que c'est à cette fin qu'est employée la plus grande partie du travail qui consiste à préparer ta nourriture, aussi frugales que soient tes mœurs, et tous les animaux montrent le même penchant : ils mangent, broutent, chassent par plaisir.

Sans doute cela nous nourrit. Tu peux toujours dire que le plaisir est le moyen par lequel la nature dicte sa loi : si tu veux, tu peux même dire que le monde est bien fait. Mais ça ne veut rien dire. À moins que ça ne suppose un « Créateur » suprême qui ait tout établi. Si tu prends cette figure au sérieux, tu n'es pas près de sortir de ses paradoxes.

 

Pense à la phrase de Lichtenberg : « il s'émerveillait de voir que les chats avaient la peau percée de deux trous, précisément à la place des yeux ».

Imagine plutôt à une morphogénèse : ce désir est antérieur au tube digestif, à la bouche et aux papilles gustatives, il existe déjà, il prend forme chez des êtres qui n'en sont pas pourvus.

 

*

 

Pourquoi les mouvements dans la copulation ? Quelle est leur fonction ? Quel est le lien entre le réel fonctionnement du corps dans l'accouplement et la seule reproduction ?

Le poisson est étonnant, car il n'y a pas contact entre le mâle et la femelle, pas contact corporel du moins, mais effet réciproque. Le mâle s'excite, s'agite, frétille et lâche sa semence. Il y a fonction de reproduction, mais tout ne s'y réduit pas. La nécessité que la semence rencontre des ovules ne justifie pas tout ce cirque. Il y a autre chose, quelque chose de bien plus fort, une fonction bien plus vitale, et que la fonction reproductrice utilise seulement comme vecteur.

On ne peut manquer de soupçonner une fonction qui va au-delà de la seule conservation de l'individu ou de l'espèce, mais qui ne serait sans doute pas étrangère à leur évolution — leur évolution dans le sens de l'accroissement des sensations. 8

 

Lucien se moquait de la philosophie d'Aristote qui apprend tout de l'érotisme des moules. Mais ce n'est en réalité pas si dépourvu d'intérêt.

Observe où les organes reproducteurs sont allés se nicher chez les différents organismes animaux et végétaux.

 

*

 

L'erreur qui me semble caractéristique de notre civilisation est de ne pas savoir distinguer l'amour, l'éros, la libido (peu importe le nom) de la génitalité, sauf à le dépouiller aussi de la charnalité.

Ramener l'érotisme à la reproduction, c'est expliquer la pluie par la nécessité d'arroser les plantes.

 

*

 

Le désir que j'ai d'un objet n'a rien de nécessairement érotique ; quel que soit cet objet. C'est là où la théorie freudienne laisse insatisfait. Tout objet peut bien être érotisé, mais il ne l'est pas du seul fait d'être désiré, fût-il le sein maternel pour le nouveau-né.

La reconnaissance de l'autre, comme autre sujet, comme « autre je », comme « toi », n'a rien de plus érotique. L'autre peut bien éveiller en moi de l'attachement, de l'amour, un amour sans borne, mais cet amour n'est pas nécessairement érotique. Je peux même aimer son corps, ses formes, son visage, désirer le prendre dans les bras, l'embrasser, mais ce désir est « chaste ». Tout le monde peut bien comprendre cela et en fait tous les jours l'expérience. Il n'y a rien d'orgastique à serrer dans ses bras sa vieille mère, à embrasser son petit neveu ou à prendre par l'épaule son vieux camarade ; et pas davantage de raison de supposer un « refoulement », quelle que soit par ailleurs l'intensité de l'émotion.

 

Peut-être l'érotisme supposerait-il les deux à la fois : fondre objet et sujet en un seul ? C'est une idée, mais elle n'est pas recevable.

 

*

4) Érotisme et expérience de l'autre

Freud pose d'un côté « moi », et de l'autre « la réalité ». Du côté de « moi », il y a le plaisir ; en face, tout ce qui n'est pas moi avec lequel « moi » doit négocier son plaisir.

