index Jean-Pierre Depétris

Rapport sur
l'édition en ligne

 

 

 

 

 

 

Introduction

 

C'est l'édition de textes en ligne, et même plus précisément de livres qui nous intéresse ici. En 2006, elle est encore à un stade expérimental, avec de grandes différences selon les régions du monde. Ses rapports avec l'imprimerie sont confus. La complémentarité de la version numérique et de celle imprimée du même livre est pourtant inévitable et nécessaire, même si l'on tend quelquefois à les opposer

 

 


 

1. Les avantage de l'édition en ligne

 

L'édition en ligne est devenue le moyen le plus simple, le plus économique et le plus efficace d'éditer et de publier un livre — et, plus généralement, tout travail intellectuel.

Déjà à l'état d'ébauche mal dégrossie, de brouillon, l'ouvrage peut être édité et proposé à la vérification, la correction et la critique d'un comité de rédaction plus ou moins spontané. Les portes de ce comité de lecture peuvent être fermées par un mot de passe, largement ouvertes, ou entrebâillées. Tout est possible.

Supposé achevé, l'ouvrage peut encore être corrigé, complété. Il suffit de numéroter les versions. Il est à tout moment immédiatement diffusable sans frais, sans autre peine que la conversion du fichier de travail en un format public.

 

Malheureusement, cette solution n'est pas si avantageuse pour la simple lecture. On peut souffrir de lire à l'écran, et si l'on doit imprimer, il en coûtera l'encre, le papier, beaucoup de temps perdu et la difficulté de relier les pages et de ranger l'ouvrage, généralement dans un format A4, au sein de sa bibliothèque. À la fallacieuse gratuité du livre en ligne, on aurait de bonnes raisons pour préférer son achat tout imprimé.

Le livre numérique a pourtant de réels avantages : il permet la recherche à partir de chaque nom, de chaque mot. Il permet d'accéder immédiatement aux liens internes et externes. Il permet aussi la copie de citations et de larges extraits. Il permet enfin à quiconque le cite, le critique ou s'y réfère, de le rendre immédiatement accessible par un lien. L'idéal est bien sur d'avoir les deux : l'ouvrage numérisé à portée de doigts, et imprimé à portée de paume. Pourtant, contraint de choisir, le livre numérique, toujours imprimable, serait préférable au livre imprimé, et problématiquement numérisable.

 

 


 

2. Les risques à y renoncer

 

On doit se rendre à l'évidence : il n'y a plus aujourd'hui de « manuscrits » ni de « tirages originaux ». Il n'y a plus que des éditions numériques, sauf à appeler « manuscrit » un tirage corrigé à la main par l'auteur, et « édition originale » le premier tirage mis en vente.

Tout ouvrage imprimé, que ce soit publiquement ou en tirage privé à l'unité, est l'impression d'une édition numérique. Il n'y a donc plus de raisons sérieuses et avouable pour que cette édition numérique ne soit pas accessible au lecteur.

Le livre numérique, en devenant plus important que son tirage sur papier, ne rend pas ce dernier inutile pour autant. Les progrès des ordinateurs portables, la communication sans fil, l'éditabilité des formats publics, ne sont certainement pas près de rendre inutile l'impression, même s'ils la rendent moins incontournable.

 

Édition numérique et tirage papier sont devenus complémentaires, inséparables, et certainement pas concurrents.

Ceux qui publient en ligne ne nient jamais l'importance du livre imprimé. Leurs ouvrages le sont d'ailleurs bien souvent. Quand ce n'est pas le cas, ils conviennent toujours qu'ils le souhaiteraient pourtant.

Ce sont plutôt parmi ceux qui publient des livres imprimées, auteurs ou éditeurs, qu'on trouve un refus de l'édition en ligne. Ils veulent pourtant faire de l'internet un outil de promotion et de vente. Au-delà, ils nourrissent la méfiance, l'hostilité et même le mépris envers l'édition en ligne.

