L'IMAGE POÉTIQUE




   L'image est une création pure de l'esprit.
    Elle ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées.
    Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l'image sera forte - Plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique... etc.

Pierre Reverdy - Nord-Sud 1918.




   Deux des trois poèmes de Flaques de Verre sur lesquels nous nous sommes attardés :



L’EAU DU JOUR

    Dans I'avenue bordée de mouvements de branches où pousse l'air, où la chaleur du ciel pénètre par : les fentes, des yeux clignent pour éviter la poudre du soleil qui frotte et recouvre les bancs qui bordent la rivière.
    Dans l'eau, c'est un manège, un cours de tourbillons jusqu'aux pierres sur lesquelles roulent les troupes de poissons — les pierres rondes.
    Un œil vient jusqu'au bord, dépasse I’épiderme qui frissonne et s’étend en ronds de vagues — il vient des couches sombres des racines.
    Il éclate.
    Une lame de chair brille, tourne et s’éteint entre deux reflets d’arbres.
Puis l'herbe a l'air de vouloir suivre le courant — et la prairie tourne et détale — la montagne suit le cadran.
    Tout le paysage saute le pont et le village jusqu'au moment où la lumière redescend.
Contre cette barrière.
    Le jour qui se défend.



PIÈGES DU VENT

    Quelqu'un annonce le départ.
    La ville dormait encore, sauf dans la rue qui monte jusqu'au soleil couchant, le soir, et au ciel quand le matin blanchit à 1'horizon.
    Les vibrations de l'air devaient amener le signal.
    Par la fenêtre, qu'on ne peut pas fermer à cause du vent, on aperçoit les bateaux dont les mats sont déjà repliés. Les ailes pendent. La tour se brise aussi. Près du plafond, on voit d’abord des bas de pantalons qui flottent et beaucoup plus haut ce sont des marins qui partent, qui marchent. Ils ne reviendront pas.
    Comment dénouer leur regard.
   


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