C'est un modèle intéressant, tant pour lui-même que pour les comparaisons que l'on peut faire avec d'autres possibles. Il ne me semble pas qu'il y ait un très grand nombre de modèles.

 

C'est un modèle à deux termes, donc plutôt simple. Il rejoint la philosophie empiriste, et a sa version mystique, telle celle de Berkeley : Moi et Dieu ; Dieu incluant à peu près tout ce qui n'est pas moi. (Dali n'avait pas si tort de voir en Freud un mystique à l'envers.) Il est encore une troisième version, qu'on pourrait dire positiviste : Nous et le Monde.

On a de plus nombreux modèles à trois termes : Descartes par exemple. Pour Descartes, il y a aussi Moi, le Monde, et il y a encore Dieu. On trouve le même modèle chez son contemporain Jacob Böhme. Il est à observer ici que « l'autre », « l'autre je », est Dieu, c'est à dire tout sauf un semblable.

 

Le 11 février

Il y a le modèle de la mystique rhénane : Nous, Dieu, le monde, qui est cartésianisé par Hegel : Moi, Nous, Dieu, et « matérialisé » par Marx : Nous, le Genre Humain, le Monde, qui revient alors au plus près de Maître Eckhart dont il ne fait que substituer au Pater le Genre Humain (distinct du « nous » historique).

 

L' exhaustion serait fastidieuse, réductrice et d'un faible intérêt. M'importe surtout la façon dont « l'autre » est pensé, et aussi « moi », et encore « l'objet », « le réel ».

 

*

 

Pour Descartes, à l'instar des soufis, « il n'y a pas d'autre de Dieu ». (Il est vrai que c'est bien la dernière chose dont on se soucie chez Descartes, au point que l'on finit par l'ignorer). Mais il n'y a pas que du Dieu, il y a aussi du Monde.

Les autres avec lesquels « ego » pourrait envisager de faire « nous », sont des figures plutôt fugaces, qui sont englobées soit dans « le monde », le monde des objets, doit dans « je », qui certes devient « nous » mais dans le sens (pré-stirnérien) de « mes propriétés ».

Pour Russell, il y a « nous » et « le monde ». Il n'y a pas de véritable « autre », ni non plus de véritable « moi ». « Moi » est un phénomène naturel, ou bien une manifestation de « Nous ». Russell se prend pour « l'Homme », en tant qu'universel abstrait : « Je suis nous ». (Comme Rimbaud pouvait dire : « Je est un autre ».)

 

*

 

On se retrouve en réalité avec un nombre limité de figures de l'autre :

— Dieu, en tant que « Tout Autre », l'interlocuteur absolu et suprême. Je la dirai la figure mystique.

— Nous, c'est à dire l'Homme, en tant que sujet collectif face au monde réel. On pourrait la dire figure positiviste.

— L'entourage : ceux avec lesquels « je » tisse ses relations et son « identité ». La figure psychologique.

— La Société : en tant que regroupement plus ou moins organisé, dont tout à la fois « je » fais partie, et qui fait à son tour partie du monde réel. La figure sociologique.

 

Avec plus ou moins de finesse, et plus ou moins de panachage, les discours sur l'autre tournent toujours autour de ces quatre figures. Elles sont d'ailleurs pourvues d'une certaine efficacité à dire ce que l'on veut dire, mais elles ne résistent pas si l'on s'y arrête.

 

*

 

Il s'agit là toujours de l'autre tel qu'il surgit dans la pensée discursive. Nous faisons l'expérience de l'appréhension de l'autre de façons différentes. J'en vois également quatre :

— La plus troublante est celle du corps, de la chair. Parfois l'autre nous paraît sous la forme d'un corps. C'est plutôt rare ; son corps est généralement ce dont nous nous soucions le moins chez l'autre : il nous est caché. Mais parfois, nous le voyons et cela éveille le nôtre. On parle alors de « sexualité », pour ne pas en parler, pour articuler ça avec famille, mœurs, propriété, droit, santé... (figure sociologique), ou avec fonction biologique (figure positiviste).

