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© 2002, Jean-Pierre Depétris
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Jean-Pierre Depétris






Traité de l’innombrable Un








1. De l’unité

    « Le nombre est une somme d’unités » ; voilà ce que tu as déjà dû entendre.
    « Un est le premier nombre. »
    « En lui ajoutant un, tu obtiens deux. Puis trois, et cela sans fin. »
    L’unité serait-elle le secret du nombre ?


1.1. Des nombres et du langage

    La grammaire appelle les nombres des « adjectifs numéraux ». Doit-on entendre par là qu’ils désignent une propriété ?
    Si ‘un’ est le premier nombre, ‘un’ désignerait-il une propriété ? Pourtant la grammaire ne le dit pas adjectif, mais article.
    « Les deux arbres », « les dix hommes », « les sept points »... Voilà l’usage d’adjectifs numéraux. Un n’a manifestement pas le même usage.


1.2. De la suite des nombres

    « Si à un tu ajoutes un, tu obtiens deux », as-tu entendu dire.
    Sans doute serais-tu embarrassé si je te demandais des preuves.

    « On appelle deux l’addition de un et un », pourrais-tu me répondre.
    Je te demanderais alors si tu as appris ainsi les noms de tous les nombres, et de toutes les opérations dont ils peuvent faire l’objet.


1.3. De l’unique et du multiple

    Si le nombre est une propriété, serait-elle celle de l’unique ?
    Cela sonne comme un paradoxe, puisque le nombre semble d’abord être l’opposé de l’unique. Or le contraire de l’unique est le multiple. Le nombre serait-il un attribut du multiple ?

    Si l’unité est un nombre, n’est-il pas alors paradoxal qu’elle soit un attribut de son contraire ?


1.3.1. De la partie et du tout

   Il est vrai que bien souvent le rapport d’une chose à son contraire est celui d’une partie au tout. Ainsi en est-il du faux et du vrai, du fictif et du réel, du mensonge et de la sincérité.
    Mais si tu comprends clairement le sens des mots, tu vois que, si le fictif peut être un moment du réel, le réel ne saurait être un moment du fictif, et cela de toute évidence.


1.4. De l’addition

    « 1 + 1 = 2 ».
    Qu’est-ce qui te trouble quand tu dois le démontrer ?
    Sans doute te trompes-tu en interrogeant l’égalité. Celle-ci t’égare. Elle te fait oublier « plus un ».
   
    Dis « n’importe quel nombre plus un est égale à ce même nombre plus un ».
    n + 1 = n + 1
    Ce n’est plus l'égalité ici qui fait mystère, mais « +1 ».


1.5. De ce que multiple s’oppose à unique

    L’unique a pour opposé le multiple. Et le multiple s’oppose à l’unique en ce qu’il est multiple, c’est à dire nombre.
   
    Il ne saurait y avoir un seul contraire à l’unique, mais plusieurs. Et le multiple est bien plutôt une propriété de ceux-là, des nombres, que l’inverse.


2. Des nombres

    Si tu tentes de produire le nombre par une addition d’unités, tu tombes dans le même paradoxe qu’en cherchant à définir la ligne à partir d’une suite de points.
    Si tu dis que le point n’a aucune dimension, quel saut qualitatif invoqueras-tu pour dire qu’un ensemble de points en produirait une ?
    Ou encore : comment peux-tu mettre des points côte à côte, puisqu’ils n’ont pas de côté ?
   
    N’est-il pas plus simple et plus évident de dire qu’une ligne est ce qui relie deux points ?


2.1. De ce que le nombre est division de l’unité

    Rien ne t’empêche de dire que l’unité est un rapport du nombre à lui-même.
    1 = 1 / 1 = 2 / 2 = ... = n / n
    Si tu le dis, que me répondras-tu quand je te demanderai alors ce qu’est le nombre ? Tu ne pourras me répondre que ceci :
    Le nombre est une division de l’unité.


2.1.1. De l’opération

    Tu pourras m’objecter qu’en posant « 1 = 2 / 2 », je ne fais pas une réelle opération ; une opération du même genre que « 1 + 1 = 2 ».
   
