| J. Karl Bogartte | Traduction par Jean-Pierre Depétris | Préface du traducteur | Antibodies |



ANTICORPS

Un roman surréaliste
Inspiré par une série d'aquarelles d'Alejandro Puga




« Oui, oui, et tout ceci concerne la magie des images magnétiques de Puga, et l'atmosphère, se hérissant littéralement avec le vacarme ! Les invisibles ? De passage dans la ville... Un rendez-vous avec la lumière ?

Les leurres sont des étoiles, qui peuvent être les chants des sirènes, les oiseau-femmes, qui ne chantent pas, provoquant, harcelant, les Navigateurs... Les chansons à chanter, mais qui ne le sont pas, laissant un grand vide, un abîme de désir.

Leurs procédés peuvent être des diapasons, pour éprouver la pureté des chants non chantés ; ou des baguettes de sourcier, cherchant l'eau de la connaissance, la solution qui luit dans la pénombre, comme un poison, ou un antidote.

Le rêve qui n'est pas un rêve, le vampire qui n'est pas un vampire, le poison qui n'est pas... Procédés étranges... Ces étoiles qui ne sont pas des étoiles... »

J. Karl Bogartte

 2007

I

Ils avaient décidé de tout risquer pour un regard… tentant de saisir la vision fugitive de quelque-chose de réel, de quelque-chose de bien plus diurne et chargé de fugace ravissement, mais de non affecté par l'esprit humain, non souillé par le cannibalisme de la pensée rationnelle, et regardant dans la région confuse cernant la silhouette de l'objet en question, à mi-chemin entre les caresses.

On érigea des phares pour offrir les plus propices points-de-vue, et aussi pour servir de fanaux afin d'illuminer le chemin — quoique l'apparition et la disparition de la lumière à intervalles mesurés pouvaient être vues comme une forme plus poétique de transition, étant dans un flux perpétuel… En certains endroits on l'appela sommeil paradoxal, alors que d'autres l'appelèrent malaise. On employa de nombreux termes descriptifs, comme ciguë, tremblement, consolation et dissolution. À propos de ces fanaux, le plus séduisant fut reconnaissance.

Le tailleur de diamants, celui que vous ne connaissiez que de vue, ajoutait encore à ce plongeant aperçu une certaine qualité anonyme, confinant à des gestes fugitifs qui conduisaient à la vaste lumière du jour, bien que parfaitement vêtu dans une discrète élégance. Peut-être était-ce l'atmosphère étrange qui a semblé, à ce moment précis, imprégner les villes nordiques de l'Europe. Étranges machines volantes, certaines physiques, certaines pas si physiques... bizarres engins qui ont semblé repousser la lumière, les images rebelles du réveil, et les modes d'être, tous incapables de consommation négligente. La vie était, ou semblait être sous la surface, plus satisfaisante en opportunités et en solutions grandioses.

Le sens de l'échafaudage qui était toujours dans un état d'éclat liquide, a commencé à apparaître, à toute heure, comme un infernal panier pour chat, dans toute la ville, mais souvent invisible pour l'éventuel passant. La lumière du soleil était un artifice, ou une lecture précise du Tarot — complétée par des tournants et des rendez-vous, et une surprise finale — plutôt comme un baiser entre les yeux sortant de l'eau, un simple tesson d'obscurité inexplicable logé dans la chair et planant au-dessus de l'os — une étincelle sans fin, ou un fusible, en ces moments de pureté juste avant d'être éclairé…

Elle n'était ni amoureuse de toi, ni de lui, l'autre, mais elle a adoré ces soirées volant en dessous du radar, avec le rayonnement de l'invisibilité... Tu pouvais tout juste voir les constellations dans son corps, une pluie de météores, et l'averse passant à travers son voile d'artères.

« L’architecture de la psyché se diffuse hors de la pensée réelle qui l’émet, et elle se déplace avec toi comme un parfum, ou une lueur qui éclaire tout dans ta vision, et si tu l’étudies, sans vraiment la regarder, tu reconnaîtras tes vies simultanées, comme des ombres et comme de splendides lueurs enveloppées dans une pensée interrompue. Tes mythologies et des identités tout enveloppées de l’espace de ton souffle traversant de nombreuses dimensions, et elles t’éveillent, te séduisent et dispersent tes œufs. Offrandes du Fou-de-la-lune.... »

Elle t'aurait dévoré quand l'obscurité de la lune envahissait ton sang.

Tu chuchotes quelque-chose au cartographe anonyme, et il incline son chapeau juste au-dessus de l'œil droit, comme pour dire adieu, mais reconnaît ton sentiment : « Ah, oui, j'ai souvent considéré le Phœnix délectable du seuil, et l'éveil de la clé quand elle brûle le souffle des étrangers, mais je préfère accommoder l'invisibilité de mes gestes au lait des bijoutiers et aux enfants de l'Œuf d'Or... Je dois vraiment y aller maintenant — comme toujours, la chasse est tout. »

Chaque coup-d'œil te suit, et chaque instant nourrit le spectre des mouvements oubliés avec la draperie emmêlée des regards persistants — l'objet devient un rêve, et la mémoire revient à nouveau, chaque soir à la tombée de la nuit, avant qu'elle n'entre dans la révélation comme une ombre caressant ta voix...

II

Parfois la moindre révélation change le sexe de ce papillon de nuit lumineux et têtu qui hante toujours les bords de ton malaise et de tes rivages mouillés, dans le miroir des doubles qui, malgré le mystère de leurs mémoires et leur dialecte poussé par l'aurore, sont toujours les derniers à quitter la ville et les derniers à te toucher. Ce fait merveilleux, en termes psychologiques, indique l'influence coutumière des chandeliers et le sérum martelé de rose des habitudes sans âge...

Les voyageurs sont arrivés par les fenêtres comme une horde de rêveurs marchant dans leur sommeil, comme en lent mouvement cinématographique, à travers les vestiges de la ville qui porte ton nom, ta bonne fortune et tes enfants insouciants. Les bouteilles contenant les splendeurs du bien et les puissances du mal sont mélangées dans le déguisement qui te permet d'errer sans l'entrave des lois ou des frontières... Mais bien qu'ils ne puissent te voir, le bruissement de toute pensée brise les bois de cerf soyeux du parapet. Les armes sont toujours dessinées et brandies comme des jours particuliers marqués dans le calendrier par ce « X » proverbial qui ne t'aide jamais vraiment à te rappeler. La lune ne manque jamais non plus de refléter ta stupeur, mois après mois, année après année, et même maintenant des siècles plus tard, le parfum du lilas précède ton arrivée et dénoue le fil de la connaissance. Le soleil devient toujours plus sombre avec ses propres gestes adorables de tigres rodant dans les arbres de longs sifflements prolongés, et de lettres non-ouvertes... Pourtant la lueur vacillante se développe plus brillante qu'à travers la pensée ou la vue de tout ce qui ressemble au mouvement.

L'élégance du barbare, caressée par le vase glissant de gouttes de nuit bien léchées dans l'herbe chaude qui te réveille, et te baigne, et apprête tes plaisirs avec la faim d'une amante. Nul portrait de ceci, ici ou là, n'importe, si ce n'est pour inviter à la spéculation et au mystère, et toi, toi-même, n'es jamais qui ils pensent que tu es, jurent que tu es, du côté pair ou impair de n'importe quelle clarté théâtrale.

Les Navigateurs, ceux qui, dans le sinistre déploiement de leur sélection naturelle, leurrent les mélancoliques remèdes médiévaux des torches, et les projettent dans des figures de vol que notre mystérieuse Dame d'Ambre-Gris libère, dans son sommeil, dans son ombre qui erre loin de son sommeil, dans sa propre pénombre de casques haletant, ces Navigateurs — oui, ce devrait être évident — eux seuls, les aléatoires, les chandeliers spectraux de l'extase d'une heure, ceux qui ont déjà laissé leurs contes et leurs appareils frémissants, et sont partis dans le brocard d'une fenêtre hurlante...

Il y eut un grand vacarme quelques instants plus tôt, un dernier baiser, la perte d'un fantomatique et humide pelage, et le parfum indubitable de l'écriture invisible.

Maintenant, en cet instant, il y avait des grappes de temps dans les miroirs du vestibule, des harems de lumière et des détails se multipliant qui n'apaiseraient pas la rapidité des désirs déployés. Brisant le cœur, un fantôme fait les paquets de ta vaste entreprise, et nourrit le soupir d'un grand chien de chasse guidant ta route par les terrasses serrées de la construction somnambule, où les objets de satisfaction déplient leurs costumes, déchirent leurs voiles et consument tes réflexions. Ta main, embrassée par les dents... Ton souffle, le hennissement de chevaux blancs dans les charmilles trempées du matin, mené par les cloches de la femme qui t'a laissé sans vie et plein des cristaux — l'assassin qui t'a aimé au-delà de la raison. Là est restée la Reine roquée par le cavalier, et faite mat dans le clignotement fou de l'œil abominable de la seconde Reine, pour enfin renverser le Roi...

Elle est façonnée par des vaisselles d'or chargées tout à la fois d'obscurité et de lumière pour la magie de l'inépuisable projection contre les tours du brouillard qui se lève, et les pavots zoologiques de la faim — c'est toujours toi, toujours sur le point d'arriver, et dessinée comme des lucioles jusqu'à la sève de l'extinction, ruisselant de toute part. Son poignard découpe ton ombre dans les mesures très rapides et précises de la perception : ce que tu vois est le sang des choses qui te font signe, et te séduisent, et trament l'inévitable corps de l'éveil encore vivant. Le cocon est seulement une réflexion débridée ! La mer te suit partout avec ses médaillons argentés, et ses croissants.

L'intoxication des espèces est toujours à venir. Tu imagines ce qui doit encore jusqu'ici être lu. Tu tombes endormie en montant les escaliers. Les étoiles reposent au plus profond, en bas où les loups se lèchent et bavent une lumière lointaine. La mariée est toujours une mariée et toujours vêtue. Tu pars avant ton temps, et reviens beaucoup trop tard aux illusions. C'est l'eau de ton désir qui éblouit les différentes dimensions de ta façon de penser, et d'être pensé et chassé, ou hanté par l'approche de la chute, ou du vol.

Les permutations de l'innocence sont calées dans le jeu de hasard comme une veuve trop zélée qui hante le charmeur de nuit. Il fut souvent noté que la Cité de la Nuit est plus ancienne que le temps et même que la mémoire avant le temps, et que les miroirs marchaient et que les oiseaux de feu prenaient le souffle et le sang de la douleur et du plaisir de chaque ombre sous la lune, chaque réflexion qui suit le cœur battant avec ses passions de brouillard, ses casques de désir et un riche esprit de désordre qui se lierait à quiconque libère les confus stylets de leurs ruches.

On enregistra plus tard que tu n'avais été qu'un frêle fantôme qui hantait les docks et les entrepôts où les bohémiens venaient mourir, et les derniers recours furent modifiés en fonction des dépôts de minerai qui s'étaient beaucoup trop longtemps attardés dans la mémoire... Les cristaux d'électricité et les horloges désespérées peuplaient les grands navires qui s'effaçaient au regard. Tu fus le plus aimé des voleurs, et tes exploits étaient aussi liquides que des oracles proférés par des mendiants et des lépreux, alors que les orphelins et les autres chimères dansaient autour d'eux.

La femme avec le goût de l'absinthe te chante : « Il ne m'arrive pas souvent de casser avec des mots le silence d'un rêve, mais seulement avec des couteaux qui donnent à l'exécution un plus subtil éclat — sublimé dans l'amour, forgé dans le fer d'un regard qui se prolonge à jamais, et fleurissant dans le naufrage d'une torche soudaine qui attire la lune avec des attouchements mortels... Pardonne-moi, mais j'ai oublié ce que tu demandais. Je ne suis plus que rarement à la maison. Je danse avec le vent. Le sphinx sait mon nom... »

Quand les Navigateurs vont et viennent comme la brume rougeoyant autour des bougies...