— La seconde est celle de l'Interlocuteur. Elle est troublante aussi, car l'interlocuteur est au fond bien plus insaisissable qu'il ne paraît.

— La troisième est le Public. À comprendre ici dans un sens très large, qui recoupe aussi bien « le public d'un spectacle » que celui qui fait « l'intérêt public », bénéficie des « services publics », est propriétaire des « biens publics », destinataire des « publications » et des « publicités »...

— La quatrième enfin est le Collègue, celui dont je reconnais la présence à la force qu'il ajoute à la mienne dans le travail.

 

*

 

Première remarque : — L'autre dans le langage : l'interlocuteur. L'autre n'est-il pas à l'orée du contexte ?... Quand on en sort. L'autre : le contexte extra-linguistique.

(C'est d'ailleurs dans cette voie que Lacan prolonge l'œuvre de Freud, et dans ce cadre qu'il trouve toute sa pertinence. Mais on ne s'étonnera pas de lui voir soupçonner que les sommets de l'érotisme seraient dans l'amour courtois. On ne s'étonnera pas non plus de voir ses critiques très fines, et non dépourvues de radicalité (L'Envers de la Psychanalyse) s'émousser finalement dans un respect fétichiste de la loi.)

 

*

 

Deuxième remarque :

Si je considère les deux premières et la quatrième façon d'appréhender l'autre, alors la troisième n'est qu'une sorte d'image de synthèse.

 

*

 

Troisième remarque :

L'autre de chair : l'autre alors devient objet, chose même. Mais moi-même aussi bien le deviens.

 

*

 

Le 12 février

Ces quatre formes de l'expérience de l'autre, la psychanalyse ne les ignore pas. Elles sont du moins omniprésentes dans l'œuvre de Freud, de Lacan et de quelques autres. C'est sans doute sur la première : la chair, l'érotisme, que le freudisme est le plus court ; ce qui est un comble. Un détail essentiel est passé sous silence : Pour qu'il y ait érotisme, le premier objet qui doit être érotisé est « mon corps ».

Cet « oubli » rend un peu dérisoire le « scandale » de la théorie de la sexualité.

 

*

 

On ne peut parler d'érotisme tant que le corps n'est pas érotisé ; il n'y aurait aucun sens à en parler ; ni à parler de ce qui ferait obstacle à cette érotisation, il faudrait d'abord savoir ce qu'elle est.

Il y a deux difficultés majeures à parler de l'érotisme : La première est qu'elle est l'expérience la plus commune et la mieux partagée et qu'il n'y a en fait rien à en apprendre, mais seulement à prendre appui sur ce que l'on connaît de toute évidence pour faire apparaître ce que l'on ne conçoit pas. La seconde est que les expériences érotiques peuvent être des plus diverses.

 

*

 

Il y a érotisme quand il se passe quelque chose de très précis entre ma conscience et mon corps.

L'observation d'un animal en « rut » est ici très instructive. Ne semble-t-il pas qu'il devienne objet de lui-même ? « Il se sent », pourrais-je dire. Serait-ce à dire qu'il se dédouble ? Il y a de ça. Presque : « Il se sait ».

Deux aspects doivent alors retenir l'attention : le rapport à son propre corps, et le rapport au corps de l'autre (qui peut être absent). Du point de vue du sien propre, le corps se « polarise ». Reich fait sur ce point des remarques importantes, dont il perd l'essentiel en les ramenant exclusivement à la reproduction ; c'est à dire en voyant la reproduction comme « raison » et « fin », et non pas seulement comme « effet ».

Le corps se polarise sur les organes sexuels. C'est une observation pas une explication, car on pourrait dire aussi bien : les organes sexuels épousent la polarisation érotique des corps (du point de vue d'une morphogénèse comme d'un philogénèse). L'excitation phallique ou vaginale est plus polaire qu'elle n'est centrée, car cette polarisation s'articule sur des érotisations périphériques (ou pas), dans tous les cas, sur une érotisation complète du corps.

