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Jean-Pierre Depétris

 

De l'invariable
et du mouvant


 
MARSEILLE

MCMLXXXVIII

 

Chapitre dixième
Du ciel et de la terre




Le rapport de la Terre au Soleil est aussi en même temps un rapport de la Terre à elle-même, ou à sa propre essence, car la mesure de la grandeur et de la force de la lumière, sous laquelle le Soleil est l'objet de la Terre constitue la mesure de la distance qui confère à la Terre sa nature spécifique. Chaque planète possède dans son Soleil le miroir de sa propre essence.

Feuerbach.


Distinguer l'action du ciel d'avec l'action de l'homme, voilà le sommet de la connaissance. Connaître l'action du ciel, c'est constater ce que chacun de nous possède par nature. Connaître l'action de l'homme, c'est essayer de préserver ce que son intelligence ne peut connaître par ce qu'elle connaît. Mais une telle connaissance a son problème. Car toute connaissance doit se conformer à quelque chose pour être vraie. Mais ce quelque chose ne peut pas être déterminé uniquement par la connaissance. Ainsi, comment peut-on savoir que ce que j'appelle le ciel n'est pas l'homme et que ce que j'appelle l'homme n'est pas le ciel. D'ailleurs, seul l'homme véritable peut posséder une connaissance vraie.

Tchouang Tseu.








LVIII

Du rêve et de l'éveil.







Le vulgaire oppose de même le rêve à l'éveil. Comme si les étoiles cessaient d'être au ciel lorsque la lumière du soleil les rend invisibles.

Il en est de même lorsque tu es éveillé : la lumière concentrée de ton éveil rend tes rêves imperceptibles.

De cela tu peux aisément te rendre compte dans le demi-sommeil où les deux lumières cohabitent encore.





LIX

De la source unique et des deux lumières.




Comprends bien maintenant ce que je vais t'enseigner, que la lumière solaire et la lumière stellaire ne sont pas de nature distincte, mais que l'une est concentrée dans une source unique alors que l'autre se répand à partir de points innombrables.

Cette connaissance de la Source Unique est ce qu'on appelle l'éveil.





LX

De ce que tu sais que tu rêves en dormant.







La sagesse t'enseigne que l'objet de ta vision ne saurait te dire si tu dors ou bien si tu es éveillé.

Mais si tu éclaires cet objet au jour d'une Source Unique, tu sauras que tu es éveillé.

De même, si tu tiens voilé ton soleil, tu verras scintiller les étoiles.

C'est ainsi que tu connaîtras l'objet de ta vision avec les yeux de la certitude.





LXI

De ce que l'absence du soleil éclaire le ciel comme sa présence éclaire la terre.







Ainsi donc l'astre solaire va et vient au ciel, apparaît et disparaît successivement, tandis que les étoiles restent fixes et immobiles, tantôt visibles tantôt invisibles, selon le déplacement du premier.

Tu vois alors que la disparition du soleil est d'une grande importance puisqu'elle te permet de découvrir le ciel des étoiles fixes, aussi bien que sa présence te rend visible les choses de la terre où tu vis.





LXII

De ce que l'oubli est vaisseau de la connaissance.







Tes yeux te font connaître le soleil diurne et les astres nocturnes. Mais ton intelligence te fera apparaître le soleil nocturne et les astres diurnes.


Si tu comprends cela, tu sauras pourquoi toute connaissance est cachée, et ce ne sera plus une gêne pour toi. Car rien ne se dévoile si ce qui le fait apparaître ne se voile.





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