III

Ensemble ils formaient une société secrète, et dégageaient un manque de netteté dans le coup-d'œil au centre des choses, des choses inutiles, abandonnées, timides, qui contraignent l'étrangeté des rêves à intervenir. La posture, étudiée et irrévérencieuse, afin d'être objectivée, bordée de ce flou avec lequel toi, ou elle, étiez venus pour comprendre, comme une empathie pour les méthodes de chasse des ruches nomades... Le miel de ces ruches passait pour de grands soupirs de ravissements océaniques à travers les enclaves plus incertaines du mouvement. 'Je promène dans la rue'1 est devenu une distincte et plus sauvage variation de la dernière danse, et a été soudée aux charnières du temps. L'ombre des autres suit ton ombre…

« Il est des choses que je ne pourrais jamais te révéler, quoique tu les saches toutes, saches tout, comprennes tout. Je pense à toi en tant que Le Voyant, celui qui trace le chemin, celui qui prend ce que je ne peux pas révéler et illumine le monde autour de nous... Mais je te dévore quand tu dors et rends d'autres mondes accessibles aux étrangers qui te suivent et dansent pour toi. Je suis invisible à ce qui t'accepte, mais à toi je suis toutes les choses, toutes les choses autres que tu es... »

« Je ne te sais plus, et par moments je peux à peine te reconnaître, si ce n'est au parfum de tes rêves, qui sont comme le hurlement des chacals, et ont le goût du jasmin quand il reflète la lune. De cette façon, je suis drainée vers toi pour toujours et toujours… »

« Le matin tu te bats de nouveau pour vivre, et je te baigne dans le sang de la lumière des étoiles, et lèche ta peau dans le souffle, respirant la lumière dans la toison de ta faim et de ta soif — tu remues et te déplaces comme le miel au beau milieu de la marée, quand elle embrase, quand elle fracasse le calme de la horde... Tes gestes sont comme ceux du somnambule, brillant dans la folie de l'ordinaire… »

« Tu es le miroir qui projette mon ombre contre la chaude hystérie des arbres antiques rougeoyant dans les fioles de la nuit — médecines d'éveil. Tu deviens possédé par la fonction sacrée de couteaux embrassant le ventre de l'absence et du sens ruisselant. Tu es seul avec tes aigles et ton sérum de corbeau, rattachant les mots sinistres de la révolte et de la tendresse dans ton sommeil sur les pierres volantes du désert. Tu vis avec l'eau de mon ombre, fleurissant dans le bruit de ton existence... »

« Je suis chacune de celles que tu aimas jamais, et j'en meurs, et chacune de celles qui te hantent. Pour cette raison, tu erres tous les soirs, et les rivières de ces choses qui te prennent par surprise, et fusionnent la parole et le paysage meublés de lumière et de mystère… »

Mais en réalité, il n'y avait pas d'illusions, membres fantômes ou êtres guidés par la lumière et amoureux de l'obsession, sans qu'un cambrioleur vole de fenêtre en fenêtre, à la hauteur des tours et des clochers, accablé par des sorcières plongées dans l'éther et l'ardent désir nocturne de l'autre. Une plongée dans l'espace déplace les clés et renverse la direction habituelle de la raison — c'est une noble manœuvre contiguë avec les portes oniriques qui balaient vers toi des pièges dans ton nom et les abandonnent sans aucune raison. Les anticorps ont rassemblé les étoiles dans l'étau du bijoutier et ont suivi les signes laissés à chaque scène. La boussole des lumineux et hirsutes murmures installe un campement de natures-mortes photographiques, activités cachées de gestes féroces et de mises-à-feu déterminées — c'est le vent qui tourbillonne autour de toi avec ses feux minuscules, ses doigts insatiables et ses réflexions pathologiques, jointes aux complicités illicites... « Je te suivrais par ces entrées animales connues seulement de ceux qui s'éveillent avant l'aube, encore emmêlés dans les géométries internes, et fermement tenus par les fibres des espérances diluviennes. J'embrasse tes yeux et les rends humides, puis les ouvre avec des dents d'améthyste, et leur donne les visions qui se déploient à travers les balcons d'une pure et altruiste potentialité. Je te rends transparente avec la lumière solaire sur les pigments de rubis et d'émeraude et d'autres ultra-violets incitant aux caresses... »

Elle te reflète comme un champ de bataille, et l'esprit des temps commence à errer parmi les armes du tout premier coup porté de l'enchantement, et du dernier souffle d'air, de feu, d'eau et de terre.

Les sorcières endormies dans les Moyen-Âges, se retournent dans leurs corps comme de la fumée.

IV

L'eau s'élève à travers toi, un corps d'eau éblouissante, un corps illuminé, éclairé par l'éclat de la mer, l'eau de vie, caustique et lumineuse dans un cache-cache lunaire d'anticorps...

Du moment où tu pars, jusqu'à celui où tu reviens, le monde s'inverse et miroite dans ton esprit, coulant par les artères et les torrents de la pensée qui maçonne sa tanière hors de ton esprit, gardé par la fille des hiboux et des Navigateurs qui ne dorment jamais — mis à feu par des météores dans des placards d'espace imaginaire qui se multiplie à la vitesse de la lumière... C'est toi, à la porte, fine et anguleuse comme une panthère, et propulsée par des tangentes optiques nourries par les substances curatives des coureurs de nuit et des jongleurs du plus haut niveau. Une simple goutte d'argent annoncera toujours le moment de ta réceptivité à la relève de la garde, le battement de la canne d'un aveugle, et avec la grâce la plus dangereuse, la rose noire à longue tige trouve son chemin, sans fanfare, dans l'antichambre où les secrets de l'univers sont ronflants et cliquetants comme des jouets mécaniques. Il ne fait aucun doute, alors, que la Voyante est amoureuse, et l'a toujours été avec le clair de lune dans l'alcali d'or de ton souffle lourd, et la rapidité du cristal sur tes lèvres... Quand tu te déplaces, la pensée de la transparence pèse plus lourd que l'aurore quand il se pose, et pour toujours est transférée sur la porte du non-retour, qui s'ouvre seulement pour la voyance de la clé, à laquelle elle s'est fait apparaître.

Un regard empoisonné, une poudre d'os hyoïde enchantée, un vol à tire d'ailes de corbeau — et avec plus d'audace, d'inexplicables Propriétés Élastiques incorporées et de fortes doses de pesanteur et d'habileté, et votre présence-même met à feu les fenêtres hallucinogènes où se projettent les noces du matin et du soir quand elles s'assemblent sous le commandement du Phœnix, et des douze armes du plaisir... L'altimètre s'affole et les trains d'atterrissage sortent en toute direction.

Ils te regardent, ces voyeurs voraces en qui tout est sacré, et toute liaison n'est que l'acte d'un instant de trahison à la face des arcs-en-ciel calcinés plantés dans des colibris sadiens aux couleurs de l'aurore, quand elle ne parvient pas à apparaître, avec ses habituelles perturbations de la force centrifuge.

Tu entends des voix se répéter plusieurs fois, dire des choses qui ne sont pas censées être entendues, et la soudaine pensée te traverse l'esprit, que les seuls moyens de rupture propres à chaque âme aventureuse, quand l'horizon ne parvient pas à s'éloigner, et que les cercles astrologiques ont commencé à suivre les bouches ouvertes des déguisements trop difficilement déchiffrable, est que tous les efforts soient accomplis pour se fondre avec les ombres qui se sont échappées de leurs corps. L'heure a grimpé sur l'échelle. Tu démontes les poids de leur équilibre, laissant libres les charognards des auras et la musique des sphères fuyant à travers le désert dans de longs manteaux noirs, leurs armes étincelant... traînant d'irréfutables pièges de splendeur.

« C'est toi, » dit-elle, encore et encore, « celui que tu es, l'anonyme et silencieux adversaire, l'antagoniste, l'épée du merveilleux, le métier à tisser et le tour du potier —Toi, assiégé par les grils de l'univers entre les mots, entre le premier baiser et le dernier, entre l'acceptation et le refus, et dont la méfiance tenace enchante même les gemmes, les pierres qui chantent projetées hors de la conscience et les pierres pas encore là, mais vu à grande distance...

« Je n'ai de désir que pour le feu de ton cœur dans la ville souterraine sous la forêt, où les mariées Abyssiniennes viennent se baigner et filer leurs chrysalides de verre. Les presses abandonnées qui gémissent toujours à minuit, les grinçantes machines hypnotiques dans la tour de l'orfèvre et les bouteilles vertes du plaisir qui patrouillent dans la cour comme des arrière-pensées... »

Ils recueillent souvent dans le spectre de l'inquiétude, pendant des nuits semblables, sous l'aspect des plus audacieuses tendances, et chacun source d'une irraisonnable pantomime — même en supposant que dans certains milieux l'atmosphère soit jugée d'un incontrôlable déjà-vu. Tous, alternativement, avec l'humeur la plus épouvantable et la plus mystérieuse, ils deviennent semblables à un processus alchimique simple ou à une solution à la totale débâcle du flot d'étincelles débordant du paradis — sentiments, coûte-que-coûte — comme les pièces du puzzle d'une réalité à travers une autre, une direction parmi plusieurs… il n'est pas de codes de valeur dans les œuvres. Il y aura toujours plus de serrures à choisir. Une martre pour mouiller. Les longues-vues pour l'amour. La fourche. Châtain. Le miroir dort et se rêve…

V

Dans l'éclat de tes yeux dans les champs ténébreux où les braises gémissant doucement se déplacent comme le sabotage, le long des bords où l'obscurité rencontre la lumière, les burins font place nette au dévoilement, à la distillation et à l'inondation de pollen miroitant dans la lueur de ses pétales et de ses dards mortels.

À une certaine profondeur, les filets sont inutiles contre les marées qui, en émoi, sont trop faibles pour le tremblement dans ta voix. Tu es le lys aveugle du tigre, au niveau du tourbillon quand il traverse à vélo la jetée des stupéfactions irremplaçables.

La langue respire, faisant trembler le corps à chaque son qui sort à peine, cherchant bec et ongles la sortie, dans un espace malcommode pour elle. Dans cette ville près de la mer, la langue est exhalée, les mots saignent et se multiplient, et un cri est un souffle entier — mais ici, les mots restent et font des ombres. Ici, les mots vivent hors de toi, et érigent leurs flèches et leurs lits nuptiaux, et la mer de cette ville commence à parler sa propre langue.

Le miel de ta chair s'est répandu le long de la caravane des lumières lointaines, entre les lèvres des poupées vaudou tournant sur la table de la nuit blanche, où la crème de jour vit hors de sa vie dans des soupirs indisciplinés et gémit... L'eau est la voix d'une femme qui fleurit à l'intérieur du rubis le plus sombre quand elle s'évapore.

« Les roses sont dangereuses et te suivront si elles y sont poussées. Elles te pisteront comme des fantômes et te transformeront en cité. Elles te fondront de nouveau à la vie. »

VI

Les contraintes suggèrent toujours les solutions les plus extravagantes, et l'art magique des préparations fut au centre de chaque obscur effort, aussi suspect qu'authentique. Il y eut les ambiguës, les élégamment anonymes, dont chaque geste et chaque nuance imitaient ceux autour d'eux avec une telle précision qu'ils disparurent en leur sein, et quittèrent la scène pour se jeter follement dans les rues.