Du point de vue du corps de l'autre, l'érotisation de son propre corps, si proche d'un « dédoublement », de devenir celui « d'un autre », fait rechercher un « double » : un autre corps ou quoi que ce soit qui puisse en tenir lieu. 9

 

*

 

Qu'est-ce qui déclenche ce processus ? Je n'en sais rien. Les sexologues voudraient que ce soit le corps de l'autre sexe. C'est en effet quelquefois le cas mais, comme Léonard de Vinci, chacun sait très bien que ce n'est pas une règle.

Admettons que ce soit le corps de l'autre sexe, cela peut en effet arriver ; comment cela alors se passe-t-il ? Ou ne se passe-t-il pas aussi bien ? Nous ne bandons pas automatiquement dès que nous voyons une femme. La vie serait impossible.

J'ai d'ailleurs lu chez Lacan cette judicieuse remarque que la galanterie serait notre façon de nous excuser de cette absence de désir, une façon de dire « qu'il en suffirait de peu, mais... ». Les femmes ont tendance à s'y montrer sensibles, et je vois dans cette façon de nous témoigner qu'elles ne sont pas indifférentes à notre galanterie, le retour de la politesse : « à moi aussi, il suffirait de peu, mais... » Et tout le monde est content ; tranquille et content. En réalité, il en faudrait bien davantage qu'on ne le laisse entendre.

Il arrive parfois cependant que nous soyons troublés, et il est très remarquable que ce soit par de simples détails du corps. Nous détaillons : seins, jambes, chevilles, hanches... Et la femme de même, pas d'histoire : je vois bien ce qui la trouble chez moi : le dos poilu de mes mains, mon buste, l'étroitesse de mes hanches et la longueur de mes cuisses...

Cette importance du détail est tout à fait remarquable, d'autant qu'elle est rehaussée par le vêtement. Car le vêtement, loin de masquer le corps, semble avoir tout au contraire fonction de le « détailler » — le vêtement et tous les ornements qui l'accompagnent, bijoux, cravate, etc...

Cela au point qu'un seul objet vestimentaire peut devenir à lui seul objet érotique : fétiche.

 

*

 

On soupçonne déjà bien ici qu'à vouloir dépouiller l'érotisme de ses « perversions », il n'en reste plus grand chose.

On a remarqué que le fétichisme se concentre dans la plupart des cas sur la chaussure, et cela mérite aussi d'être relevé. La chaussure garde l'empreinte du corps, et il n'est pas beaucoup d'autres pièces du vêtement qui conservent leurs formes quand elles sont ôtées. C'est déjà un point remarquable. L'autre caractère qui en fait un objet de fétichisme par excellence est que le pied est le contact du corps avec le sol. Aussi la trace du pied est en même temps la trace du corps, la trace de la corporalité.

Observe en attendant que tout ce fétichisme charnel et vestimentaire n'est réellement érotisé que lorsqu'il accompagne l'érotisation de son propre corps, que l'on pourrait, avec quelques réserves, qualifier de « narcissique ». Car je peux tout aussi bien avoir un désir ou un plaisir fétichiste que je pourrais appeler « chaste » (le collectionneur).

 

*

 

Il y a aussi une expérience d'érotisation du corps de l'autre qui ne fait pas dans le détail. Ce cas est relativement rare, mais pas au point que quiconque ne l'ait connu. C'est soudainement un être charnel et complet qui nous trouble ou même nous bouleverse. La voix et le regard jouent alors un rôle essentiel dans cet envoûtement. Le corps est à ce point entier que parole et regard sont déjà des « contacts charnels », et pas du tout « chastes » pour le coup.

 

*

 

Ceci dit, le corps de l'autre n'est pas nécessaire à l'expérience érotique, ni même un fétiche qui en tiendrait lieu.

En fait, l'émotion érotique peut surgir à peu près de n'importe quoi : d'un crépuscule tombant sur la campagne, d'une toile d'araignée où viennent s'accrocher les gouttes qu'éclabousse une fontaine, ou d'une simple sensation de fatigue dans les muscles 10. C'est dire qu'elle est une expérience physique, charnelle ; qu'elle est essentiellement une expérience de la chair.

