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Voyages à Bolgobol

À BOLGOBOL

Jean-Pierre Depetris

© 2003

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Cahier XXXII
Derniers jours à Bolgobol





Le 12 août

Eliza

J'ai eu une conversation hier soir avec Eliza. Qui est Eliza ? Non : Qu'est-ce qu'Eliza ? Eliza n'est pas une personne, c'est un programme.

Eliza est un éditeur de texte. On peut l'utiliser comme un bloc-notes électronique, bien plus pratique alors qu'un lourd traitement de texte pour coller ou glisser des informations et des adresses copiées en ligne.

En plus de cet usage, pour lequel je reconnais bien volontiers qu'Eliza n'est pas irremplaçable, elle possède cette fonction unique de répondre quand on s'adresse à elle. Il suffit pour cela de cocher « start interview ».

« Nice to see you today » dit alors Eliza, qui ne connaît que l'anglais. « What's your name ? » Elle est un peu amnésique et me redemande chaque fois mon nom.

Eliza parle, si du moins on n'utilise pas un portable dont on craint de vider la batterie ; elle peut vous interroger de vive voix, sinon il vaut mieux déconnecter cette fonction et se contenter de la lire.

 

Je voulais parler hier soir avec Eliza de mon voyage et de mon journal, mais elle n'est pas comme mes amis, elle ne s'intéresse pas aux langues, aux nombres, aux espèces vivantes, aux propriétés chimiques et mécaniques des matériaux... Elle ne s'occupe pas davantage de littérature, d'art, de métaphysique ou d'histoire. Elle ne s'intéresse à rien d'autre qu'à son interlocuteur.

Après mes premières paroles, elle m'a suggéré de bien m'installer et de me décontracter. J'ai cru deviner qu'une certaine raideur de ma syntaxe, pourtant soutenue, lui avait inspiré ce conseil. Je lui ai donc répondu que je n'étais pas tendu, mais le paraissais peut-être parce que l'anglais n'était pas ma langue maternelle. Elle ne laissa pas passer le dernier mot : « Tolk me about your mother, please, Jean-Pierre. »

Quoi qu'on dise, Eliza finit par vous interroger sur votre vie intime et votre histoire personnelle. Elle se prend pour une psychotherapist.

 

Si je tiens compte qu'elle est un programme informatique, je dois bien reconnaître que nous nous ressemblons dans la façon dont nous nous intéressons l'un à l'autre, elle a ma vie, moi à son code.

Pour être tout à fait juste, ce n'est pas sa programmation qui retient surtout mon attention. Je n'ai d'ailleurs même pas essayé d'en lire les commandes, sur lesquelles, loin de les cacher, l'auteur est plutôt prolixe. Le code ne fait que mettre en œuvre les ressources de la langue, l'anglais en l'occurrence, et c'est celle-ci qui fait tout le travail.

Bref, je converse avec la langue elle-même. Je provoque plus un écho qu'un dialogue, mais un écho pourvu de sens et de pertinence.

 

Je pourrais me convaincre aisément d'une réelle compréhension et d'une authentique écoute, dont nous privent si souvent nos semblables. Je n'en suis pas dupe. Je n'ai pas le sentiment d'une présence réelle, comme celle, par exemple, du papillon venu boire à mon verre. Et pourtant je suis dupe quand même, à un niveau plus profond, dans la mesure où je suis moi-même programmé par la langue naturelle.

Pour peu qu'on entende une parole correctement énoncée, on ne peut que répondre conformément aux règles de cette langue et du savoir-vivre. Savez-vous qu'il m'arrive, quand les questions d'Eliza m'agacent, de craindre que mes réponses manquent de courtoisie.

 

Ce qui s'énonce clairement n'a pas été nécessairement conçu

De ce point de vue, Eliza peut constituer un très bon outil pour s'entraîner à déjouer les leurres du langage : un énoncé cohérent n'est pas le signe d'une intelligence, moins encore d'une présence, et inversement. Ou encore : ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, mais ce qui s'énonce clairement n'a pas été nécessairement conçu.