 

Le commerce du livre imprimé a bien été pendant des siècles le moyen le plus simple, le plus économique et le plus efficace de diffuser le texte. Il l'est encore ou il ne l'est plus. Il ne sert à rien de tergiverser. S'il ne l'est plus, le seul prétexte de ne pas éditer en ligne est de forcer l'achat du livre imprimé.

Ce prétexte est précisément un aveu de défaite. La vente du livre n'est plus alors le moyen de diffuser l'ouvrage ; le but de l'édition n'est plus d'offrir le meilleur moyen de la lecture publique. C'est le contraire : l'édition devient le moyen de faire des ventes. Le marché du livre n'est plus le moyen de produire et de transmettre les connaissances et les idées ; il en est devenu le but. Chacun peut imaginer alors ce que seraient appelées à devenir la production et la transmission des connaissances et des idées.

 

 


 

3. Les solutions

 

L'édition numérique a toujours besoin du livre imprimé (et pourquoi pas même d'un marché du livre ?)

Cela pourrait se faire de trois façons qui ne seraient pas forcément en opposition :

La première pourrait continuer à être le recours à l'édition traditionnelle, lui ménageant des contrats d'exclusivité qui ne remettraient pas en cause l'édition en source libre. Les Éditions de l'Éclat l'ont bien compris avec le Lyber.

La seconde pourrait passer par un tirage à la demande du lecteur, auprès d'un imprimeur qui répondrait à la commande en ligne après avoir passé contrat avec l'éditeur du document numérique prêt pour l'impression.

La troisième pourrait être la commande de tirages privés à un imprimeur, qui imprimerait et livrerait le document à la seule demande du lecteur.

 

L'édition traditionnelle est la meilleure solution quand elle est possible. Elle permet notamment de rendre accessibles des ouvrages par d'autres moyens que le net. Pour cela, elle doit pouvoir compter sur un nombre suffisant de ventes. Elle commence à ne plus l'être pour des ouvrages trop spécialisés, visant un public trop ciblé, ou, au contraire trop difficile à cibler.

Elle ne l'est plus davantage pour des travaux à longue durée de vie. Le stockage représente aujourd'hui la plus grande part du prix du livre, et les invendus sont toujours plus rapidement pilonnés. À l'encontre des idées reçues, l'internet assure mieux la longévité de l'œuvre.

Cette solution supposerait des contrats d'édition qui ne soient pas contradictoires avec la mise en ligne.

 

Le tirage à la demande est une solution qui a certainement de l'avenir. Elle n'existe absolument pas en France pour le moment. Ce qu'on appelle ainsi n'est qu'un tirage à la demande... de l'auteur, c'est à dire une micro-auto-édition, et non un tirage à la demande du lecteur, bien sûr.

Il permet de commander en ligne un livre tout imprimé à partir du site où il est édité, de sites miroirs, ou d'autres qui le mentionnent. L'imprimeur tire et envoie l'ouvrage à l'unité, lié par contrat à l'éditeur ou à l'auteur, ou bien en s'en faisant l'éditeur lui-même. Le moyen assure à l'auteur et à l'éditeur une part des ventes, et il garantit au lecteur d'avoir une impression de qualité suffisante, approuvée par l'auteur.

Cette solution supposerait encore un contrat clair garantissant l'intérêt de toutes les parties, et l'édition en source libre.

 

La troisième solution n'est qu'un pis-aller, un moyen terme entre le tirage à la demande (du lecteur) et le tirage sur son imprimante personnelle.

Un imprimeur ou un copy-center peut tirer à l'unité un document sur support numérique, et le relier ou le brocher de façon plus satisfaisante et pour un coût peut-être moindre qu'un particulier. Une telle solution pourrait aisément se gérer en ligne.

Naturellement, elle est moins bonne que les précédentes. L'auteur ni l'éditeur n'y gagnent rien. Ce n'est qu'une copie privée d'un document libre. Le lecteur n'est pas gagnant non plus, puisque rien ne lui garantit que le tirage soit bien conforme à l'édition originale, ni davantage qu'il lui revienne moins cher.