 

*

 

Cette expérience de la chair n'est donc pas permanente pour nous, quoique nous soyons en principe des êtres de chair.

Alors que se passe-t-il quand nous ne sommes pas des êtres de chair ? Où sommes-nous ?

 

*

 

Nous ne cédons généralement pas à nos excitations érotiques. L'expérience prouve que, sauf pathologie très rare, nous les contrôlons très bien.

Cependant je ne dirais pas que nous refoulons nos excitations érotiques de la conscience car, en général, nous les refoulons plutôt très consciemment, nous refoulons avec conscience les impulsions qu'elles nous inspirent. Plutôt dirais-je que nous ne refoulons rien, nous réprimons.

L'érotisme est perception, et il n'y aurait aucun sens à la dire inconsciente. Je crois au contraire que rien ne peut être davantage conscient que l'érotisme.

 

Cela contredit-il l'observation freudienne ? Pas si sûr. S'il y a travail de l'inconscient ou refoulement, il ne peut qu'intervenir en amont, avant qu'il n'y ait excitation érotique. Car il est vrai que nous apprenons à nous connaître, à devancer nos réactions, et même à nous devancer nous devançant ; et là il y a sans doute matière au travail de l'inconscient et au refoulement.

Je veux dire qu'il y a peut-être « refoulement inconscient » (je devrais plutôt dire « répression inconsciente ») de l'érotisme, mais pas « refoulement de la conscience », « refoulement dans l'inconscient » car, refoulé (réprimé), il n'y a plus d'érotisme.

Ce n'est pas ce que disent les psychanalystes, même s'ils ne disent pas exactement le contraire, puisqu'ils préfèrent parler alors de « sexualité » plutôt que d'érotisme, et ce n'est pas qu'une mauvaise querelle de vocabulaire. J'y reviendrai.

 

*

 

Bon : soit nous réprimons la pulsion érotique, soit nous lui cédons.

Est-ce bien sûr ? Non, la plupart du temps nous la canalisons. En fait nous ne vivons pas plus passivement qu'inconsciemment une impulsion érotique. La vérité est que si nous devons vraiment réprimer, nous le faisons à contre cœur.

Nous cherchons bien plutôt à l'entretenir et à la suivre autant que les circonstances nous le permettent, et ce sont d'ailleurs les circonstances elles-mêmes qui la plupart du temps la répriment. L'excitation n'est pas assez forte pour attendre la réalisation de tous les artifices qu'elle exigerait ; et puis, tant d'autres désirs nous pressent, ou des devoirs. Ou aussi bien ce que nous allons commencer à faire pour suivre notre impulsion va lui faire perdre sa charge érotique peu à peu.

 

— Non, cela n'est pas fait inconsciemment. Sinon il n'y a même pas encore eu impression érotique.

 

*

 

Cependant, quand nous pouvons y céder sans arrière-pensée, ce n'est pas non plus pour l'épuiser trop vite. Freud a beau dire que les énergies corporelles tendent vers un état d'apaisement, nous ne sommes pas pressés — sauf encore rares exceptions.

Nous ne nous précipitons pas vers l'orgasme, mais cherchons à le retarder le plus possible ; c'est plutôt lui qui vient à nous.

L'orgasme est si rapide que je ne crois pas que quiconque l'ait jamais recherché pour lui-même. L'essentiel est avant, et après. Au fil des millénaires, je connais bien peu d'autres auteurs que Reich qui lui ait donné tant d'importance.

 

*

 

Le 13 février

Je ne réduis donc pas l'érotisme à la génitalité, ni au plaisir, ni à l'amour ou à la relation à l'autre. Et chacun est très bien renseigné à ce sujet.

Chacun est si bien renseigné qu'on peut se contenter d'en parler par antiphrase, aussi me manque-t-il du vocabulaire.