    Qu’y vois-tu de différent ?
    Inverse le sens de l’égalité pour mieux en juger :
    2 = 1 + 1
    et :
    2 / 2 = 1
   
    Si « 1 = 2 / 2 » ne te semble pas une opération, pourquoi « 1 + 1 = 2 » t’en semblerait-elle une ?


2.1.2. De l’inférence

    Tu as une bûchette. Tu en ajoutes une. Et tu en as deux.
    C’est ainsi que tu as appris à compter.
    Mais où as-tu pris ta bûchette ? Ne l’avais-tu pas déjà avec toi ? Tu me sembles n’avoir rien fait d’autre qu’appeler « deux » « un plus un », et appeler « un plus un » « deux ».
   
    Tu as appris à compter avec des bûchettes. Cette bûchette que tu ajoutes, tu appelles cela « inférence ».
    Pourquoi n’aurais-tu pas appris à compter avec un couteau ?
    Je prends un melon et je le coupe en deux :
    1 = 1 / 2 + 1 / 2
    Ne serait-ce pas une inférence ?


2.2. De l’arithmétique

    Tu pensais effectuer quelque chose en disant que tu ajoutais une bûchette qu’en réalité tu avais déjà.
    En cassant ta bûchette en deux, tu effectues une opération. Et pourtant tu n’ajoutes ni n’enlèves rien.
    C’est ainsi que commence l’arithmétique.


3. De la division

    En procédant ainsi tu produis le nombre à partir de l’unité.
    Cette unité est en principe infiniment sécable. Elle est cependant entièrement finie.

    Ainsi une semaine contient sept jours. Un jour contient vingt-quatre heures, et une heure soixante minutes.

    Les fractions de l’unité sont à la fois égales et ordonnées. C’est la raison pour laquelle les adjectifs numéraux sont de deux sortes : les cardinaux et les ordinaux.
    Ainsi la vingtième heure n’est qu’une heure identique à une autre, et un vingt-quatrième de jour.


3.1 De ce que l’ensemble est principe des parties

    Le concept d’unité t’induit en erreur.
    L’unité est-elle l’ensemble ou la plus petite fraction de l’ensemble ?

    Demande-toi comment tu pourrais avoir la fraction sans avoir d’abord la totalité.

    Si tu faisais des années de dix mois, tu ferais des mois plus longs mais non des années plus courtes. Et si tu voulais faire des journées de vingt-cinq heures, tu ferais des heures plus courtes, et non des journées plus longues.


3.2. De ce que l’unité contient les nombres

    L’unité que tu supposais à la source des nombres n’est pas celle que tu croyais. Cela t’autorise-t-il à prétendre que le nombre soit la source de l’unité ?
    Dis seulement que l’unité contient les nombres. Et non que le nombre est composé d’unités.


3.3. Des divisions

    Deux est aisé à concevoir. Deux sont toutes les choses qui vont par paire ; et tu sais bien qu’il ne suffit pas de deux ciseaux pour faire une paire de ciseaux.
    Quatre sont les pieds des bêtes et des meubles. Et un petit enfant comprendra vite quatre. Plus rares sont les choses qui vont par trois.
    Cinq sont les doigts de la main... Tu te doutes qu’on ne va pas ainsi jusqu’à l’infini.

    Trois cents soixante-quatre sont les jours de l’année. De là on a pris la coutume de diviser le cercle en trois cents soixante degrés. Il sera bien rare que l’on aille au-delà dans la division de l’unité.


3.3.1. Des puissances de deux

    Généralement, pour compter, on se contente de diviser l’unité en huit, en dix, en douze ; quelquefois en seize, en vingt-quatre ou en trente-deux.

    En coupant en deux l’unité, puis successivement ses parties, tu obtiens deux, puis quatre, puis huit, puis seize — observe que précisément à partir de seize nos nombres ont des noms composés — , puis trente-deux.
    Ce système offre de grands avantages.