Le corps de l'ensorcellement est enterré dans l'eau des nuits sans sommeil et des orchidées d'escalier, ces pardessus carnivores qui errent à travers les chambres étoilées, étrangement semblables à la luxuriante et plénière capture des manœuvres obscènes dans le lit des amants sculpté par Sarracenia, ce célèbre magicien et diseur de bonne aventure qui vit dans la partie incertaine de la ville... comme un collier de dernier recours. Les invités papotent toujours de tout et de rien, et dès que tu arrives ils se mettent à caresser leurs membres fantômes et consultent la boussole du regret qui ronfle doucement, pour se libérer de la contrebande bien apprise, et s'éparpillent comme les colibris extra-sensoriels du plaisir...

Il n'y a pas de portes, seulement les réflexions qui forment le matin.

Les yeux ne voient pas ce que le vent ne peut porter sans larmes.

Rêver est l'incendie et le pillage de la forêt qui tremble quand elle s'éveille, et répand des rumeurs comme des grondements surgis d'une audacieuse pirouette entre la lumière nocturne et le nord magnétique d'une escapade fébrile. Tu es le point nodal de cette lassitude exaspérante, et ton portrait ne te fait jamais justice. Les animaux lèchent ton visage pour la connaissance, et écorchent ta voix avec des griffes de lumière.

Tu es toujours un grand rêve qui ondoie au milieu d'une réunion de somnambules, qui ne sacrifient rien à la clarté et à la cohérence, dans le néant dense et brillant des spores du rouge le plus sombre à la tombée de la nuit — un baiser continu dans le fuseau horaire aqueux, où le désir est la seule arme digne de viser une ombre pour la pesanteur, la tournant autour de ta voix, éveillée et tremblante, avec d'impossibles verrous dans le choix qu'on subit... Tu fusionnes dans une joie insondable, et t'élèves de la terre comme des perles en avance sur les prévisions et pleines de hurlement d'incrédulité.

Tu es le plus audacieux réservoir de possibilité, pendant une promenade du soir, quand tu te mêles à l'espace entre les feuilles, sans la grâce du temps ou de l'eau, mais nageant, rougeoyante et transparente, exerçant pourtant une surveillance vigilante dans chaque interprétation, comme un manteau qui cour en tête, brûlant et creux...

Enfin, avec l'arrogance infinie d'un prisme, et la rivière de son sourire qui se débarrasse de son corsage immaculé et te hante avec la vénération d'une machine temporelle vrombissante et crachotante sur le bord de la conscience — tu es toujours évasif sur la question des mythes et des légendes qui misent sur ton où-est-ce. Le vieux double parfois féminin des liens mystérieux qui décalquent et provoquent des étincelles dans le jardin du loup, n'est par simple présage, mais une gemme tangible de beauté immatérielle qui sale la terre. Un As de Pique pour l'entrée, où l'épaisseur de la lumière installe une catapulte pour les plus récentes découvertes scientifiques, se précipite sur toi, traînant les fuseaux de son cœur. Dans chaque pièce, chacune que tu aies jamais connue, et dans chaque visage il y a les traces de la tendresse atroce, des actes de trahison et d'autres figures distinctives plus enviables que les abeilles lunaires se nourrissant à l'évidence du crime parfait.

On remarqua pour la dernière fois ton arrivée prématurée bien après ton départ : « Ah, mais l'aérodynamique d'une séance suffit à me réveiller au moment précis de ton passage, et les fluides nacrés des voyants projettent les pantoufles de verre de la vengeance d'un mannequin… Je te conduis du coin de l'œil, et seulement pour les failles évidentes de l'espace, quand ils débordent dans la splendeur épidermique de ton éclipse. Resteras-tu la nuit ? Le vent attire-t-il tes désirs ? Quelle boîte de vitesse hostile fait voir des flammes dans tes mouvements ? »

« Tu sais que les réflexions sont bien plus vivantes et palpitantes, et peuvent même ressembler aux objets étrangers qui s'harmonisent avec une désirable quantité de répugnance et de dégoût, et pourtant, tout en rêvant, ils exhalent souvent les pierres lumineuses jetées par l'obscurité quand elle affleure à la surface. Quand ils sont réveillés dans l'obscurité, éclatants — c'est toujours ta réflexion, toujours pas toi mais ton transfert, sur le bord du réveil et qui devient plus que toi, quand tu ne peux pas être vu… »

« Une révélation sur le bout de la langue, un opium de lumière. »

« Ma propre identité cesse d'être l'argenture qui pousse les artères de ton dialogue continuel dans les formes fastidieuses et l'optique moléculaire qui charment les amoureux enchevêtrés dans leur géode, au matin, dans les mines, dans la robe de la sorcière où les paratonnerres attendent la fenêtre d'une opportunité, et le dernier abîme de la joie. Ce n'est pas un portrait de famille ordinaire qui dénoue les métiers à tisser et les portails de ton interférence ingénieuse. C'est toi, inclinant ton chapeau et clignant de l'œil… Je ne dors pas en ta présence. Je nourris les ombres… »

« Les étoiles qui furent par le passé la chaleur de ton souffle dans le soir, sont maintenant les indices indubitables menant à une identité formée par les petits miroirs du loup, placés à égale distance pendant le solstice d'été, pour attraper les mots perdus entre les pauses. Je me demande alors, retournera-t-elle, avec ses heures méridiennes et son plomb sans étoile ? Le peuple des hiboux préparera-t-il les visiteurs à la fête ? Y a-t-il des significations au-delà des déguisements ordinaires ? Quelle ombre es-tu, et qui deviendras-tu ? Qui rêve de toi et pourquoi ? »

VII

Les graines de la métamorphose sont cultivées dans les jardins d'un féroce et clairvoyant halètement qui se déploie à travers les portes d'une ville au bord de mer, hantée par le clair-obscur des mille et un plaisirs, et le naufrage qui répand sa poussière d'or au-dessus des pavés d'un soudain départ. Il y a l'évidence indubitable, une senteur, une touffe lustrée de fourrure, de traversée, bien connue dans la légende et dans l'histoire. Il y a la poussière d'or, comme un couvre-feu dans la ville qui a brisé toutes les mémoires de l'entendement. Il y a le clignotement d'un déluge soudain, puis le choc de l'identification. Il y a le désireux cobalt de l'hésitation voyeuse, et l'irisation de la reconnaissance — ils vont main dans la main. C'est complètement déroutant, mais jamais innocent.

Nous nous rencontrons dans un manifeste de la plénitude lunaire, poursuivant des regards de glace fondue, et j'ai adoré ton reflet planant sur le bord de la raison, et l'ai chargé de ces pathologies particulières « du voyage », je t'ai trouvée rougeoyante et sous le couteau…

Les marées de la conscience ont été inversées en ta présence, se dirigeant dans la direction des paupières qui tremblaient avec le vif-argent quand il atteint les bords de la boussole, au-dessus des fioles qui chantaient, et des minuscules explosions qui continuaient au-dessous de nous...

Depuis ce temps, tu consumais le vague déplacement de la beauté, devinant sa place parmi les pavots fanatiques qui éclataient pour ta naissance, si réels et si complètement inconnus, si mystérieux. Combien tu étais réelle, je ne pourrais pas l'imaginer (et peut-être le pourrais-je) avec la fièvre de tes yeux endormis et dans la fumée par-dessus les gestes des maçons qui n'ont jamais tout à fait compris les lois de l'équilibre et de la statique…

Même maintenant, on peut entendre les feuilles parler en langues, et les molécules de l'espace rebondir contre celles du temps, émettre et sublimer ton visage et ton énigme contre le paysage qui lutte dans son intuition comme des amants, pour retenir à jamais leurs cris à la mesure de leur dernier et décisif instant. Leur instant sans fin de transparence complète… Leur océan, et leur nuit sans étoile… Leur cocon…

Disparaître ou mourir, revenir indemne, retenir l'ombre, disperser les reflets tout au long du temps à cause des Navigateurs qui n'ont pas de secondes pensées sur la validité de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas, pour faire face à la forêt venant vers toi avec ses instruments de vol et le désir de voler pour toi — chaque mouvement est à la onzième heure et décidément le plus propice dans le champ et la dimension. Seul ton esprit est surnaturel et seulement sans y penser, quand il va s'égarant dans son propre quelque part : « Esprit, où est la pensée la plus merveilleuse ? » « Nuit, où est le veilleur ? »

Quand tu t'éveilles, il y a les serrures d'émeraude, les douze serrures d'émeraude des douze positions obscènes décrites dans Les Manœuvres Secrètes de Vol, ouvrant et se fermant et tenues par ton souffle, qui rougeoie, juste à la gauche de l'horizon. C'est un vert qui te rappelle toujours cette dernière nuit à Venise, et le parfum d'un flot imminent d'infrarouge qui proclame ton approche, précise comme les facettes d'un diamant. Quand tu arrives chaque fois, la lumière s'en va, le bourdonnement commence et un tourbillon renverse le jeu de hasard.

VIII

Il ne fut jamais question des riches veines de l'équilibre qui maintenaient leur rayonnement séducteur à aussi grande distance de l'a-priori et du posteriori de la plus haute validité cinématographique — elles étaient les seules responsables des acrobaties dangereuses d'un incroyable mouvement. Elles étaient les purs mécanismes de verre et les vaisseaux sphériques de la sœur du Devin dont le mystère a égalé le tien, et l'a équilibré avec une clarté inouïe parmi les éléments. Si tu l'aimais, elle serait la voie qui te résisterait le moins, mais la plus sinistre, et la plus sombre de toutes. Elle t'a permis de t'éveiller, et de te mouvoir avec un éclat que seul le temps indiquerait. Elle t'a aimé sans fin.

Chaque mouvement dans la destination alchimique se concentrait sur la transparence du rapide tournoiement de l'ilion sur lui-même, surgi de l'antiquité, qui plaça la ville en désaccord avec les ruches des sorcières en lutte pour les objets incommodes du désir… L'esprit du feu de forêt était partout.

Au terrain d'atterrissage, les Philosophes s'accrochèrent avec leurs filles extravagantes et illuminées (les bougies de leurs voix disaient tout) pour la suprématie du regard sur le mouvement, avant de mêler leurs voiles à la docte manière de l'irrésistible Ibn Hayyan, la fleur de la déraison qui s'ouvre la nuit… Les Navigateurs ont fait face à chaque obstacle avec l'humeur la moins orthodoxe, et la toile la plus fine.

Il n'y eut jamais de regret, et chaque larcin fut une caresse célébrée qui rivetait les aurores boréales à tes flâneries du soir. Chaque réunion fortuite plaçait un autre échange de mystère dans la toile de salive qui s'attache aux objets externes du rêve. Ils t'observent avec la plus grande anticipation, et jettent des animaux dans ta mémoire pour calmer les sirènes.

Rien ne paraîtrait miraculeux ou sacré sans le soudain essaim d'abeilles arraché aux alambics féroces de l'amant, leurs noces en nuée faisaient de larges cercles dans l'herbe comme un mirage énigmatique, ou un groupe de membres fantômes caressant l'excitation dans tes yeux...

Il n'y eut aucun miracle, seulement des regards qui se démasquaient les uns les autres sans remords ni tendresse…

IX

La curieuse atmosphère de mystère entourant les Navigateurs peut être vue sous plusieurs angles, et ils peuvent être aussi bien suspects et authentiques en même temps. Leurs mouvements et leurs activités pendant certains laps de temps étaient en effet mystérieux, et leur prédilection pour l’exploration sous la forme la plus obscure n'était pas de la prétention, comme certains l'avaient suggéré, mais plutôt, comme l'un d'eux l’avait une fois relevé, disant : « les impératifs suggèrent toujours les solutions les plus recherchées... »

La ville au bord de mer n'était pas une ville, et il n'y avait d'autre mer que celle qui vous portait avec ses cendres et ses fleurs, ses douces momies pleines de pollen et d'énigmes du quatorzième siècle au sujet de la lumière du vent, de la lumière de l'eau, et de la lumière de la pensée, toutes associées dans les antipodes solubles de l'anarchie poétique, et tamisées comme un grand feu jamais éteint et jamais très loin de sa source. Être vêtu d'eau n'est pas supposé valoir plus qu'être orné de vent ou paré de pensée, ou même de lumière, mais tout reste sur le même pied, rapide et hautement contagieux.