 

*

 

Est-ce que l'érotisme ne serait pas un cas où le réel « résiste comme un obstacle » ? (page 63)

Rencontre du réel, que je trouvais justement trop rare, et marquée par ce sentiment vacillant entre émerveillement et horreur.

Peut-être essentiel à l'impression érotique.

 

*

 

Dans Wirklichkeit, il y a Ich. Pourquoi Freud n'aurait-il pas osé construire « Ichlichkeit », sur le modèle arabe de « Anaïya » ? Pourquoi aucun des philosophes allemands, qui n'en sont pourtant pas à un néologisme près ?

Le réel résiste à toute image, à toute symbolisation, à toute représentation. Le corps se donne alors pour ce qu'il est : chair réelle, non siège d'une « intériorité ».

« Je » est lavé de tout « Moi ».

 

*

 

Proche d'une expérience mystique ? — C'est bien là toute l'ambiguïté. En un sens, oui, et d'abord en ce que toute expérience mystique en est pétrie. Mais expérience trop banale, trop simple et nue. Ce n'est pas pour rien que les mystiques finissent par redouter la chair et l'érotisme.

— Expérience mystique qui se dépouille de tout mysticisme, et dont personne ne peut douter qu'elle soit la mieux partagée du monde ; plus encore que la raison. Sans doute auréolée de fantastique (d'inquiétante étrangeté) mais se dévêtant de toute auréole dès qu'atteinte.

 

*

 

Si je critique Freud — et je reviens là sur ce qui pourrait être une mauvaise querelle de termes — ce n'est pas parce que je trouverais intérêt à chercher comment les sots disent des sottises, mais parce qu'il ne dit pas des sottises. Ses ébauches sont germinatives pour peu qu'on y voie des ébauches et non des énoncés « vrais ».

La complexe topique qu'élabore Freud après la guerre (Moi, Ça, Surmoi, Libido, Inconscient, Préconscient, Conscience, Idéal du Moi, Sexualité, Instinct de Mort, Libido désexualisée...), qui fait autant d'ensembles aux limites floues qui se recouvrent et s'interpénètrent, n'est pas stérile. Elle prend toute sa pertinence dès qu'on la confronte à ce qu'elle passe sous silence : l'expérience érotique. Expérience à laquelle se heurtent les ensembles de cette topique et sur laquelle ils s'écrasent.

 

*

 

Je parle de l'expérience la mieux partagée, sur laquelle pourtant nous ne nous mettons jamais d'accord. Nous n'en éprouvons aucun besoin.

Toutes les institutions humaines ont toujours prétendu brider l'érotisme dans des « normes » excessivement restrictives ; bien trop restrictives en fait pour pouvoir le « normaliser », et ça n'a jamais empêché personne de jouir en toute innocence comme il l'entendait.

Je ne prétends pas nier par là les répressions institutionnelles, ni même qu'elles n'aient pu provoquer des auto-répressions, des terreurs devant son propre désir, des culpabilités et des angoisses ; je dis seulement qu'elles n'ont jamais fait de bien solides cuirasses aux flèches d'Éros, et que l'expérience érotique s'est toujours montrée autosuffisante à se laver de toute angoisse et de toute culpabilité. Elle est à ce point réfractaire à toute règle, toute norme, tout code et toute institution, qu'elle ne s'en insurge même pas, qu'elle s'en amuse et qu'elle est même capable d'en faire ses jouets.

L'érotisme est très bien capable de se soumettre sa propre répression. Il n'est qu'à voir comment la femme d'aujourd'hui érotise sa pharmacopée, son « besoin de tendresse » et sa gynéco — et certainement pas « inconsciemment ».

 

*

 

— Et la chasteté ? Car érotisme et chasteté ne se comprennent sans doute qu'ensemble.

L'expérience de la chasteté, car c'en est une aussi, ne m'a jamais parue aussi intense qu'après l'orgasme.

Mais je sors peut-être là de l'expérience la mieux partagée. Mes confidences échangées, mes lectures, ma seule appréhension de l'autre me laissent deviner une plus grande diversité.