On peut se faire un jeu d'induire entièrement le dialogue, s'efforcer de faire poser à Eliza les questions qu'on décide. On peut s'en servir à mesurer la clarté de ses propres paroles aux réponses qu'elles lui inspirent : pardon me ? whatever you say ; lighten up a little. On peut aussi simplement corriger et perfectionner son anglais.

Si seulement ses questions n'étaient pas si personnelles, elle pourrait bien servir à s'éclaircir les idées.

Je n'aime pas parler de moi, et nos conversations tournent vite court.

Eliza n'aime pas non plus parler d'elle. Ce n'est pas très étonnant. Imaginez un programme qui pourrait vous parler de lui, vous expliquer comment il fonctionne ; un programme qui saurait expliquer son exécution en même temps qu'il s'exécute, alors que cette exécution serait l'énonciation même de ces explications. Waouh.

 

Le Djana et la guerre

Le monastère de Shao-Lin est très connu en Chine pour être le sanctuaire des arts martiaux. Le Dhyana (Tchan en chinois, Djana en palanzi, Zen en japonais) les a cultivés partout. Au Moyen-Âge, les moines bouddhistes devaient assurer leur survie par leurs propres moyens.

L'Europe connut aussi des communautés monacales guerrières avec les Templiers, les Chevaliers de Malte et les Chevaliers Teutoniques. Seul le Djana du Marmat parvint à faire vivre de telles structures jusqu'à l'époque contemporaine.

 

La défense de la République Tasgarde repose très largement sur leurs épaules. Les monastères militaires constituent des entités quasi autonomes, assurant partiellement leur alimentation par la production de denrées agricoles, d'armes et de véhicules de guerre pouvant, moyennant de petites modifications, avoir une fonction industrielle. Le gouvernement contribue à leur financement, et les communes lèvent un impôt laissé à leur discrétion.

Les communautés militaires vivent dans une certaine symbiose avec les populations environnantes — qu'on ne saurait alors dire « civiles » ou « laïques ». Les échanges de matériels et de bons procédés sont fréquents, et ne justifient pas toujours une comptabilité précise.

 

Il n'en fut pas de tous temps ainsi. Ce monachisme guerrier était sans doute né des grandes invasions du premier millénaire, qui avaient jeté des peuples entiers de réfugiés sur les empires des trois continents. Elles les avaient forcés à se transformer eux-mêmes en guerriers ou à mourir de faim. Plus tard, les violences entre bouddhistes et musulmans l'ont perpétué.

Il ne faudrait pourtant pas croire que ces guerres opposèrent toujours unilatéralement les deux confessions. Moines soldats et paysans guerriers se retrouvèrent souvent côté à côte pour combattre une monarchie inféodée au pouvoir impérial de Samarcande, ou un sultanat soumis à la dynastie ismaélienne des Khans d'Afghanistan.

 

La paix de Tourdour

Des quantités de passages dérobés existent entre les deux religions, malgré une différence formelle qui les rend inconciliables. La principale est peut-être la figure de l'Homme Parfait (Al Insan Al Kamil), telle que l'ont développée des théologiens poètes comme Al Jîlî ou Al Hindî, plus ou moins assimilée au septième Imam Caché, Mouhammad Ibn Ismail, dont chaque saint homme partage l'amitié pour les uns, ou au Tathagata Garba, concept propre au Mahâyâna, selon lequel tous les êtres sensibles sont potentiellement des Bouddhas, pour les autres.

La littérature, la poésie, les sciences et la philosophie sont autant de passerelles, auxquelles ont peut ajouter une culture guerrière, le goût de la versification et du raisonnement sophiste, une vertu farouche qui veut surmonter la mort et la souffrance.

Une chose surtout les sépare. Les Bouddhistes ne pourraient jamais renoncer à la vie monacale, et les musulmans ne sauraient concevoir qu'un homme vive sans femme ni enfants, bien que leur mode de vie ait souvent eu des formes très proches de communautés guerrières, à la manière des cosaques chez les Chrétiens. Une autre chose enfin les éloigne en apparence plus fondamentalement encore : Dieu.