Celui qui éclaire la nuit, prépare le niveau de la glossolalie préconsciente, et l'Illusionniste est un nuage flou de baisers effrénés, et de restructuration hâtive. Tout n'est pas perdu, et les os moulés en or blanc sont rangés selon les interstices des occurrences soudaines et jamais expliquées, mais dessinées dans un cercle, et touchées, une-à-une, puis libérées sous les auspices de leurs propres engagements. Le magicien est un cri éloigné. L'heure jette sa peau...

L'air lui-même, sur des milles alentour, était empli du bourdonnement incessant des objets égarés et des intuitions particulières. Les nouveaux désirs propulsant les veines énigmatiques qui sentent leur chemin dans l'obscurité, les artères de lumière, les merveilleux vaisseaux qui produisaient des sensations berçantes et tortueuses, trouvaient les nouveaux points d'entrée mettant en marche les effrayants moteurs de la résurrection. La lumière éclate sur les terrasses.

Tu la vois dans le calme moléculaire d'une porte étoilée et clairement pathologique, dessinée par un soir précoce d'une écriture fantôme et de mots lactés, et saisissant la vision de ce qui ne peut être vu, tu es légèrement incliné sur la gauche, et un vol plus haut, où les êtres doués de sensation se rassemblent pour leur propre fête dans la lueur des marais — là où ils deviennent nuit, et une réflexion-double pour l'Heure Ensorcelante.

Dans ton habillage de la forêt, il y a la Pierre Philosophale qu’emplissaient les muses déchirantes d'anonymes interruptions, dans un déluge soudain, dans un entrepôt de coup de vent, et avec une canne de randonnée qui hypnotise l'œil voyant les loups et les corbeaux, toi, et toi-seule, n'es pas le dernier témoin, ni le premier, mais le seul dont le champ magnétique du chasser et du rassembler suit l'horizon avec les miroirs aortiques et paraboliques, glissant dans la turbulence de « la petite mort qui éclipse l'aveugle ».

Elle expose son optique géométrique dans les phases de la lune, et force l'ouverture des rayons scintillants de ta faim, et par extension d'amour, floute l'échafaudage de ta transparence. Il y a une hantise fabuleuse au point fixe de ton désir. Les lunettes de théâtre dissipent ton passage secret. L'enclume de la découverte soulève les chevaux des retours de l'enfer, tournant dans la direction opposée, et le Géomancien monte le volume. Vous traversez un portrait de famille, et permutez les visages, pendant que derrière bouge la lumière…

Au centre d'une bataille pour le négatif érotique de ta voix et de ta présence, le passage de l'un dans l'autre, d'ici à ailleurs, serait semblable aux mouvements sublimes des Navigateurs dans la perception déraisonnable ; la perception étant l'arc somptueux de la plongée jusqu'à la garde, à la façon d'une épée, mais affectueuse et s'abandonnant. Dans le livre de la Transparence, il est appelé : L'Art du Regard Sauvage, et renvoie à la brume sous la forme d'une femme riche en phosphore, qui invente le monde nouveau à son image, et seulement vu en périphérie jusqu'à sa sortie hors d'une nostalgie infinie, ou du désespoir jamais déçu, même au-delà de la crainte, comme le renne disparaissant dans le lointain d'une incitation à la transe et à la pensée germinative. Un rêve dans le paysage, entre les arbres... Il te connaît. Il t'apprête, et observe ta génération de lumière.

La mutilation qui étire le tropisme de nombreux corps fascinés, sous l'emprise des chuchotements sauvages entre ennemis qui s'adorent, n'est autres qu'un escalier post-hypnotique qui arrive plusieurs jours à l'avance, dans la pose d'un artisan du choix implacable entre ceci, cela et l'autre. On ne demande pas d'explications, et en tout cas, leurs numéros de série ont été entrés, et leurs empreintes digitales ressemblent plus à des papillons qu'à des étoiles de mer. Les chiens de combat sont pilotés par le parfum de ta séduction, et le temps d'une exposition de grande envergure, (en raison d'une imperfection dans le juste milieu) dirige toute la lumière disponible vers ton cadrage dans l'espace et le temps, haletant pour reprendre son souffle et le baiser du vif-argent.

Une infinie nostalgie qui ne déçoit jamais le bain, lumineux et incessant, ni la danse d'ablution qui envahit ta vision nocturne, se régalant de ton visage quand tu deviens soluble et irradiante d'ombre, tu saignes avec les orchidées pour les lanternes qui se balancent dans l'obscurité, dessinant des sorcières pour la lumière. Il y a des méduses dans les arbres... En creux, des os exaltants de chiennes qui aboient. Tu te reposes un instant, entre la vérité et la rumeur, dirigeant vaguement la cire d'abeille architecturale des plus anciens tertres qui brouillent le temps. Un crime parfait, parfaitement bouclé et fin comme la rivière remontant le long d'un méridien accidentel qui rejette le jour suivant dans une célébration de méfiance pour tout ce qui n'est pas brûlé et caustique de par la folie de l'amour.

Tu laisses tes gants sur une table à l'âge des ténèbres, et la tache de ton empathie anime les symboles de la navigation — ils s'allument dans tes pensées. La pénombre qui séduit ta disparition, alimente la meule de tes dépendances aux senteurs d'iode qui reconstituent la ville au bord de la mer, et de la femme qui conduit les louves d'obscènes calculs au plus profond des mystères de la nuit de noce.

Son dernier message arriva avec les diapasons : « Je sèmerai pour toi, et inonderai comme tu n'as jamais su, déclenchant avec de l'épices des Indes et des soies précieuses, toute l'abondante chimère de ces asymétriques et rougeoyantes sensations dans la proximité des fils physiologiques et pharmaceutiques qui traversent La Celestina, la racine du système semblable à celle de l'arbre, connue pour les liquides de son rêve et les erreurs de langage intempestives qui tentent de te faire perdre ta route. Je connais le chemin, et je suis armé. »

X

Ce sont les abeilles qui soulèvent la conférence des voyants, et le bourdonnement couleur chair de ces abeilles dans l’obsession singulière de ne pas découvrir ce qui fut jadis oublié et souvent utilisé comme poudre noire pour les diversions du matin et les gestes médicinaux d'évasion. La travée sans âge qui forme, hors de ton hésitation et de tes craintes, une double-spirale de révolte spontanée, s'égouttant lentement et éclaboussant l’âme de la cloche d’une précieuse flânerie au crépuscule.

Dans la colonne vertébrale transparente de ta faim, il y a de grandes vagues et des diseuses de bonne aventure qui tombent des corniches en grande fanfare. La femme reflétée et l'ombre de la femme, ronronnant comme un miroir convexe doublent la distance autour de la table expérimentale où babillent les dormeurs-debout, elle traverse la ville comme une grande aile noire de sifflets et de mots d’amour, qui bouclent à la fois les aspects pairs et impairs de ta présence, et de ta jouissance. La lumière de la lune est du miel glacé qui propulse ton regard. Tes bois maintiennent les mécanismes lumineux et maternels, et les invités sont partis dans leurs déguisements les plus subtils. De très loin tu es sans étoiles, et plus belle qu'un dernier souffle.

« J'ai été la forêt pour toi, sombre et ovale, et j'ai été ta jumelle, formant le mortier de la disproportion avec la précision amoureuse d'une gemme et d'un scalpel dans les yeux d'un fou, dans ces moments purs d'adoration réfléchissante, à la fois délicate et cruelle. J'ai été ta façon de voyager et le décompte futur de tes espérances. Je peux voir dans ton sommeil, tu peux voir dans le mien… Ensemble nous sommes incognito avec nos étriers et nos liquides, et suivons seulement les signes qui illuminent ceux qui sont à suivre à distance, nous formons le papillon de nuit fantomatique de l'incandescence. »

La manufacture organique de l’entrecroisement de ta nuit et la mienne, est dans tous les événements qui dévoilent comme un dédoublement de formes le long des rayons au-dessus de la ville, et dans les couloirs au-dessous, où l’Inquisition espagnole était venue se reposer et déposer les œufs d'un merveilleux mais remuant crépuscule imitant les initiés de la metamorfosis furiosa, ou la grande évasion a ralenti jusqu’à ramper.

Les Navigateurs sont impitoyables et tourmentés dans leurs acrobaties, et ne reviennent jamais au même endroit sans un crime ou deux qui raffinent la nature héraldique de leur magie. Chaque crime est un précédent aussi bien qu'une tactique visionnaire. Chaque mouvement signale les milieux environnants avec le romanesque des poignards et de l'incendie, le sabotage et toutes les incantations imaginables. Le subterfuge et les actes imprévisibles de transparence transportent des imprévoyants par les minuscules portails d'un rendez-vous de minuit, s’achevant avec ces contacts cinématographiques qui donnent les larmes aux yeux. Les essaims tendres du plumage. La douceur de chaque réflexion de braise respirant sur toi la chaleur de spores migrateurs. Un moment d'hésitation au milieu de la séduction, et puis l'obscurité de la chasse, l’amoncellement des voiles qui viennent en poussant des cris perçants à une halte. Le regard énigmatique qui tambourine les os dans un jeu de cache-cache. La poussière scintille pour vos yeux dans la turbulence du hibou... et dans le calme de votre exploration (attaquer, charger et frapper) la lumière baisse sur les rideaux pour s'attarder et s’alimenter à ton parfum, et les corps célestes qui commencent à disparaître toujours aussi lentement avec chaque caresse qui semble durer toujours.

Les moelles épinières qui s’élèvent comme une fontaine, un feu fantôme, une course-poursuite gothique par les rues pour les objets de désir et le corsage défait d'une femme qui règne avec un toucher de Midas, libérant l'hermine de la traduction implacable de l'une en l’autre, d’un instant à l’autre, un ruban d'identification dans l'autre — l'autre qui te ressemble avec les ruisselantes étincelles de ravissement du soudeur.

Le naufrage devient le mécanisme crucial de synchronisation…

XI

À cette heure elle sonne la cloche, et les animaux viennent pour écouter ses contes inquiétants de passage et de hasards merveilleux, des contes d'intelligence et de messages oubliés, très courts, mais des contes sublimes et ahurissants qui n’ont aucun sens pour eux, si ce n’est pour l'inquiétude et la tendre émotion de sa voix, qui les apaise en des rêves de proie sans secours. Elle savait l'effet de ses propres mots et de ses expressions, et de ses gestes qui formaient des issues hors des ombres. Elle savait que les rêves partiraient bientôt pour des liaisons plus passionnantes.

À une autre heure, dans ce quartier de la ville où la pluie tombait sur les pyramides qui vont et viennent comme les invités les plus fâcheux, les Navigateurs n'avaient pas le temps pour des solutions conscientes ou allusives, et s’étaient plutôt rassemblés pour la rose des vents qui changerait bientôt de place avec celle de la plus amoureuse de leurs pensées défiant la mort. Ils voyagèrent jadis en train, dînant dans le premier wagon-restaurant élégant et tranquille, et parlant à voix douce, souvent cryptée avec des étincelles et de petites flammes… Maintenant ils disparaissent simplement.

Les funambules avaient en attendant pris refuge sous l'horizon, souffrant dans la distance comme les enfants perdus, et ceux qui fuyaient errants, pour ne jamais être encore entendus... C'est toujours une énigme, et qui prend toujours la forme changeante des bougies une fois emportées par le souffle, et abandonnées sans surveillance pendant des heures, parfois des jours, et même des semaines. Comme beaucoup de tels mystères, ta lueur au centre de la ville est souvent la source d’une rêverie tranquille, comme une robe sans quelqu’un dedans, des chaussures sans pieds, ou un verre grossissant avec rien à grossir.

