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Jean-Pierre Depétris

 

De l'invariable
et du mouvant


 
MARSEILLE

MCMLXXXVIII

 

CHAPITRE PREMIER

Du feu




Nous sommes un Fils Unique que le Père a engendré de toute éternité. Lorsque le Père engendra toutes les créatures, il l'engendra et il s'écoula avec toutes les créatures et néanmoins il demeure dans le Père. De même que la parole que je prononce en ce moment jaillit en moi, qu'ensuite je m'arrête à l'image, qu'enfin je l'exprime et que vous la recevez tous : et pourtant elle demeure à vrai dire en moi.

Me Eckhart; Sermon.






I

De ce que le mouvant est semblable au feu.







Tu n'ignores pas que toute chose est composée d'une essence immuable et d'une essence mouvante.

Ainsi toute chose ne se génère qu'en la mesure où elle se corrompt.

Le feu est le corps le plus proche de l'essence mouvante, et la terre de l'essence immuable.

C'est la raison pour laquelle tous les attributs du feu semblent tomber à côté de lui.





II

De la méconnaissance du feu.







Nous disons que le feu est produit par la combinaison d'un corps et de l'oxygène sous l'effet de la chaleur.

Nous disons aussi qu'il produit d'autres combinaisons chimiques, de la lumière et de la chaleur.

Ce faisant nous ne disons rien du feu lui-même, si ce n'est que nous le plaçons soit immédiatement après comme conséquence, soit immédiatement avant comme cause de ce dont nous parlons.





III

De la coutume qui consiste à prendre pour cause le mystère.




Le langage courant n'emploie-t-il pas des locutions telles que: « il n'y a pas de fumée sans feu » ?

Et pourtant nous disons aussi: « n'y voir que du feu ».

Ce qui prouve que le commun est très bien renseigné sur cela, et que sans proprement le savoir il ne l'ignore pas.





IV

De ce que le mouvant n'est ni l'effet ni la cause de l'immuable.







En parlant ainsi nous plaçons le mouvement tantôt comme cause et tantôt comme effet de l'immuable.

Tu vois bien qu'il y en a déjà là un de trop.

Mais quand bien même tu fixerais ton choix, tu serais encore dans l'erreur ; car ce n'est pas un tel rapport qui les unit, mais une pure contradiction.





IV

De la forme, et de la racine PATER qui donne Pattern.




Pour que l'essence immuable rejette loin d'elle le mouvement, et pour que l'essence mouvante entraîne avec elle l'immuable, il est nécessaire qu'un troisième terme les unisse et les empêche de s'annuler dans leur contradiction.

Ce troisième terme fut quelquefois appelé « Père », ou encore « Forme », et de nombreux autres noms.





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