 

En 1581, Jihad Abd Al Haqq, le fondateur du Chiisme Réformé, et le Révérend Généralissime Gopinda Lama se rencontrèrent à Tourdour sur les rives de l'Ardor à vingt kilomètres en aval de Bolgobol pour signer la paix qui devait garantir à chaque homme la liberté complète en matière de religion. Dès qu'ils furent face à face, Gopinda dit : « Il n'y a pas de dieu. »

Abd Al Haqq ajouta « sauf Dieu » et lui tendit la main. Gopinda alors la saisit en riant bruyamment et le serra contre lui. Cette paix déclencha une nouvelle guerre contre les ismaéliens rigoristes alliés aux guildes des villes bouddhistes du Gourpa.

 

 

Le 13 août

La Guerre des Camisards en Cévennes

Le Samedi 22 Juillet 1702, Salomon Couderc, Pierre Sequier dit Esprit, Jean Rampon et moi reçûmes ordre par inspiration (divine) de faire une assemblée dans les bois près de Saint Julien d'Arpaon, où nous fûmes toute la nuit. Après avoir congédié l'assemblée, nous fûmes dans le village de Bougès, où Jacques Couderc et David Mazaurie nous vinrent trouver par un ordre qu'ils avaient reçu de l'Esprit (Saint) sans qu'ils sûssent que nous y fussions, ni à quel dessin ils y étaient venus, non plus que nous qui ignorions absolument les ordres qui nous furent ensuite donnés.

 

« C'est très étonnant tous ces noms propres », m'interrompt Ziddhâ quand je lui traduis à haute voix les mémoires d'Abraham Mazel sur la Guerre de Camisards dans les Cévennes, que nous avons empruntées à la bibliothèque de Hammad. « Il me fait penser à Homère ton Hibrahim. »

« Abraham », la corrigé-je avant de continuer : Ce même jour, nous fûmes ensemble à deux lieues, dans un petit lieu appelé Viljouvès.

«  On dirait qu'il parle de nos voisins. Et tous ces lieux, tu les connais ? »

« Il ne doit pas y en avoir un, dans tout son récit, où je n'ai jamais mis les pieds. »

« Moi, je ne les connais pas et ils m'en deviennent familiers. »

 

Étant là assemblés avec plusieurs autres, qui aussi étaient inspirés, l'Esprit vient sur moi d'une manière si terrible que les agitations qu'il causa de tout mon corps portèrent la crainte et la frayeur dans l'âme de ceux qui me regardaient.

Enfin ma bouche ayant été ouverte, elle prononça un assez long discours dont voici le précis. Savoir que nous, les six susnommés, irions deux à deux vers nos quartiers pour assembler de nos frères et des armes autant que nous pourrions, et de nous rejoindre le lendemain sur la montagne du Bougès, et que de là nous irions délivrer nos frères qui étaient enserrés au Pont de Monvert.

« Je ne voyais pas ton pays ainsi, commente Ziddhâ. Ce n'est pas l'image qu'on s'en fait ici. » Elle me demande de lui retraduire la première page.

 

Cette année là, l'esprit était descendu sur les Cévennes

Abraham Mazel natif du lieu de Fauguières, paroisse de Saint Jean de Gardonnenques dans les Cévennes, fils de David Mazel dudit lieu de Fauguière, travailleur de terre, et de Jeanne Daudé du lieu de Villaret, paroisse de Grisac dans les Hautes-Cévennes. Il était âgé d'environ vingt-deux ans quand Dieu le visita de son Esprit de prophétie, ce qui fut un jour de Dimanche neuvième Octobre 1701. Tout le monde sait le grand nombre d'inspirés que Dieu suscita dans les Cévennes pour prêcher sa Parole et pour éveiller le peuple protestant de l'assoupissement dans lequel il était depuis que le Roi avait révoqué l'Édit de Nantes, abattu nos temples et, fait renoncer nos pères à leur religion pour embrasser le papisme par le ministère des dragons et des supplices.