Il y a le répondeur automatique accroché à l’écho d’un mâle, cela te dépasse, et met même en doute ton enthousiasme, préférant, plutôt que parler directement à ton image, ta fiction et la forme de ton absence... Ces jours-là, quand tu décides de rester plusieurs jours, de t’abandonner à tout ce qu’un spectacle dévoile, ou consentir à être photographié, tes comportements emplissent l'espace autour de toi avec une telle consternation, que n'importe qui d’autre présent est immédiatement emporté avec l'intense ambiguïté de ton mouvement. Comme des arbres dans le vent, leur confusion, une lointaine cousine de l’aboiement des meutes, tes qualités sont comme les rubis du temps, et ta présence est toujours soupçonnable. Parfois tu n'es même pas là, et quand tu y es, parfois, ton apparence est optionnelle.

Tes crimes sont peuplés des plus sidérantes formes primordiales, de silhouettes se déplaçant dans les étincelles de l'air, et dans ta voix, et tes plus douces joies traversant le désert à vive allure.

Elle sonne la cloche douze fois pour le treizième espace vide, pour l'emplir de ton intimité et de ta splendide discorde. Le ciel surgissant d'une excroissance de cire perdue, et vu dans ses yeux clos levés — comme une grande bataille vue de très haut —, l'eau lumineuse qui signifie tout ce qui est l’extérieur de ta perception, le vert de sa psyché comme une échelle de tungstène s’élevant dans un éclair...

« Angélica ! Son fruit s'égoutte, et les essaims sirotent à la lumière du soleil, débarquant par leurs dents dans les fils d’araignée de la vision du Pendu... »

« Les loups demeurent vigilants au-dessus de nous, traçant leurs cercles autour de notre vertige soudain qui coïncide avec les roulements-à-billes d'or des yeux soudain ronds pour le voleur dans le noir — celui qui a le couteau n'est jamais loin de trancher le ruban. »

« Un coup à la porte ne manque jamais de libérer les siècles d’occultes élixirs et de perturbations artificielles qui, quand déborde le sommeil de la veuve, dissipent une croyance rigoureuse en la continuité du temps… »

« Ta faim et ta soif sont pour moi les joies de la fête, les artifices d'une présence qui voilera toujours le point érotique de non-retour, figée dans ta réflexion, du côté gauche, et renversée comme une étincelle minuscule de lumière, ainsi que dans ton ombre, sur son bord droit, une lueur rouge à peine visible qui s'attarde derrière ton ombre... C'est un mystère, mais pas figé dans la pierre... »

« Dans la hâte de fixer les ailes au corps, il est nécessaire de tourner rapidement tout en faisant équilibre avec le centre exact d'un rêve. »

« La mer capture le dernier train, et les derniers présages en partance se blottissant les uns contre les autres dans le fusible et dans la plume d'une dentellière presque transparente qui ne révèle jamais sa peur ou son plaisir, dans le ghetto difforme des remords et de l’érotisme sans foi… Il y a des bijoux dans la chair, et c’est le crépuscule dans ses crocs, et toi seul as choisi de la suivre comme son miroir... »

C'était toi en particulier, parmi les Navigateurs, qui semblait étrangement le plus tourmenté, et le plus réservé. Tu fus le plus tendre et le moins disposé à préférer les lieux antiques, sans tragédie ou humeur, et les autres siècles qui ont déjà révélé leurs secrets, distillaient les liquides oniriques et les versaient dans de petites fioles en verre. Comme un saboteur tu étais imprévisiblement brillant. Ton seul regard suffisait à marteler l'obscurité. Ton anonymat était un trésor qui contraignait un stupéfiant spectacle d’inestimables dards de curare pour ceux qui les servaient, et les méritaient. Tu portais ton costume finement travaillé d’une sardonique sérendipité semblable à un oiseau, et personne n'osait l’interroger. Tu aimas celle qui te poursuivit et enflamma les arrière-cours avec des traînes de météores —Tu changeais souvent de place avec elle, te poursuivant seul...

Il y a un espace venté dans une usine vide qui conduit inévitablement à une révolte de baigneurs et d'autres créatures semblables au cygne, d'autres fumoirs d'opium et des armes merveilleuses qui arrivent avant toi, comme des amulettes, ou des formes sonores fleurissant dans le jardin. Les Éthiopiens dansent. Les arbres te rêvent. Le cycliste nu est poursuivi par des braises. Il y a partout des messages secrets, et la nuit se lève. Les murmures antiques du cœur sont ta ruine, ta destination et ton rayonnement.

XII

Un jour, il n'y eut pas de visitations soudaines, ni de destination magique digne d'un crime, ni de pierres pleines de lumière, ni il n’y eut de gestes qui effaçaient puissamment la vénération de la mémoire, mais pour inventer une vengeance sur tout ce qui surpassait de loin les qualités de la raison et de l'équilibre — un amour qui brisa la ville au bord de mer, qui envoya les Navigateurs à travers tout ce qui se donne pour réalité, et conscience sans ombres...

Leurs manœuvres sont plus animales que la lumière ou le parfum, et répandues avec des minéraux aussi extasiés que l'aorte à forme Latine dansant sur l'eau à midi, au grand jour, et plus anatomiques alors que les regards cursifs donnés — et pas simplement pour le mystère, mais hors de l'invention pure et indisciplinée encadrant la folie et, oui, pour le plaisir de la vielle et ravagée fille du Devin se touchant dans le jardin comme un leurre pour les abeilles. Son miel se projette dans de grandes mares, éclairant le chemin.

Une inventivité meurtrière, se dépouillant de prismes et de sages-femmes, masques et nuits de noce, plongeant dans une farce de cérémonial nocturne qui finit en pleurant dans un art du furtif.

« L’interminable nuit poussant de stridents cris de paon fond les fenêtres sur le corps du serpent, pendant que les portes claquent sans interruption dans la tour de la discorde, où les blanches femmes-cerfs s'abandonnent à leurs bégaiements et leurs tics nerveux avec des pieds-à-coulisse infusés de lune qui introduisent les rivières de l'abandon dans le vide entre les réflexions. Les lemmings ont envahi la chambre de noce de Dogon, comme de minuscules étoiles qui tournent autour de l’hypnotiseur jouant avec la serrure androgyne — à la façon dont on joue avec un couteau à la gorge d'un cygne... Audacieux à saigner pour elle... »

Là, demeure l'ouverture et la fermeture de ta présence, et le départ de ton arrivée s'approche, comme certains soirs au milieu de l'été les draperies sont consumées, lumineuses et cristallines, comme dévoilant le passage avec une violence soigneusement orchestrée. Nulle figure encapuchonnée ne passe par là sans caresses sauvages. Aucune aile sans tourbillons. Aucune tige de foudre sans regards. Ta chair dans les cloches...

Où est ce passage entre toi et elle, l'un coulant à travers l'autre, quand la nature des choses inhale l'ombre des dormeurs, et exhale les sensations roucoulantes d'une éclipse lunaire ? Où sont les pilotes et les gardiens, quand le dernier vol atteint le zénith des étreintes amoureuses — les yeux se frottant les uns contre les autres, les os se touchant, se brisant presque — et la friction de propriétés navigables ne laisse rien à désirer au-delà du sens de l'éveil continu ? Quand les splendides bifurcations dans la route lâcheront la flamme qui bondit en avant, enchantant ton aura et léchant tes griffes. Le souffle dans ton cou, quand personne ne semble là…

Les codes secrets étaient partout, passés de main-en-main comme les pièces de monnaie d'une indéfinissable lumière, et le domaine éminent de ceux qui pratiquent toujours les arts pervers fut gardé et tenu secret comme des émeraudes inestimables avec des fissures d'or. Les éventualités de la surprise ou de la révélation furent défendues par d'implacables mots-de-passe qui éclataient comme des fleurs sauvages dans le regard intense et phosphorescent du bijoutier — son élève émergeait comme la voyante de grands dessins, bien qu'elle devînt de plus en plus transparente tandis que les années passaient rapidement. Elle n'était jamais entièrement consciente d'où elle était, mais maintenait une façade de clarté et de tendres soupirs. Ses yeux étaient allumés du dedans. Sa chair contenait dans ses tons les diagrammes cachés du vol, veines rougeoyantes de la direction. Elle n'était ni ici ni là.

« Je suis près de moi avec les tendances les plus inhabituelles, pures comme la brûlure des lingots et des tessons du mouvement terrestre. Dans mon souffle sont livrés les secrets du déploiement magique, et la psychologie imaginaire du fusionnement désespéré, rejetés comme des guêpes de l'intérieur d'un rêve. Je suis ta langueur et ton agonie, ton fil ténu. Je ne suis pas ton sang, mais je coule à travers toi comme les sombres messages de ton sang… »

« Dans mon état de créature transitoire, il n'est rien que je ne ferais pour ta sécurité et la nature obscure de ton être — Je suis très dangereuse, et comme une poudre théorique mes ovaires signalent les lieux hantés pour s'assembler dans les jardins et dans les salles de conseil par des moyens harmoniques… De la même façon l'assassin arrive dans des chaussures souples et sans fanfare, ni indices ou hésitation. »

« L'habillement de mon spectre emplit le vide qui suit les rêves, et une fois sous l'action de forces opposées, conserve une vitesse constante pas différente de la chaleur qui s'égoutte de la bouche de la femme-léopard quand elle se lève pour lécher ton visage. Quand je secoue mon spectre, la distance entre ce que tu vois et ce qui ne se révèle pas, trouve un équilibre dans le point de fusion qui dévêt le paysage… La mariée tourne à la vitesse de la lumière… »

« C'est ainsi ton plaisir qui allume la voie pour que mon ombre se baigne avec ta réflexion, et l'appareil visionnaire qui libère les Navigateurs de leur vol prédéterminé, et tour-à-tour rend radioactive la fraîcheur du saphir dans mes cheveux… pour toi, toujours pour toi… »

Qui aurait su que les Navigateurs étaient aveugles dans leur vol, dans leurs rêves, et dans leur évolution de témoins jusqu'à devenir les centres provocateurs de l'événement : au milieu du vol et dans le portrait de groupe qui survit depuis le dix-septième siècle comme un manuscrit inachevé, eux qui n'étaient pas quand ils étaient, ont la connaissance de ceux qui pourraient sembler ne pas l'avoir. C'est un rébus et un nœud, comme il l'a toujours été, mais le cristal clarifie l'exécution. Plongeant pour les objets du langage dans l'aiguillage des canaux, et derrière les rideaux — nul regard n'est interdit ni apprécié, mais impératif.

XIII

Sur une table faite de brouillard lumineux, dans une pièce de dur charbon noir, les visiteurs arrivent et partent comme des fantômes plus désirables comme eau que la mémoire. Ils manipulent le temps en de splendides mouvements qui pourraient être à la fois sublimes et dangereux comme une forme de paysage érotique — dans une sensation animale, quand le désir se met en chasse pour ce dont il a faim. Des mouvements qui imitent la vitesse du quartz, qui se mettent à grandir et s'étendre comme une vague organique qui emplit la ville de tendres baisers, ou de crimes passionnels illuminant tous les petits angles et les niches du monde.

Ils font ressembler les évasions audacieuses à des manœuvres de séduction, quand ils changent de places, ou de serments, avec la dextérité amoureuse des escrimeurs, découpant l'eau en cubes précis qui ressemblent à des golems aux yeux d'or.