 

Il est pourtant évident que la dernière solution est celle qui l'emportera d'abord, et peut-être seulement plus tard elle entraînera les autres. Pour l'instant, le principal outil de l'édition en lignes reste l'imprimante personnelle, ou, déjà, celle du cyber café. Il existe là de nombreuses possibilités commerciales en friche.

 

 


 

4. Les résistances

 

Malgré la diversité des intentions possibles, il n'y a que trois façons de dénier la complémentarité de l'édition en ligne et du livre imprimé. La première consiste tout simplement à les opposer, la seconde à considérer que l'internet est voué au multimédia, et la troisième enfin à substituer les blogs et les forums à l'édition en ligne.

Ces trois attitudes parviennent à se combiner et se renforcer avec une intelligence ou une bonne-foi variable. Elles sont largement inspirées par les publicités des grands groupes.

 

L'opposition du marché du livre et de l'édition en ligne peut être regardée comme une version édulcorée de la menace que ferait peser sur l'industrie du disque la musique en ligne. Naturellement, les mêmes arguments ne tiennent plus. Le piratage des livres en pair à pair n'est pas très crédible, sous quelque forme que ce soit.

Une telle opposition s'appuie alors sur une fétichisation de l'objet livre, du livre marchandise. Ce serait la seule forme sous laquelle un livre existerait, circulerait et pourrait être lu, ce qui se dément tous les jours. Le livre n'aurait donc rien à faire sur le net, si ce n'est y être présenté, et permettre sa commande. Ne pourrait-on au moins vérifier ce qu'on achète, là où feuilleter ne risque pas de défraîchir ? Définitivement non.

 

Contre toute attente, cette fétichisation qui fait croire que seul le livre imprimé peut circuler et être lu, tend à produire l'exact contraire : favoriser le tirage de livres destinés à ne pas être lus. De même qu'en insistant sur la nécessaire rémunération des auteurs, elle en vient à les faire payer pour être publiés.

En lui opposant le livre imprimé, on présente l'édition en ligne comme le rebut des maisons d'édition, l'ultime solution pour ceux qui auraient été refusés partout. C'est oublier seulement que de nombreux livres en lignes se trouvent aussi en librairie. Quant à ceux qui n'y sont pas, c'est que leurs auteurs ont renoncé, au moins pour un temps, à avoir recours à des expédients plus coûteux et laborieux qu'il n'était raisonnable.

 

Le terme de multimédia est devenu à la mode lorsque l'interface des ordinateurs a commencé à gérer en même temps l'image, le son et la vidéo. L'informatique était devenue multimédia. De là à dire que seules des productions multimédias soient destinées à être éditées en lignes, c'est perdre toute distance envers les exagérations publicitaires.

Il serait aussi excessif de croire que toute création multimédia devrait n'exister qu'en ligne. Si par multimédia on entend au fond ce que Kandinsky appelait « art total », mettant en œuvre la poésie, la musique, le chant, la peinture, la sculpture, l'architecture, le théâtre... alors il est plus vieux que l'opéra lui-même, et n'avait pas à attendre le numérique.

 

Cette mythification d'un nouveau champ ouvert à la création que serait le multimédia, renforce l'idée que le livre, le texte, ne sont pas à leur place en ligne. Elle sert aussi à escamoter un authentique art numérique qui exploite les ressources de la programmation. Elle tend à ramener toutes les recherches et les innovations des avant-gardes depuis au moins un siècle à l'apport récent des nouvelles technologies. Elle aide enfin à passer sous silence les réels échanges entre le numérique et la création musicale, plastique, littéraire. Elle entretient l'idée que hors du multimédia il n'y aurait que de la littérature « traditionnelle », de la peinture, de la photo, de la musique « traditionnelles », du cinéma « traditionnel », bien circonscrits dans leurs « médiats », qui ne désignent plus alors que leurs marchés respectifs.

 

Blogs et forums sont très utiles pour échanger des idées, réaliser des projets, prendre des décisions rapides. Il est relativement facile en quelques heures d'ouvrir un site collaboratif, sur lequel même un néophyte peut écrire à peu près aussi simplement qu'il parle. Ce site pourra être public ou réservé à des collaborateurs référencés.