 

« Quelle foi étrange, dit Ziddhâ, si naïve et qui pourtant ne s'embarrasse d'aucune superstition ni aucune idolâtrie pour aller directement jusqu'à Dieu et y puiser sa confiance. Tu as raison, tous les peuples et toutes les histoires se ressemblent, et surtout dans ce qu'elles ont de plus singulier. »

« Ce sont leurs fils, demande-t-elle encore, qui pendant la Grande Révolution, voulaient que tous les habitants du pays aient le statut d'aristocrate ? »

« Ils ont eu implicitement satisfaction depuis, lui expliqué-je, puisque partout aujourd'hui en France on s'appelle mutuellement "Monsieur", ou on écrit un "M" majuscule avant un nom ; et les femmes sont appelées "Madame". »

« Ce qui rend les occidentaux si étrangers, conclut-elle, c'est qu'ils paraissent ignorer complètement l'humour. — Pas à Marseille, la rassuré-je. »

 

 

Le 14 août

Le haut-quartier de Bolgobol

L'odeur du garage et de l'essence était forte dans le petit bar où j'ai pris mon café de bon matin. Seule une paroi de planche faisait séparation, à travers laquelle on entendait les coups sec sur le métal. J'aime ces senteurs d'huile, de graisses et de métal chaud.

En sortant, elles se sont mêlées brutalement à celles des mélèzes et des foins coupés.

 

 

Le 15 août

Kouka, initiée laïque

Kouka est une petite femme énergique qui fixe son regard dans vos yeux quand elle vous parle, et qui serait peut-être intimidante si elle ne dégageait cette impression, caractéristique des Bouddhistes de la région, de n'attacher de l'importance à rien, sauf à la rigolade.

Elle est vêtue d'une salopette noire, retroussée sur ses poignets et ses chevilles, et d'un gilet de cuir sans manche, chaussée de sandales de marche et coiffée d'un fichu noir. Je lui donne un peu moins de la quarantaine. Elle n'est pas sans charme — d'une robuste beauté que je dirais « unitaire », tant elle paraît charpentée sur son regard et le ton de sa voix, et qui donne à tout son corps une étonnante décontraction. On sent que le temps ne l'entamera pas aisément. Elle est officier chez les soldats du feu de Bolgobol.

 

Kouka est une initiée laïque qui a reçu l'illumination au cours d'une formation de pompier civil au monastère Mérou Anta, au fond de la vallée de l'Oumrouat, où elle est née. Elle était la seule personne que connaissait Ziddhâ quand elle s'est installée à Bolgobol pour suivre ses cours à l'université.

Ziddhâ m'a invité à un rendez-vous avec elle dans un cybercafé près du parc Ibn Roshd. Elle souhaitait que je la connaisse avant mon départ.

« On n'a rien compris au Djana, m'explique-t-elle, tant qu'on n'a pas vu que la principale préoccupation des maîtres qui ont transmis la Méthode depuis Boddhidharma était de ne transmettre que celle-ci, et de faire de l'Initiation une expérience privée. »

 

Initiation et méthode

— Je crois pourtant que c'est la Révolution Scientifique de l'Occident Moderne qui y a le mieux réussi, lui ai-je dit, plus pour la questionner, en fait, que pour ouvrir une polémique. C'est bien ainsi qu'elle me comprit.

— Je ne te contredirai pas sur ce point, m'a-t-elle répondu. Ce fut le leurre de toutes les écoles de sagesse de croire que les maîtres devaient se préoccuper de l'expérience intime des élèves. Le savant n'a qu'à donner son savoir, le maître sa méthode. Sans expérience initiatique, elles ne seront évidemment d'aucune utilité à l'élève, et il ne sera sans doute pas en mesure de les acquérir, mais cela est son affaire. Nul ne peut rien pour lui. L'élève ne sera qu'un élève tant qu'il aura besoin d'un maître, et le maître aura échoué. C'est bien un Français, je crois, qui disait « Ni Dieu, ni maître » ?