« La lumière du soleil te couvre de fourrure rougeoyante. La forêt chantant pour le sang, tandis qu'elle change rapidement chaque mouvement que tu fais d'une chose à la suivante. Le vent donnant des baisers pour ta présence dans les visions qui s'arrêtent au sein de cocons ou d'œufs qui ornent les passages comme de lointains lieux reculés… »

Dans l'eau peu profonde qui distingue les pratiques magiques du leurre aveuglant des sirènes, les mains touchent la soif de ce qui fait tourner les planétariums psychologiques pleins de regards passagers, mercuriels et fusiformes : « Pour toi je me rapproche, à une distance qui ressemble au balancement du marteau des cloches qui ne touchent jamais les côtés, et qui oscille d'une façon extravagante hors de tout contrôle, et suit pourtant la résonance des sons qui pourraient ne jamais avoir résonné sans te connaître. Pour toi seul je deviens visible, mais seulement dans les moments d'obscurité et de joie... »

Les Navigateurs traversant des vestibules et les antichambres comme des plongeurs hypnotisés dans leurs arcs, ils tournent dans les fascinantes et merveilleuses structures de la reconnaissance — ce qui défie la pesanteur et la raison avec les noces alchimiques dans les arcanes de dialectes espagnols — ce qui simplement ouvre les portes qu'on ne voyait pas s'ouvrir il y a peu.

Les contrefaçons et l'artifice sont de simples analogies pour la beauté qui ne brille pas si ce n'est dans l'obscurité, où tu places tes armes dans un cercle autour de toi, et danses avec les sorcières.

Les serrures sont ouvertes avec les clés des étoiles plus liquides que des tigres ou des dragons, vieux et profonds, et qui signent leurs noms avec l'encre invisible, plus profonde que le noir... et se baignent avec la lumière en dormant.

Tu es l'amalgame qui emplit tous les espaces vides avec des ablutions sacrificielles à travers le spectre de couleurs radiantes, en bas de la rue dont l'écume s'étale sur le rivage où tu vécus jadis, il y a mille ans — quand tes yeux s'ouvrirent pour la première fois.

XIV

Elle est toujours le dernier train de la pensée et le dernier dîner délicieux dans le flot de sang du solstice, dans la poussière du matin, quand elle peigne les rubis de ses cheveux défigurés, répandant partout le chaos et l'extase.

Quand la conspiration des ombres est libérée chaque jour, elle est la pluie qui meut la table tournante des violents incendies de forêt, en un instant fugace, en son heure, qui dure pour toujours dans l'essence des choses, un axe improvisé de semence et de dispersion… Son souffle s'écoule comme du vif-argent. Sa présence est le forage d'un tunnel penchant à perte-de-vue.

Elle est un reflet d'oiseaux de proie qui illuminent l'histoire des transformations magiques et non orthodoxes, quand elle goûte tes rêves, et voit la couleur de tes désirs… un double miroir d'une fumée semblable à la chair.

Dans son mouvement à travers toi, elle est une roulette d'étoiles nocturnes dans le champ des bêtes qui chassent, et dans son ascension elle traverse ta sensation de rêver, sur le pavé froid, comme un lancé de dague. L'huile de l'espace capture la lune dans son image, et le coulage du parfum devient son mythe et brûle dans la fourrure noire de sa soif… le sang coulant dans la famille, dans l'esprit de la pierre transparente, un mirage.

Comme la fleur rare de l'entrée, elle était presque ici, et pas tout à fait là, se fondant hors et dans la séance des manifestations quotidiennes, suivant la gorge de sa carte au-dessus des cruels espaces invisibles — elle n'est pas l'arc-en-ciel du silence absolu, mais la crue de pure invention.

On a souvent observé que l'émergence d'êtres à l'état solide en ce lieu aléatoire, en des moments et des configurations multiples, avait pu guider les plus puissants des Navigateurs à travers leur posture de crimes et de mystères dans toute la trame d'une réalité splendide. Elle était l'essence de leur anonymat inestimable. Elle était le principal ressort de leur subversion agressive qui catapulta l'Arbre des Salamandres et d'autres espèces déchirantes de désert aux extrémités de la terre… là où le terrain d'atterrissage est souvent infondée, mais jamais mal-aimé ni sans grands feux gardés toujours allumés, même dans les rêves.

Il y avait des bois de cerf ainsi que des ronces attachés à la mythologie qui les a tous guidés, et des montées d'eau qui exposaient la trame et le motif des stupéfiantes acrobaties qui brillaient comme des pierres d'angle tournant d'une ruche à la suivante, d'une profondeur à l'autre, du soma à la diaspora, de la faim au savoir, et dans la rotation de leurs contes déloyaux, rien ne fut épargné du gantelet d'une nuit sans sommeil. Indices et soupçons étaient comme les machines volantes de la volonté la plus incrédule. Les sorties de secours se matérialisaient dans le ciel, ou au milieu d'une phrase. Les sens prenaient l'aspect des positions érotiques les plus embarrassantes, empilés comme la lueur d'une inhabituelle structure d'aile attirant les lieux éloignés, et les réconciliations passionnées dans le clignement d'un œil.

« Quand en dernier nous parlâmes, il n'y avait rien pour expliquer l'écharpe blanche lumineuse, le brillant haut-de-forme et la canne. Il y avait du sang sur la table, et un gyroscope qui ressemblait à la tentative d'un singe pour communiquer avec son reflet. Je soupçonne, par ces petits miracles, que ton arrivée est imminente… »

XV

Ils n'étaient jamais à l'heure, ni ne se pliaient jamais aux mesures du temps, gravitant autour de lui, le tirant au-delà de toute forme, l'étirant et souvent l’apprêtant pour une transition… et ils choisissaient le plus souvent le plat de la main, et le plat de l'esprit, enfermant la distance entre l'ombre et le reflet dans un instant audacieux de courte trajectoire.

Agissant avec une étonnante diversité, et à un niveau presque surnaturels de démesure, ils déplaçaient des montagnes et séduisaient les sirènes avec leurs agaçantes gesticulations de minuit, et abandonnaient toujours à la scène de chaque débâcle sublimement exécutée, divers pigments de lumière quand ils forment un langage coloré par le verre des siècles.

Un rubis de cobalt dans la faille éveillée semblable à la semence de la mortalité n'était pas leur carte de visite, mais le Hiérogame hautement inflammatoire, liquide, toujours dégoulinant dans le plus grand bassin d’un concert de vent psychosomatique, et se répercutant en écho comme une fille endormie prise dans le clair de lune faisant crisser entre ses doigts délicats les perles du page… Elle serait l'ombre de vermillon lumineux déverrouillant les lucioles des Cabires qui infestèrent souvent les astronomes passionnément studieux dans leur mimétisme nu…

Mais, pour la plus grande clarté, quoiqu’obscure, il n'y avait aucun angle qui n’ait été mesuré, ni d’expression faciale, ni de langage corporel qui n’aient été enregistrés pour offenser la sombre poudre magnétique du soleil quand il disparaît dans l’éclipse. C’est une façon de parler des plus cavalières, au centre tourbillonnant des miroirs qui se font face, quand leurs mots forment les objets de leurs désirs, et le sel de leurs corps lumineux peut être vu s’élever le matin comme des momies enroulées dans des bandelettes cramoisies semblables à des armes à l’instant de la mise-à-feu.

On pourrait supposer que chaque geste subtil, chacun unique, un mouvement presque obscène, soit vu comme le moyen approprié de la séduction, ou de l’attaque, mais tout n’est pas comme il le semble. Le chandelier hystérique qui te suit pourrait être ton pire ennemi, ou celui qui te pousse à te lancer dans tes propres expédients improvisés. La chaleur qui annonce l'étreinte anonyme, pourraient être les boucles d'oreille anthropomorphiques à travers les chambres d'alimentation de ton témoignage assermenté : « Je n'étais jamais là, mais je sais la douceur amère de son plumage et de ses inclusions humides. J’ai tenu ses clés… »

La danse elle-même était un chef-d'œuvre de joie et de dérision, et l'esprit hérétique des impressions durables, mouvante dans la lumière du hibou et la lueur du loup à travers l'autoclave des rayons parallèles pendus dans la voûte sidérale de ta dernière disparition. Tu devenais de plus en plus transparent, comme le vent qui séduit la lumière hors des cristaux qui te touchent. Le dernier vol à travers la ville était comme une inondation à peine rêvée, et la lune suit le résidu émotionnel de ton insolence. Il y avait de l’onyx dans ta voix.

Ce n'était pas la conjonction des minerais disparates, mais la formule mathématique qui emplissait les hordes de cet arc-en-ciel primitif actionnant le nombre d'or, et les traces de pas de ceux qui sont presque morts enfants.

Un monde transformé par un simple fil défini dans son embarrassante attitude de débarquement à reculons dans la pesanteur et l’alignement contre les étoiles, et contre la lumière, dans son corps encapuchonné et nageant, dans son vieux sortilège sans âge d'amour éternel consumé, pour la cabale des femmes dans la rosée d'un éclair de feu, et un moment de silence total… Voir à travers le chien dansant avec les chevaux. Ta dernière chance. La corne de la foudre. Une toile en rotation. Sang frais. Ta fenêtre ronfle…

La longue-vue s’accouplant au désert dans l'espace et le temps, réduite en poudre sur la terre par un baiser de l'amant, composée de matériaux vulgaires et consumée dans le défit et l'innocence de la pluie du soir quand son aiguille magnétique tourne en sens inverse.

Une conspiration des regards ardents, des mouvements comme ceux du corbeau ressemblant à une catapulte presque visible qui joue à cache-cache avec la cassette de la sorcière et les elfes tombant du ciel, et tu es révélée de l'autre côté de ton reflet. Il n'y a aucune voie facile pour décrire le passage, ou le voyage à travers la mariée du scarabée, par la gargouille qui exige sans interruption ton nom, et signe ton courrier avec des caractères étrangers.

Axierus et Axiocersa, Innana et Utu, Athanor et Amphora… doubles instants dans le temps, mélangés au passé vrombissant de l'un dans l'autre, du sphinx aux funérailles, de l'œuf au couteau, de la mythologie au canular, des larmes au phénix, des portes de la réalité à l'alimentation des racines aveuglantes de la psyché, et encore après, par la nudité étendue de l'anthropologue… lui qui garde ceux qui jouent de leurs flûtes au milieu de la nuit, et ceux qui dosent l'anesthésique pour qu'apparaisse soudaine un rêve traversant les murs…

Les tours de guet sont comme des dépôts de quartz au bord du calme perçu, où tes amarrages clandestins déroutent les navires matriarcaux avec les cadeaux d’introspection et les hybrides d’atterrissages spectraux, d’éveils interdits et de hiéroglyphes surréalistes se multipliant au moment de moindre résistance, où les somnambules s’assemblent pour leurs fêtes, laissant seulement les os qui luisent dans l'obscurité.

Les colorants hallucinatoires et autres crèmes de sorcières étalées sur les corps célestes adaptés au vol indigène, et éclairés du dedans, tout en poussant la transparence de par la terre (comme des tentacules de méduses), et seulement pour la fenêtre du corps, à travers de nombreuses couches, miroitant en une réalité imaginaire. Vous êtes réel, et l'esprit est dans la chaleur, saignant le clair de lune…

Les Navigateurs sont partis depuis des siècles, et leur progéniture est toujours amante de leurs spectrales intuitions, leurs horoscopes et les permutations amoureuses des envoûteurs.