De tels outils sont surtout utiles à des équipes de travail réunies pour des actions bien précises. On pourrait craindre qu'en s'ouvrant au public, elles dégénèrent en foires à la palabre. C'est bien moins souvent le cas qu'on aurait pu le craindre. Le chaos du web a une force auto-organisatrise incontestable, qui tend à faire des rencontres les plus aléatoires des groupes d'échange suffisamment conséquents.

 

Pour autant ces outils ne sauraient se substituer à la création et l'édition internet. Comme dans le commerce, où l'on peut acheter dans un même magasin un ouvrage de référence, un quotidien régional, et consulter de petites annonces laissées par des clients, tous les textes sur le web n'ont pas la même fonction ni le même statut. Un ouvrage élaboré est différent d'une réponse à chaud dans un débat ponctuel. La critique rigoureuse de ce même ouvrage est déjà différente d'une réaction spontanée à sa lecture.

 

Les outils collaboratifs sur le net sont très utiles. Ils permettent des échanges et des collaborations sur un pied d'égalité, sans présidence ni comité d'édition. Ils permettent aussi l'édition d'ouvrages collectifs, comme des sites d'information, voire une encyclopédie en ligne. Pour autant leur usage est spécifique et il ne remplace ni la correspondance privée avec une liste, ni la véritable édition en lignes, dont ils constituent des moyens termes.

L'Encyclopédie Wikipedia est un exemple impressionnant de ce qu'on peut faire avec un wiki. Pourtant, un article bien fait y suppose sans doute un travail préalable de rédaction et d'édition autre que la seule saisie en ligne. Ensuite et surtout, elle propose pour chaque entrée des liens externes vers des travaux de référence. Elle en devient alors le meilleur outil pour accéder à l'édition en ligne, bien supérieur aux moteurs de recherche dont les réponses renvoient indistinctement à des pages sans grand intérêt.

Les blogs et les forums ne sont pas précisément des outils d'édition en ligne. Compléments indispensables, ils ne s'y substituent pas.

 

 


 

5. Situation de l'édition en ligne.

 

5.1. D'un point de vue technique, on peut distinguer trois critères. L'édition peut être (i) en format propriétaire ou public, (ii) en format opaque ou transparent, (iii) en accès libre, protégé ou payant.

 

Format propriétaire ou public : Une bonne part de l'édition en ligne reste dans des formats propriétaires. Cela signifie que l'on ne peut ouvrir ce document que si l'on possède le logiciel qui a servi à le créer, ou des filtres appropriés. Ce sont le plus souvent des documents ".doc", créés par Microsoft Office. C'est, littéralement, donner à la société Microsoft le statut d'éditeur, puisque c'est son produit qui a édité le fichier, et c'est demander au lecteur de lui avoir payé ses droits.

L'alternative qui consiste à utiliser le format spécifique d'un logiciel libre ne change pas fondamentalement le problème, puisqu'elle supposerait que le lecteur ait déjà ce logiciel installé. Même des formats publics, mais destinés davantage à la création qu'à la publication, comme Tex ou LaTex, ne sont pas des solutions satisfaisantes, puisque tout le monde n'a pas de raison d'avoir sur sa machine des outils pour les lire.

 

Formats opaques ou transparents : On appelle opaque un format dont on ne peut accéder au code source, même s'il est public et si tout le monde peut le lire sur n'importe quelle machine (PDF, JPEG, EPS). Cela signifie que le document ne peut plus être édité, modifié, corrigé ou changé de quelque manière, au contraire de ce qu'on appelle un format transparent (HTML, XML, XHTML).

Le format opaque a des avantages incontestables. Il assure que le document ne subira aucune altération quoiqu'il arrive. Il est idéal pour l'impression.

Le format transparent en a d'autres. Il y a des quantités de bonnes raisons pour modifier un document, même quand on n'en est pas l'auteur. On peut désirer l'imprimer plus serré pour économiser du papier, ou plus large pour un meilleur confort. On peut désirer y insérer des commentaires, des critiques ou des corrections pour les destiner à l'auteur, ou encore en discuter avec des tiers, etc.