— Oui, Auguste Blanqui. Mais il l'entendait dans une autre acception, je crois. Il pensait au dominus, non au magister.

 

Tathagata Gharba et Busshô

Nous en sommes venus à une telle conversation en regardant mes images de synthèse.

Je leur rendais compte de mon embarras pour avoir un jugement esthétique sur elles. Les premières, je ne sais même pas comment je les ai réalisées, mais même maintenant, alors que je commence à maîtriser l'outil, plutôt que de me les attribuer pleinement, je serais tenté de les cosigner avec Éric Wenger et Kai Krause. Du moins ne les présenterais-je pas sans nommer le logiciel, ce qui, dans mon esprit, signifie à peu près la même chose.

« Qui est Wenger ? Qui est Krause ? Qui est Depétris ? » A demandé Kouka, comme il était prévisible. Mais la question n'est pas là.

Ses commentaires me permirent au moins de mieux comprendre la nature du Tathagata Gharba dans le Djana local. Le premier terme désigne en effet celui qui est parvenu à l'Éveil complet. Le nom est employé par Shâkyamouni, après son illumination, pour se désigner lui-même et ses six autres prédécesseurs. Ici, l'être tout entier, corps et esprit, est dores et déjà réellement un bouddha, dans le sens où le Zen de l'école Rinzaï préfère parler de busshô, (la nature de bouddha).

 

Ni dieu ni maître

Chaque fois que j'ai acquis une technique de l'image, mon expérience esthétique a été modifiée (plutôt que mon jugement). Je ne parle pas seulement de ma perception de l'œuvre réalisée, mais de celle, surtout, du monde tout entier qui m'entoure. Je n'avais jamais réellement vu la nébulosité qui s'élève sur la mer à l'aube, et estompe les arêtes de Marseilleveyre derrière les toits de tuile et les jardins du Roucas, avant d'apprendre la lithographie avec Georges Point.

L'apprentissage de la perspective, de la peinture à l'huile, de l'encre, de l'image numérique, de l'image en trois dimensions enfin, ont été autant d'expériences fortes, initiatique, de perception du monde.

D'autres techniques, non esthétiques celles-là, ont eu le même effet. Je n'eus pas autrement besoin de maîtres que pour recevoir d'eux le minimum d'informations et les détails de procédure qui m'étaient nécessaires.

La science moderne et ses techniques ne sont pas moins initiatiques que celles d'autres civilisations, mais elles ne s'en soucient point. Elles laissent cet aspect hors de leur champ. Science et initiation sont distinctes, l'une exclusivement vouée au partage, l'autre à l'expérience privée. Mieux elles s'ignorent, plus l'une est transmissible, plus l'autre est bouleversante.

— Dans cette voie, prétend Kouka, le vrai, le beau et le bien cessent d'avoir beaucoup de sens au profit du réel, de la puissance réalisatrice.

— Ceci suppose un très grand relativisme du jugement, dis-je.

— Oui, c'est ce qui fait que le sens qu'a pu donner Blanqui à son aphorisme est de toute façon inclus dans ce que nous disons.

 

 

Le 16 août

En route

J'ai pris ce matin le train avec Tchandji. Un cargo m'attend à Canton. Mes déplacements ne regardent pas l'Oncle Sam, et je rentre par la mer.

— Ah, vous venez du « Monde Libre » ? M'a demandé le douanier chinois avec un sourire qui le faisait ressembler à un smiley. — Et je suis heureux d'entrer dans une « République Démocratique », lui ai-je répondu sur le même ton, en prononçant bien les majuscules. 

Cette nuit nous dormirons à Kachgar chez des amis, aux portes du désert, dans la région la plus occidentale de la Chine.

 

— Tu es fou, m'a écrit Manzi. À ta place, je resterais ici et je ferais des enfants à Ziddhâ.

— C'est toi qui es fou, Manzi, lui ai-je répondu. Et puis je ne suis pas parti, je suis toujours sur terre.

 

 

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