XVI

Il y avait des mémoires qui perdaient bientôt leur attrait sous la ruée des nuits et des jours parallèles, et le lien manquant qui secouait les voiles de l'hystérie et d'autres semblables solutions miraculeuses, aurait suffi à propulser d'abord ton ombre, puis ta réflexion à travers les diverses manifestations de la perception et de la crise. Un soleil noir comme un bateau hanté. La folie de l'amour, qui tue l’amour, et le séduit dans un nouvel éveil au sein d’un fourneau de lumière d’étoiles…

Le feu de la purification te suit comme un souffle chaud de cristal immobile dans le ciel, et un champ des pierres dressées qui ne peuvent être vues sans regarder dans la direction opposée… Le vent de ta beauté défectueuse et désagréable, digne de son poids en or, toutefois, est irradiant pour le sphinx des poses efficaces et des manœuvres élégantes. Un leurre offre le luxe de courir avec les grands chiens la nuit par une rue brillante de chiffres et de joueurs d’échecs, avec des molécules et des ions négatifs, et bondissant dans un exquis champ de bataille utopique, magnétique avec des pousses de cheveux en pointe sur le front et des ressorts échevelés. Un corsage comme un fuseau. Une table en feu jasant avec des indices et des empreintes digitales. Tu es effrayé par de lointaines sensations hurlantes.

Le message et le destinataire, de-ci delà dans le clignement d'œil, l'enchevêtrement de la perception qui éclate comme les pavots exsangues sous le masque de la fumée et des miroirs, sont comme une chute d'eau, ou une salle-à-manger vide où rien ne se produit pendant de longues années, ou une clameur hypnagogique à travers un diagramme de lignes d'intersection tracées avec du carbone, ou du tungstène, quand il vient au plus près des oiseaux héraldiques et obscènes qui hantent tes nuits et se multiplient dans des couleurs ultra-violettes, ou des objets sinistres qui t’observent dévêtue et endormie, et commencent à scintiller, ou disparaître, ou… ce qui est toujours à venir. Croquis de fragrance terrestre. Une femme avec une salive mortelle de belladone, laissant sous son parfum des pointes de flèches clairvoyantes... toujours humide et scintillante avec des chuchotements.

Les murmures fondamentaux de la psyché, l'envergure aux proportions incroyables fixées à la circulation du fluide vital des aiguilles de pin pour les dessinateurs, les devins et les embaumeurs qui n'ont rien à perdre si ce n’est le poids précieux de leurs désirs.

XVII

Tu te souvenais très peu du moment ou de l'endroit précis, mais les cloisons qui avaient disparu rendaient tout inévitable et indicible. Sous la rose des possibilités infinies étaient réunis les Navigateurs dans leur transparence, comme des léopards peu visibles dans l’enfilade des feuillages d'une incantation périphérique, attendant pour sauter, affamés d'espace et peut-être même partiellement en quelque sorte aussi… Enfin, il n’y a que l'explosion fracassante de la conscience totale, qui précipite la direction de la traversée et le déplacement des enjambées, couverte de grands papillons de nuit de la taille des montagnes.

Des histoires provocantes d’esprits légers et minéraux, et la découverte du monde par pérégrinations et mandragore, les glissants félins et admirables spectacles sinistres qu’il vaut mieux laisser dévoilés pour l'alchimiste et sa veuve noire, celui qui trace d’or les grandes lignes de sa demi-obscurité, et ressuscite ses tributaires souterrains par la photosynthèse et la discorde infantile…

« Fonds, mon amour, les resplendissantes lueurs de tubes-à-essai inconscients et de l'eau caustique des étoiles, avec les étriers de la tombée de la nuit mesurant la distance entre la soudure à l'arc des corps qui glissent l’un à travers l'autre dans la semi-pensée, échangeant les cendres des aimés… nous étincelons et disparaissons parmi les pierres. »

Des nombres étranges couvrent les murs de la nuit de noce, dans le langage des héritières et la déchirure des voiles, et les mots suivent les messagers comme les chaises fleuries des sorciers et des voleurs qui ont dégagé leurs griffes de la douleur des civilisations perdues…

L’aube et ses animaux fantomatiques hantant les dormeurs-debout avec des os de lumière disposés selon leurs voix intérieures, comme des objets symétriques abandonnés dans l'espérance d'un crime… Partout, comme d’étranges et mortelles fleurs, le sourire de l'astrologue de Santos-Dumont apparaîtrait soudainement, démettant les épaules des passants. Les puissances fixes et les forces fondamentales d'un rendez-vous de minuit ont mis en mouvement les manières de table d'un cygne, et l'axe de la conscience s’est légèrement décalé hors du centre — et quand tu es allée de l'autre côté de la salle, ton reflet s'est répandu sur le plancher, et puis a commencé à tourner lentement comme une galaxie minuscule.

« L'indigo, mon amour, les baguettes de sourcier rôdent dans les salles de jeu, cherchant les sources de la lumière dans ses phases plus mystérieuses, là où les cambrioleurs et les magiciens qui touchaient leur baguette pour la violence du hasard, ne sont plus liés aux marées de l'arrivée et du départ, après avoir envoûté la mèche de fouet d’une visibilité altérée pour les racines d'un langage antique. Je deviens le feu de la pluie élémentaire… la brume dans le sang… le monolithe du clair de lune divisant l’orage… »

Les contrefacteurs et les gradients du clair-obscur s’étaient unis et avaient émergé sous la fenêtre de la descendante directe de la Machine à Bricoler qui adore et se révèle aux tintements du vent Saphique d'une nuit étoilée, quand il glisse après les gardes de la mousse adultère, mouillé de rêves et de la chimie du pouvoir. Elle est l'inflammation du vol, et la fleur de souffle de la sorcellerie aléatoire. Elle est l’indice même le plus important…

Dans la pure confusion de son portrait — quand les chaises de la vision centrale sont entourées par les hiboux de la poudre de scintillement, (la poussière perdue du vertige du cultivateur d'orchidée,) elle est vaste — sa présence est la révolte splendide des nains et des verrous précieux. Elle n'a aucune réflexion, ni ombre ou indications, mais le martèlement de l'aurore dans des formes brillantes de désarmante et inutile beauté est son évidence, et son poison aigre-doux. Elle est le cocon vorace de grande valeur. Détruire pour elle est inestimable.

XVIII

Il y a pas bien longtemps, et c'était peut-être maintenant, les couleurs de l'eureka et de la prémonition conduisaient les Navigateurs plus profondément dans le miasme de la découverte et de la nudité inaltérée des cellules lumineuses, faisant miroiter des graines, éclater des œufs dans le plasma de l'air lumineux qui fleurit dans la terre, personnages flottant à travers la pierre, et la peau couverte d’hallucinations qui touchent l'horizon en haletant et en disant des contes avec des mots visibles — la langue combattant les éléments… figures translucides avec les yeux qui embrassent l'horizon et respirent la vie en lui tout entier…

Les possibilités sont déjà arrivées, et la danse de l'eau, l'eau de la danse humaine, est à la fois le sujet et l'objet de l'inévitable (elle voit à travers toi, et tu es la cause de sa substance — ensemble vous vous ressemblez et disparaissez…) Le rougeoiement des os rassemblés à l'intérieur de la danse, s’étendait au-dessus de la terre comme un pollen d'or.

Elle est le navire en cascade pour ton sens de l'éther, et une fleur des Âges Obscurs qu'elle libère au centre de ton rêve, par le site de conjuration, là où le fleuve lèche la clé et déverrouille le soleil, et une nouvelle mythologie de la terre se met lentement en place et abaisse ses angles et ses excavations lumineuses juste en-deçà d’une attention consciente se toilettant crûment.

Un double du temps et de l’espace, un double d'ici et de là, un double qui ne voit que lui-même, clignotant près de toi-même, changeant l’ordre des choses dans le sérum des bibliothèques et des corps célestes… et pas un instant trop tôt.

Une double cryptologie de La Pierre Respirante et de La Machine Volante, la révélation et la non-révélation des mouvements cruciaux, comme des spasmes involontaires dans la révolte des marcheurs debout quand ils se réveillent a milieu de la rue…

Tu ressembles au précipice et à l'abysse, au masculin et au féminin, aux bougies et aux lumières dans la nuit, à l'argile de la perception et au désir d'une eau de lumière, au visage de l'animal qui te reflète et au hurlement de la lune quand il te dévoile et inhale ta passion, exhale l'ombre très longue, infiniment longue de ton mouvant reflet inconcevablement centripète.

Une porte s’ouvre brusquement, un baiser fantôme réplique tes braises…

XIX

Ils ont libéré les visages charnels de la furtivité pour s’attarder dans le silence scandaleux des chambres respiratoires, avec toutes les ressemblances jamais imaginées, de chacun et de toute chose, et juste touchant, glissant encore et se métamorphosant à travers l’obsession mutuelle, portant le fruit singulier de multiples distances entre les expropriations de gestes visiblement subversifs qui se démultiplient pour la scène du crime, et les précieux corps chimiques de l’œil de l’esprit.

Sur le grand télescope à miroir qui obscurcit l'énergie des grésillantes lumières du jour, pointant vers l'intérieur avec le sauvage éparpillement des singes, et les incontrôlables soupirs aléatoires qui semblent faire écho à travers le plastron pesamment enveloppé d'une sublime reconnaissance, la conférence des abeilles faisait monter le miel d'une histoire magique ; des clés d’os, et de brillants fusibles soufflés par les nains de l'invocation conduisant l'aveugle, le toucher et ceux qui s'attardent comme des pierres précieuses entre la mémoire et la prémonition…

Le peuple de la réflexion, le peuple des ombres et de ceux qui vivent comme des pensées, comme la pluie et le feu, le peuple de la tempête et de la lueur inexplicable, le peuple du royaume animal et celui de la nuit comme des cristaux, le peuple de la lumière des étoiles et le peuple du vent qui éclaire les salles vides, le peuple de l'illusion et de la démence, et celui qui inonde les ruches de désir, le peuple des loups et les fenêtres de leur progéniture, le peuple du prisme qui embraye les mécanismes d'harmonisation du squelette et les fugues des chiens solaires et des léopards lunaires, et le peuple de la psyché vivante en-dehors de leur corps — les particules accélérées qui forment la nuit sans lune des œufs et les rituels enchantés pour le peuple hypnotique, le Couple Royal des êtres du scorpion et du papillon de nuit, ceux qui vivent dans l'air et ceux qui ne peuvent pas être vus, ceux-là qui ressemblent à d'autres et vivent d'autres vies selon la rivière et la mer, de mercure et de l'esprit du désordre, les hybrides de la conscience et du vol instinctif, moitié-reflet et moitié-ombre, moitié-miroir et moitié-phénix, enfant de hibou et d'humain…

Si le vif argent est la sirène quand elle dort, quel est l'objet de ses rêves ? Si tu ne peux pas voir la femme en feu qui illumine les émeraudes d'une froide mise à mort, là où est la bouche des chuchotements dans le déluge soudain ? Où est le crime que distille l'hésitation des devins ? Quelles étaient les traces de son ravissement, de sa faim et des apparitions de son corps ? Tu ne peux pas la voir, mais nages dans son sang…

Dans les actes de sabotage subtils, et les tendres assassinats, les Navigateurs réajustent les actes d'amour et de sauvagerie, suscités et diffusés par les sciences hermétiques et les fervents navires larvaires, analogues aux noces de masques spectraux qu'on porte seulement dans la nuit. Il n'y a aucun traitement connu, et les tentations sont superbes dans chaque royaume. Leur présence en toute forme donnée confère aux objets du temps les totems pharmaceutiques d'un ombre psychosomatique, qui remonte à d’innombrables années… le chuchotement obscur, le métier à tisser de l’inégalité et de l'équilibre, les griffes de l'anthropologie, les cartes disparates, et le crissement des insectes devenant plus clair.

Il y a des voix dans la moelle, et des présences qui allument les ombres et se touchent, quand elles viennent pour s’alimenter, et se traversent l'une-l'autre, saisissant des poignées de riche fourrure noire… Il y a toujours des étincelles vierges sur l'eau, toujours des blessures scintillantes, toujours du sang coulant dans le sombre arc-en-ciel, dans les couteaux et les estuaires poignardés des croisements sans garde… Le risque est toujours à l'entrée. Tu es près de toi-même avec des torches. Le rêve clos les degrés de la séparation, et ta flamme s’élève, un mirage éloigné.

