Un travail décriture et dédition avec des élèves
Ma proposition :
Faire manipuler lécriture par des élèves à partir de consignes formelles et de textes littéraires.
Leur permettre de sécouter, se critiquer, voire se plagier.
Utiliser les ressources du traitement de texte pour retravailler, afin que chacun donne à ses écrits une forme aboutie, autant que possible par ses propres moyens. Ce qui nous permettra sans peine de
prolonger le travail jusquà lédition sur linternet, ensemble,
i. Les ressources du traitement de texte :
Raturer
Savoir écrire est dabord savoir se corriger, donc raturer, ce que les enfants naiment ni ne savent faire (les adultes non plus, en général). Ils veulent garder leur feuille propre. Le traitement de texte résout cette quadrature du cercle, et, en apprenant à modifier à lécran, apprend et encourage à raturer à la plume.
Le texte
Le traitement de texte apporte aussi une vision plus rigoureuse de lécrit, notamment en donnant toute leur importance aux espaces, leur reconnaissant le statut de caractères à part entière (les caractères invisibles).
Le HTML les traite avec plus encore de rigueur, distinguant les espaces qui ont valeur textuelle de ceux qui sont contingents.
ii. Linformatique restitue tout son sens au mot « édition »
Lédition d'un travail fait en atelier d'écriture
nest pas seulement une gratification pour ceux qui y ont participé,
ni même un moyen, certes efficace, de se relire avec un tout autre
regard, plus tard, mais aussi dès le début. Lédition
est surtout une part constitutive de lécriture.
Éditer, cest donner au texte la forme sous laquelle il doit être lu. Le droit dauteur reconnaît à lécrivain un pouvoir sur lédition quand il la délègue. Linternet nous permet de prendre ensemble ce pouvoir.
iii Les mécanismes de lécriture. (Ébauche
théorique)
Ce quon lit et quon écrit demeure des paroles. La langue, comme son nom lindique, est essentiellement orale, et lon convertit donc des phonèmes en caractères, et inversement. Pourtant lécriture apporte quelque chose de plus.
On dit « apprendre à lire et à écrire », comme si les deux nallaient pas nécessairement ensemble, et comme sil était seulement question dune conversion de paroles en texte, et inversement. Or ce nest pas de cela quil sagit, mais de manipuler des signes, quils soient dits ou écrits.
Manipuler des signes
Réduire un procès aussi complexe que lécriture à de la communication est sinterdire de le comprendre. Il nest quà regarder quelquun devant sa feuille ou son clavier pour voir quil ne donne pas limpression de communiquer avec qui que ce soit, même pas avec lui-même. Il nous fait plutôt penser, selon le cas, à un horloger, un artisan, un chasseur aux aguets, un pilote
Il a dabord à faire à une complexe intrication de signes et de significations, qui fonctionnent dailleurs pour une large part à son insu. Il serait aussi seul quon puisse lêtre si ce système de signes nétait partagé avec dautres.
1 Ce que lécrit a de plus que la parole
Les signes dintelligence de mon interlocuteur ont une incidence immédiate sur mes paroles, et donc sur ma pensée. Lécriture diffère, au moins, une telle incidence, et donne plus de liberté et de puissance à la pensée.
Cette émancipation envers la réponse de lautre est la première difficulté de lécriture, qui fait que tout est encore à apprendre quand on sait « lire et écrire ».
2 Laccroissement de liberté et de puissance
Lusage du signe écrit émancipe la parole, la pensée, du mouvement à sens unique de la conversation : elle la rend navigable, elle permet le déplacement et la condensation. Il ne rend pas seulement le texte navigable une fois écrit, lécriture est elle-même cette navigation, elle trace les chemins entre les liens.
3 La fonction de lautre
On écrit moins pour quun autre nous lise que pour se lire dabord, cest à dire encore écrire, car écrire et lire ne sont pas deux moments distincts.
Ceci est plus évident encore avec lécriture mathématique : si mon raisonnement tient, il tient pour moi comme pour quiconque. Quimporte que ce quiconque le lise ou non. Ce qui ne mest par contre pas indifférent, est quun autre puisse me corriger, faire aller mon raisonnement dans des directions que je ne soupçonnais pas, plus loin
iv Lesprit dans lequel je propose de travailler
Conformément au travail que je propose, lécriture offre plus une collaboration quun échange, dans laquelle ce que produit lun peut être mis à profit par un autre sans cesser dêtre personnel. Écrire est manipuler des signes, et manipuler des signes est penser. Penser est une activité personnelle, mais pas solitaire, même pas privée.
Ces principes prendront leur signification pratique dans lédition dun ouvrage consultable en ligne et téléchargeable.
Présentation
Préface de Sylvie Liotier
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