Est bien sûr en tout cas que l'orgasme chasse, peut-être pas instantanément mais très rapidement, toute impression érotique. Comment dirais-je ? — La nudité de la chair laisse place à celle du « Je ».

 

*

 

Freud écrit « que le Moi est formé en grande partie d'identifications (einfühlung)... » Eh bien il n'y en a plus... Cela rend Sade raisonneur et convivial, Sartre désenchanté, Proust poète, Genet mystique ; ça donne à Bataille une expérience de la mort, ça donne envie de fumer dans les films français, et ça ouvre l'appétit dans les téléfilms américains.

Peut-être y a-t-il là aussi un dénominateur commun : Je crois que c'est à ce moment-là que l'objet prend toute sa puissance ; l'objet, l'objectalité.

 

Ce rapport à mon propre corps, que je dirais avec réserve « narcissique », a lavé « je » de toute identification, l'a fait sujet irréductible à tout objet.

Alors cette « relation d'objet » quitte le corps qui perd sa charge érotique, se déplace vers d'autres objets avec un appétit qui a lui aussi perdu cette charge érotique, un appétit chaste.

Le désir quitte la chair, c'est le monde qui devient désirable.

 

Aussi bien, le sommeil peut surprendre, avec les saisissantes impressions de demi-sommeil.

 

*

 

5) Je et Moi

J'ai évoqué plus haut un « dédoublement » au cœur de l'expérience érotique. Ce n'est manifestement pas cela. C'est pourquoi aussi je reste réservé sur le terme de « narcissisme ». « Je » ne « me » réfléchis pas.

Je ne cherche de toute façon pas des termes techniques, même pas des termes précis. Je n'ai qu'à peine besoin d'évoquer l'expérience.

 

*

 

Cette expérience de l'éros n'est pas par essence expérience de l'autre.

C'est là un détail suffisamment évident pour qu'on oublie en général de l'évoquer au point qu'on finit par l'oublier purement et simplement, et suffisamment important pour devoir le rappeler malgré tout.

 

*

 

L'érotisme n'est pas une expérience de l'autre, mais se prête cependant à lui donner lieu. Il est même constitutif de l'une des trois expériences authentiques de rencontre de l'autre. Les suivantes étant la parole et le travail.

 

*

 

« Les tendances sexuelles directes gardent un certain caractère d'individualité, même chez l'individu absorbé dans la masse. Lorsque cette individualité dépasse un certain degré, la formation collective est menacée de désagrégation. L'église catholique à les meilleures raisons de recommander le célibat à ses fidèles et de l'imposer à ses prêtres, mais l'amour a souvent poussé même les ecclésiastiques à sortir de l'Église. L'amour de la femme rompt les liens collectifs créés par la race, s'élève au-dessus des différences nationales et des hiérarchies sociales, et ce faisant, il contribue dans une grande mesure aux progrès de la culture. »

Freud, Psychologie collective et analyse du Moi. 1921

 

« Les traces verbales proviennent essentiellement des perceptions acoustiques, lesquelles représentent ainsi comme une réserve spéciale d'éléments sensibles à l'usage du préconscient. Quant aux éléments visuels des représentations verbales, on peut les négliger, comme étant de nature secondaire, acquis par la lecture ; et nous en dirons autant des images motrices des mots qui, sauf pour les sourds-muets, jouent un rôle de simples signes auxiliaires. À proprement parler, le mot prononcé n'est que la trace mnésique du mot entendu. »

« ... La question : « Comment pouvez-vous amener à la conscience des éléments refoulés ? » reçoit la réponse suivante : « En rétablissant par le travail analytique ces membres intermédiaires préconscients que sont les souvenirs verbaux ». C'est ainsi que la conscience reste à sa place, de même que l'inconscient n'a pas besoin de quitter la sienne pour aller rejoindre la conscience. »

Freud, Le Moi et le Ça.