 

Le JPG est généralement obtenu en scannant un texte imprimé. Il ne permet pas la copie, la recherche ou des liens actifs. Le PDF peut être créé aisément à partir du document de travail. Il permet la recherche, la copie de fragments de textes, des liens actifs et éventuellement des signets.

Seule l'édition en source lisible (libre) dans un format transparent offre tous les avantages de l'édition en ligne.

 

Accès libre, protégé ou payant : Il est toujours possible de faire payer l'accès à un document libre, aussi bien que de diffuser gratuitement un document qui ne l'est pas. Libre ne veut pas dire gratuit. Il suffit d'exiger un mot de passe envoyé contre paiement. On peut aussi imposer un enregistrement et un mot de passe sans pour autant le faire payer. Cette dernière possibilité est particulièrement adaptée pour des travaux en cours qu'on ne souhaite pas ouvrir aux quatre vents.

Faire payer l'accès à un document en ligne est cependant difficilement défendable. On a depuis toujours justifié un prix par un coût : celui de l'encre, du papier et de la distribution, pour un livre. Quel coût représente une mise en ligne. On pourrait arguer la juste rétribution d'un travail, mais on n'a jamais payé un travail intellectuel en tant que tel, et l'on ne saurait d'ailleurs pas comment lui fixer un prix. Faire payer l'accès à un travail intellectuel ne peut être que la réponse à une nécessité. Sinon une telle pratique devient suspecte.

 


 

5.2. D'un point de vue juridique, la situation est plus confuse encore. On peut encore sérier en trois : (i) le renoncement à tout droit de reproduction, (ii) la revendication d'un strict copyright, (iii) l'utilisation d'une licence spécifique.

 

Le renoncement à tout droit de reproduction est a priori naïf. C'est abandonner son travail au risque qu'un autre se l'approprie et revendique ses propres droits de reproduction. C'est en réalité un peu plus subtil. Il n'est pas si facile de s'approprier le travail d'un autre. Ignorer le droit ne signifie pas que le droit pourrait aisément ignorer la primauté d'un ouvrage. Un tel choix consiste plutôt à mettre en avant la stratégie éditoriale réelle sur le droit formel.

La revendication d'un strict copyright est plus candide. Il ne fait aucun doute qu'en publiant sur le net, on est immédiatement protégé par le droit d'auteur. Personne ne peut utiliser le travail d'un auteur sans son accord. En somme, ces deux attitudes ne changent pratiquement pas grand-chose.

 

Les licences spécifiques : De telles licences spécifient une fois pour toute ce que l'auteur autorise on non à faire de son travail. Il s'agit d'un contrat entre l'auteur et le lecteur.

Un contrat suppose un libre accord entre des parties. Ce n'est ni un ultimatum ni un chantage. Cela suppose donc qu'il soit compris et approuvé. En principe, l'auteur a déjà compris et approuvé la licence qu'il propose. Qu'est-ce qui tient lieu alors d'approbation pour le lecteur ? Simplement qu'il respecte les termes de la licence. L'auteur lui accorde un peu plus que ne concède la loi, dans la mesure où le lecteur respecte quelques conditions. S'il ne les respecte pas, alors le contrat est nul et non avenu. Il cède le pas à la stricte application du droit.

 

Il existe au moins trois sortes de licences. La première s'applique aux logiciels et à leurs bibliothèques et ne concerne donc pas l'édition en ligne. La seconde s'applique aux documents numériques, et la troisième à toute forme d'objets.

Les licences qui ne s'appliquent pas spécifiquement à un document numérique et qui ne mentionnent pas explicitement le code source sont forcément ambiguës. Un certain nombre de termes de la licence perdent alors toute signification claire : modification de l'œuvre, usage commercial, copie, etc.