3.3.2. Du système duodécimal et décimal

    Douze permet une grande variété de divisions :
    Un par deux et six — un par six et par deux — par trois et par quatre — par quatre et par trois — par deux, par deux et par trois — par deux, par trois et par deux — par trois, par deux et par deux.

    Soit sept séries, alors que le système décimal n’en offre que deux.


4. De zéro et de l’infini

    Tu vois les nombres se suivre un par un avec une remarquable évidence. Intuitivement tu perçois l’infini dans cette suite ; et cela t’égare, car tu oublies que l’infini est un attribut de l’unique.
    Or tu sais que l’unique est parfait. C’est à dire fini.

    Retiens alors que le fini enveloppe l’infini comme l’unique enveloppe le multiple.


4.1. De ce que le nombrable ne saurait être innombrable

   
    L’infini est une propriété de l’unique. Cela n’autorise pas à dire : « 1 = ∞ ».
    Tu ne peux pas davantage dire de plein droit que les nombres soient infinis. Ce qui est nombrable ne saurait en même temps être innombrable.

    L’infini ne s’attribue qu’à l’unité indivise, qui exclut toute comparaison et toute égalité.


4.2. Des limites

    Lorsque tu dis que l’unité est sécable à l’infini, tu définis un ensemble qui va de « 1 » à « 1/∞ ». Or définir est marquer une fin. Comment l’infini pourrait-il en être une ?

    Lorsque tu dis que l’unique est infiniment sécable, cela ne veut-il pas dire : « 1 = ∞/∞ » ?
    Dans ce cas il faudrait admettre que « ∞=∞ ». Ce qui supposerait que l’infini soit fini.

    Ta définition se heurte à la fois à une absurdité intrinsèque et à une absurdité extrinsèque.


4.2.1. De zéro

    Lorsque tu dis que l’unité est infiniment sécable, pourquoi ne définirais-tu pas cet ensemble par un et par zéro ? Tu vois que ton ensemble infini a alors des limites.

    Mais comment peux-tu prétendre obtenir zéro par division de l’unité ? Quelle que soit l’infime petitesse de la fraction que tu obtiendras, tu pourras la diviser encore avant d’atteindre zéro.
    Tu ne peux donc accepter zéro comme limite inférieure de ton ensemble.


4.2.2. De rien

    Tu te voyais sur le point de percer le mystère de l’unique et du multiple. Tu commençais à percevoir la signification de « premier » et de « principe ». Et te voilà dérangé par le néant.
    Zéro, le vide, le « rien » a ceci d’insaisissable que dire qu’il n’existe pas est encore l’affirmer. Et si tu intervertis les consonnes de « rien » tu lis « nier ».


4.2.3. De l’annulation

    Comment conçois-tu zéro ? Comment conçois-tu le vide ?
    Lorsque tu dis qu’une pièce est vide, tu peux entendre que personne ne l’occupe. Tu peux entendre aussi qu’elle ne contient aucun meuble ; ou encore qu’elle est vide d’air.
    La notion de vide est alors relative à ce que tu considères comme son contraire. C’est ainsi que tu dois comprendre la définition de zéro : zéro est égal au nombre auquel tu ajoutes sa valeur négative.
    0 = nn

    Tout nombre auquel tu ajoutes sa valeur négative est égal à zéro.


4.3. Du nul et du négatif

    Ne confonds pas vide et absence. Le vide n’est que l’addition de la présence et de l’absence.
    On les confond bien souvent.


4.3.1. Images de ce qui précède

    Si tu plonges un récipient étanche dans l’eau, il demeure vide relativement à l’eau qui l’environne.
    Plus il s’enfoncera, plus la pression s’accroîtra contre ses parois. Le sens de la pression sera en direction inverse de part et d’autre de celles-ci. Et tu as là une image de ce que sont la valeur négative et la valeur positive.
    À un certain moment la pression écrasera le récipient. Et tu as là une image de l’addition de la valeur positive et de la valeur négative.
    Il n’y aura plus alors de vide. Le récipient sera écrasé. Il n’y aura plus davantage de pression.


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