 

« L'expérience [a] montré que, même dans le cas de simple collaboration, des relations libidinales s'établissent régulièrement entre les camarades et que ces relations survivent aux avantages purement pratiques que chacun retire de cette collaboration. »

Freud, Psychologie collective et analyse du Moi. 1921

 

*

 

le 14 février

L'autre existe-t-il ? La question est tout à fait recevable. Le solipsisme : le solipsisme n'a aucun sens tant qu'on n'a pas compris que la question : « l'autre existe-t-il ? » repose entièrement sur la question inverse : « Suis-je un autre de l'autre ? »

— « L'autre de l'autre », n'est-ce pas plutôt pour qui « je » « me » prends ? Le Moi, formé en grande partie d'identifications.

 

*

 

L'expérience de l'autre, nous la faisons dans l'érotisme, la parole et le travail. C'est à dire dans des expériences qui ne visent pas essentiellement l'autre.

Nous aurions donc tendance à rencontrer l'autre en ne le cherchant pas, là où nous ne le cherchons pas.

 

J'ai aussi évoqué la rencontre de l'autre sous la forme du « public », et j'ai suggéré qu'il s'agissait alors d'une sorte d'image de synthèse. (Page 90)

Je pourrais encore envisager une cinquième expérience de la rencontre de l'autre sous la forme de « Dieu », celle de l'expérience religieuse. Mais je la crois plus réductible encore que la précédente aux trois premières.

 

*

 

Le 17 février

Qui parle à qui ?

1. Ce n'est pas tant une question, un problème à résoudre, mais une affaire de posture (ou d'imposture).

2. C'est pourquoi rien n'apprend à penser.

3. Toute énonciation suppose la maîtrise de ce « qui parle à qui ? » à partir de laquelle toute « justesse » est ou n'est pas acquise.

4. Aussi bien ce « qui parle à qui ? » peut devenir ce qui est le moins discernable dans l'énonciation.

 

*

 

L'expérience de l'autre dans le langage, mais aussi bien l'expérience du langage dans l'autre.

 

*

 

Suivant ->

 


 

Notes

 

1 Suite sur le Fonctionnement Réel de la Pensée III, Troisième Partie, Approche d'une dynamique du sens, le 21 décembre, page 210.

2 Approches d'une dynamique du sens, Suite sur le fonctionnement réel de la pensée II, page 215.

3 Au delà du principe de plaisir ; 3. — Les mécanismes de défense contre les excitations extérieures et leur échec. La tendance à la répétition

4 Peut-être ce qui gène ici ma compréhension est une tendance à interpréter Freud à travers la neurologie moderne. Freud est sans doute plus Lamarckien que je ne le pensais l'an dernier.

5 Deuxième ébauche d'une rhétorique, Suite sur le fonctionnement réel de la pensée II, page 151, le 5 septembre.

6 Ébauches d'une rhétorique, Deuxième ébauche, le sujet, Suite sur le fonctionnement réel de la pensée II, page 182.

7 Je ne réduis bien sûr pas ici l'érotisme au jeu érotique, pas plus que je ne réduis au jeu la conscience.

8 Mon expérience du désir, je la connais, et je n'y reconnais rien qui ressemble au désir de me conserver ou de me reproduire, mais le lien entre le désir et la sensation, la jouissance, n'exige aucune explication supplémentaire.

9 Tout ceci n'est pas encore très clair. Avec l'idée de polarisation je suppose un arc érotique qui traverse le corps, plutôt qu'une zone déterminée. Ici il serait intéressant de penser à la localisation des organes reproducteurs par rapport à cet axe, et la comparer aussi avec les organismes qui ne possèdent pas d'organes spécialisés. ( Je pense bien sûr à la fois aux travaux de Reich et de Thom.)

10 Je ne prétends bien évidemment pas que de telles impressions, de telles sensations ou de telles émotions seraient nécessairement de nature érotique, ou susceptibles de faire naître automatiquement des excitations érotiques. Je ne dis rien d'aussi stupide mais j'observe seulement qu'elles suffisent à éveiller une certaine expérience du corps tout à fait distincte de la seule sensation de plaisir ou de la contemplation esthétique.

 

Suivant ->


©: 3006