La résistance, l'interception et la fortune tentante, comme la double croix, sont les méthodes précises de divination, de même la mère du diseur-de-bonne-aventure, qui chante pour les manœuvres vigilantes du grand chien gris, quand elle se regarde elle-même au loin dans la distance et les plaisirs avec des filets de lumière. Ce sont les amoureux, transparents comme du feu, qui obscurcissent le jour avec leur faim, et le consomment…

Les apparences interchangeables qui font à la fois appel aux descriptions de la proie et du prédateur vont vers une identité singulière, et une nonchalance impitoyable : « Je ne combats plus les tigres, mais je porte les tigres en moi — dans la sphère de ce que je désire, et ces forces magnétiques qui existent sans moi… Comment suis-je visible pour elles, et sous quelle forme me permettraient-elles de les toucher ? »

Sous le couvert des mouvements cylindriques, le double mariage du Roi et de sa sœur ne peut être vu… mais dans le miroir il y a un flot qui dessine les silhouettes magnifiques d'un artifice soluble et d'une conspiration mémorable. Entre la mémoire et la prémonition luit la fleur la plus noire. Le château s'est levé. Le cœur assassin et le sourire adorable. Le filigrane du désir… Tatouages de lumières intriquées aussi féroces que la faim…

XX

À travers les phases indigènes d'une soudaine possibilité, quand les enchanteurs entrelacent les reflets et libèrent les ombres de leurs corps respectifs, et sortant d'autres objets de vénération singuliers, il y a des quenouilles et des métiers à tisser mobiles sur la visionnaire table des perturbations en forme de cygne, ni inquiétants ni innocents. Tu passes ainsi plein de présages et de dédain.

Quand sa lueur augmente, et que son charme se dépouille de toutes ressemblances avec n'importe quel processus curatif connu ou quelque énigme bégayante, elle répand ses membres fantômes et tombe par le prisme de nombreux siècles… une photographie fanée de taille gigantesque indique approximativement l'anomalie frissonnante de son image, comme un voile qui enchante les lucioles du temps perdu. Ses dents angéliques trahissent l'énigme de son départ, et ses cheveux d'un abandon lunaire n'ont jamais manqué de brûler le paradoxe optique et bouleversant de se réveiller indemne parmi les merveilles du monde, ou dispersé dans le vent comme des graines virevoltantes, ou des étincelles d’ennui et de désir intense, qui collent à la chimère au ton sépia des sages toujours jeunes. Les scorpions recueillent la vapeur… Les théories deviennent sauvages.

Personne ne peut s’assurer que quelqu’un ait jamais été capturé ou détenu, et pourtant, les images persistent, et le tourbillon authentique de l'agitation anonyme est l'arbalète d'une mystification ironique. Les mystères entourant leurs conditions, dans le grand ordonnancement des choses, étaient toujours des accidents. Les analogies sans âge étaient comme des objets trouvés d’une vitesse et d’une fertilité croissantes. Leur beauté était toujours inutile, et favorable la plupart du temps au ronflement qui couvrait les portes et les fenêtres, avec la floraison d'apiculteurs en cercles concentriques.

Elle était vue penchée en avant, du côté gauche, près du batelier sommeillant, et offrant le bréchet d'un frisson grésillant, si émouvante que le violoncelliste des angles imaginaires détache les copeaux des derniers regrets et, sur le bord du transparent, lape l'antidote précieux : la perle aérodynamique d'un tireur d'élite qui n'a aucun nom, ni canne, mais seulement un horoscope fané et un té de sortilège. Quand il la touche, elle est la lunette des gargouilles à l'unisson avec la fonderie des derniers et plus sublimes sortilèges des occultistes.

Tu étais celui qui mesurait ses singeries d'identité et de polarité, et tu avais souvent parlé de la moelle lumineuse irradiant dans l'obscurité féroce des autres, dans les douleurs du frottement inaccessible, et dans l’hérésie des dimensions mal placées, roucoulant et ronronnant dans les costumes antédiluviens. Elle était la cuillère du vaudou dans le module de l'espace incommode. Le temps chute. Brisures de nuit…

Le gong de ses paupières lourdes éclatant dans la danse des propriétés chimiques, où tes perturbations magnétiques inondent les gestes couverts de pensée qui animent la proximité des choses.

Les bourdonnants hybrides de l'attraction et de la répulsion, caressant tes chuchotements, depuis le vase hurlant jusqu’aux formes invisibles, depuis la femme libérant les étincelles au loin, jusqu’à toutes celles vues dans ton visage d’œufs couleur de lune, de la longueur et de la largeur des couteaux sauvages amoureux du carbone de la perception. Cellules ronflantes comprimées dans des diamants, dans les yeux écarquillés d'une ténèbre qui nous conduit, dans des diapasons pour les mythes et la fiction de ton apparence. Ton effacement est une soif qui brille sous la pluie.

« Il n'y a aucune limitations si ce n’est celles sans argile modelées par les mains liquides du pathos précognitif, quand il glisse en amont à travers la corporalité de tes personnifications… Ils ne se souviennent pas de toi, ni ne peuvent seulement te voir. Ton ombre est pleine de vif-argent, et tes mémoires se jettent en avant. Elles rêvent de toi, mais n'ont aucune règle pour traduire ta glossolalie en des mythologies, si ce n’est quand les animaux te font présent des instincts. »

« Je t’ai égrappé comme la pesanteur quand les spores de légers rayons X affamés se regroupent dans les ablutions de la femme à tête de chouette, où les miroirs renvoient leurs sentiments, alors que le calcul décrète la distillation charnelle des préparatifs de dernière minute… et je t'ai aimé dans ton aspect, et dans les pierres qui nous ont jetés ensemble, et nous nous renvoyons nos reflets, comme des ombres sur la surface, délivrées… Nous croisons nos doigts et nous séparons dans l'eau montante… Nous ne sommes pas la nuit, ni l'éclat du midi, mais nous en savons sur eux, et ils nous suivent. »

Les Navigateurs noircissent les noms en passant. Les navires muent…

XXI

Ils n'ont fait aucune concession au temps ni au lieu physique, et les vers à soie ont couvert leurs pistes d'antiquités inestimables et d'élixirs précieux. Leurs motifs étaient pendus par les chevilles, à de hautaines et obscures destinations, forgés et accordés par le magnétisme animal de leurs intrigues impératives qui ne s’achevaient jamais, sans pantomime privée d'étoiles, sans la tendre langue des signes d'une liaison aléatoire — élémentaires et tirés par les cheveux…

Les portes n'étaient pas naturelles et habillées avec un goût impeccable, de nature presque aristocratique, et au-delà de l'immunité sensorielle des entrées non-autorisées, des imaginations d'enfance et des caresses illicites. Le moindre mouvement dans la trame et la chaîne des corbeaux, par leurs longs manteaux ressuscitant les paramètres et les violons mangeurs d’oscillations nocturnes, indélébiles et mystérieusement défaits dans l'artifice de leur absence. Ils sont les violoneux de l'hystérie et du jasmin, dans le rythme étourdissant de leur vitesse en forme de rêve.

Les Navigateurs, en une réalité au travers d’une autre, dans un instant feint après chaque autre, une contrefaçon asymétrique qui lui succède, et plongés dans des sanctions merveilleuses, des fusions profanes, et cependant, touchés dans une appétissante télépathie d’épines dénouant le déroulement d’événements futurs. Un crépuscule soluble, un essaim de chimère, corps de courants lumineux…

Ils sont partout, à tout moment, le lapement des animaux en mouvement, et en arrêt sans fin dans les yeux miroitants d’invisibles liens…

XXII

Ils se sont tenus en arrêt pour la chasse, ou la joie de se réveiller ensemble au centre d'un festin désirable… et leurs pensées se sont heurtées sous le tintement moléculaire dans la voix sereine du silex qui précède leur aspect. Dans la toison de la lumière et de la lenteur…

Il y avait les verts léopards du temps tourbillonnant dans la caverne des roses éveillées et retentissantes, propulsés tête-première dans le riche parfum d'une nuit étoilée, sifflante et crépitante avec des habits d'amande et les cartes marines brûlant au-dessus de la mer…

Là où la Cabale des Tisserands Fabuleux dans la ville de Solanace, non loin des exécutions du mystère, ont présenté leurs huiles sinistres et vierges comme les parchemins du bégaiement, ou des armes miraculeuses te faisant choir de l'équilibre et de l’inconscience, pour les douleurs étonnantes d'une constellation sibylline, et l'effet de fronde de la défiguration instantanée. Le parfum saigne pour toi, et adore tes séries de poses. Sa voix te déplace en un autre lieu. Tu attrapes le parfum de ses yeux, et les couleurs te font entendre les analogies des autres en rêverie…

Quand tu oses le plus, en révélant et en masquant le voile de l'irritation et la substance de l'être à l'inévitable point de perturbation, le coup-d'œil adoré du tireur isolé qui se déplace en toutes directions, plus léger que l'air, ou le coup de feu qui touche l'intuition d'avoir été là avant — là où tu te déploies comme un labyrinthe… et la solution qui consiste à être vue, là où la distance n'est qu'un moyen d'entrer hors de toute règle, comme d'autres te traversent en passant, changeant de direction à jamais, au milieu de nulle-part… Tu deviens un vaisseau de breuvages magiques... Un portrait de groupe… Un mystère…

Tu te souviens seulement de la projection de sa visitation, mais le sens de son orage assemblé illumine les gousses d'asclépiade terreuses d’un intime ravissement, éclatement et dispersion de sirènes en une roue de coups-de-foudre, signalant l'imminente inversion des précautions à prendre. L'archive des hiboux capture toute nuance des émanations biologiques dans le secret des fables de chaque frissonnement particulier de briques et de mortier, pistil et étamine, et ces flacons néerlandais curieusement colorés qui apparaissent comme des phares hurlant dans les ailes.

De tes élégants débris tu fais descendre une réflexion, puis une ombre qui se tisse vers le haut, et puis un regard couvert de rêve, auquel est encore ajouté ton reflet émergeant de la forêt autour de lui, et tu as l'entrée de l'autre côté du paysage, où les broyeurs de la vision viennent en fin d'après-midi perdre leurs proportions. Ainsi, le secret est révélé, et les pièces du puzzle sont agencées pour dénouer le babillage des singes dans la lueur d'enchantement…

Dans la Grande Salle de Rétamage le dernier pillage des chimistes et des astronomes de l’intervalle entre la conscience et la matière noire, entre la dureté du charbon, et le mythe d'une autre perception infernale dans l'étau de bijoutier des teintures inspirées, entre le baiser et la soif de baisers que distillent et corrompent même la Peste Noire.

Avec les Navigateurs ils assemblent l'angoisse et la séduction de l'amour impossible, et se lancent tête-première dans le bras tentaculaire de la brume. Les messages secrets ont été laissés dans chaque école abandonnée, grattés sur des tableaux noirs comme des particules élémentaires rougeoyant dans le frottement du lépidoptère femelle, dans son vase prodigieux, comme un merveilleux appât, avec assez de transparence pour conserver son avance dans la partie.

Les avertissements ont été épuisés, les défis pris. Tu entres à tes risques et périls, avec les acteurs et leurs scripts, les chauffeurs et les pilotes, avec leurs destinations planant au-dessus de l'intrusion de la forge illuminée. Une caverne sans étoile, ton flux de lumière solaire recherchant le point tournant des autres… La malédiction de la soirée des fluides, des engrenages et d’effrayants pétales hurlant à la mer et à la ville, mélangés avec les loups sauvages d'une caresse, et versés sur les cendres d'un interminable regard… entre la clé et la serrure — ton souffle seul est visible dans les passages secrets du monde…

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1 En français dans le texte.