 

Par exemple, une licence qui autorise la copie, la diffusion commerciale ou non et la modification, ne risque pas de spolier l'auteur, si elle impose que soit clairement indiqué le nom de l'auteur, de l'ouvrage, l'adresse où l'on peut accéder à l'original, et le libre accès au code source de la copie ou de l'édition modifiée. Elle interdit de fait tout tirage public sur un support autre que numérique, et qui ne soit pas en source lisible (libre).

Ceci est important pour l'auteur, et plus encore pour l'éditeur d'un ouvrage imprimé. Supposons qu'une petite maison d'édition prenne le risque de publier un ouvrage difficile à vendre. Contre toute attente, il remporte un tel succès que l'éditeur ne parvient plus à assurer le tirage. Une plus grosse structure pourrait alors le tirer meilleur marché sans avoir à lui racheter les droits d'exclusivité. Sans contrat d'exclusivité, la petite édition ne pourrait plus vivre, alors que les majors n'en seraient pas autrement dérangés. Les contrats d'exclusivités sont indispensables dès qu'il y a commercialisation sur support matériel. Il suffit qu'ils n'entravent en rien l'édition en ligne et en source libre (lisible), et n'interfèrent pas avec les licences.

C'est pourquoi l'édition en source libre et ses licences, loin d'être l'abandon par l'auteur de ses droits, en est plutôt la meilleure garantie. Elle exclut très clairement tout usage de son travail qui lui serait préjudiciable.

 

 


 

6. Problèmes pratiques de l'édition en ligne

 

Il n'est pas très difficile d'éditer en ligne, bien moins qu'il est courant de le dire. Ce sont plutôt les moyens présentés comme simplificateurs qui sont complexes à mettre en œuvre.

Le plus difficile est encore de savoir éditer un texte tout court. Une fois qu'on sait écrire et se servir d'un traitement de texte, la conversion dans un format public et transparent ne pose pas de problème. Un certain nombre de traitement de texte permettent aussi de gérer des liens. Il suffit donc de trouver le bon outil et d'en lire le manuel. On peut créer ainsi un site entier sans seulement soupçonner l'existence du code HTML.

 

Un tel procédé ne permettra peut-être pas une édition soignée. Il sera sans doute impossible de maîtriser tout à la fois la typographie, la mise en page, les guillemets typographiques, les alinéas, les marges et les espaces entre les paragraphes, etc. Le résultat pourra quand même être acceptable et ne devrait pas réserver de trop mauvaises surprises. Sinon, on pourra utiliser aussi un éditeur HTML, et c'est à ce moment-là que les choses se compliquent.

 

La réelle difficulté de l'édition en ligne tient au fait que l'outil qui sert à construire un site, l'architecturer et le mettre en forme, n'est pas le même qui sert à éditer un texte. Il n'est pas évident de passer de l'un à l'autre de quelque façon qu'on s'y prenne. Il est alors certainement nécessaire de s'initier au langage HTML et d'en apprendre au moins partiellement le code et la syntaxe. Ce n'est pas si complexe qu'on pourrait le croire si l'on en a l'usage, et moins sans doute que tout autre moyen prétendant en permettre l'économie. On trouve des quantités de manuels en ligne.

Sinon, il est sans doute préférable de renoncer à un beau site qu'à du texte mal édité. Il manque à l'évidence de bons outils pour éditer des ouvrages entiers en ligne, et accorder sans peine l'édition de texte avec la construction de site. Il manque aussi pour cela de bonnes méthodes, de la documentation claire et efficace, et des possibilités de formation.




Jean-Pierre Depétris
26/04/06




NOTES

 

1. J'ai suggéré l'emploi de source lisible à la place de source libre, plus ambigu. Le mot libre est toujours plus entendu comme synonyme de gratuit. L'OSI (Open Source Initiative) préfère utiliser Open Source, sans proposer de traduction. Source lisible me semble s'imposer.

 

2. Michel Valenzi, des Éditions de l'Éclat, dans son Petit traité plié en dix sur le lyber développe un point de vue très clairvoyant sur la complémentarité de l'édition en ligne et des éditions traditionnelles. Il préfère toutefois avoir recours au latin que d'appeler par son nom un livre en ligne.






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© Jean-Pierre Depétris, avril 2006
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