Site de l'auteur

SIMPLES CONTES
D'UNE PLANÈTE BLEUE

 

 

Jean-Pierre Depétris

 


>

 

 

 

CEUX QUI AIMENT LES IMAGES

 

 

 

 

 

L'Institut Méditerranéen de Technologie de Château-Gombert est un immense vaisseau spatial posé au milieu d'une banlieue oubliée de Marseille. S'étendent tout autour des murs bas, des prés, des champs, de petits mas ; il m'est arrivé d'y voir des moutons de la fenêtre de mon bureau.

Ce matin-là, un soleil encore pâle poudrait d'or les collines du Garlaban. J'étais en train de lire la nouvelle traduction de l'ouvrage de Freud Sur le Rêve. Il y a quelque vingt-cinq ans, j'avais passé l'oral de philo sur ce même texte, dans la traduction d'Hélène Legros qui avait alors pour titre Le Rêve et son interprétation. C'était la seule raison qui m'avait fait acheter ce livre : retrouver la trace de mes pensées d'alors, et me distraire d'un travail qui me donnait plus de fil à retordre que je ne l'aurais cru.

 

 

Je préparais une conférence sur la distinction établie par le mathématicien allemand du début du vingtième siècle Gottlob Frege, entre le champ du logique et celui du psychologique. Je m'étais longuement attardé sur une image dont il se servait dans son célèbre article de 1882, Sur la nécessité pour la science du recours à une idéographie : « Les signes ont pour la pensée la même importance qu'eut pour la navigation, l'idée d'utiliser le vent pour aller contre le vent. »

 

N'est-il pas curieux, pour justifier qu'une rigoureuse pensée logique ait besoin d'un système de signes qui ne le soit pas moins, de faire appel à des images poétiques ? Évidemment, le signe une fois écrit — car c'est du signe écrit dont parlait Frege —, permet de remonter le cours des pensées. On peut alors librement naviguer et non plus suivre servilement leur courant.

En m'arrêtant sur cette image, il m'apparaissait que l'idée n'en était pas aussi simple que le laissait croire la suite de l'article. Ni Frege, ni les nombreux auteurs qui avaient commenté cet essai ne l'ont sérieusement poursuivie. Elle me semblait plus importante que la seule question d'outils rigoureux pour la pensée logique. Plus loin, justement, l'auteur compare l'invention des chiffres à celle d'outils de métal, qui sont aux mots des langues naturelles ce que ces derniers sont aux objets de pierre et de bois qu'ils servent à tailler. Plus que l'idée, l'image même me faisait entrevoir une méthode, un art, une science de la navigation dans la pensée.

Pour stimulantes qu'elles soient, ces réflexions ne faisaient pas avancer bien vite le travail que j'avais entrepris. J'avais donc décidé de me distraire de ces questions en lisant Freud, dont ma carrière m'avait largement éloigné.

 

La lumière du jour disputait encore sa prééminence avec celle de ma lampe. J'aime travailler dans mon bureau le matin avant que ne s'éveille cette technopole futuriste plantée au beau milieu d'un tableau d'Engalière. Il n'y avait pas de vent, et de la brume donc, où flottaient les collines frangées de pins. J'achevais presque le cinquième chapitre, quand je m'arrêtai pour relire ce passage peu clair sur le déplacement et la condensation dans le rêve :

« Un déplacement s'ajoute-t-il à [la] condensation, il n'en résulte pas la formation d'une représentation composite, mais celle d'un élément commun moyen, qui se comporte par rapport aux autres éléments isolés comme, pour reprendre une analogie, la résultante par rapport à ses composantes dans le parallélogramme des forces. »

 

Encore une métaphore, comme le soulignait l'auteur, et très parente de l'autre si l'on sait que le parallélogramme des forces n'est autre que la formulation géométrique du voilier qui remonte le vent. Prenons comme premier vecteur la direction de la force qu'imprime le vent à la voile, et comme second vecteur, celle qu'imprime le gouvernail ; la résultante est la direction du voilier, et sa force est la somme géométrique de ces deux vecteurs. C'est la loi que Newton formula, bien longtemps après, d'ailleurs, qu'on ait commencé à tailler des voiles triangulaires.

Je ne me souvins plus d'abord avoir lu ce passage il y a vingt-cinq ans. Aurais-je seulement compris l'analogie ? Suis-je seulement en mesure de bien la comprendre aujourd'hui ?

Et pourquoi d'ailleurs n'est-ce qu'une analogie ? Pourquoi Frege, puis Freud ont-ils seulement pensé faire de simples métaphores, et pourquoi s'en sont-ils contentés ?

Puis le souvenir me revint d'avoir lu cette image qui résonnait avec les cours de physique que je révisais, et dont la traduction devait être quelque peu différente. J'étais alors en plein bachotage, et s'arrêter trop longtemps sur une idée n'a jamais, loin de là, servi à passer un diplôme, ni à réussir une carrière, comme l'avenir le confirma.

Ce souvenir en éveilla un autre : ma nouvelle, la première et dernière nouvelle que j'écrivis, pendant les vacances, le mois qui suivit. Ce fut la seule fois de ma vie où je fis acte littéraire. Je ne sais ce qui m'avait pris : cette plage de temps après un dur travail, l'été, la vie devant soi... Cette nouvelle, je devais encore l'avoir quelque part, et je me promis de la chercher le soir même.

 

 

Le lendemain matin à la même heure, je la lisais tandis qu'un fort mistral ébranlait les vitres du bureau en balayant des bribes de nuages gris et mauves sur l'orangé vif de l'aube.

Je l'avais bien oubliée, cette nouvelle, et j'y retrouvais quantité d'idées, telles qu'on en glane de toute part dans l'adolescence. Je les retrouvais, mais à vrai dire, elles n'y étaient pas écrites, et nul autre que moi n'aurait pu les lire.

Plus encore que des idées, je retrouvais des impressions, et en particulier cette image d'un puissant voilier, qui ne m'avait pas quittée tandis que j'écrivais, avec ses drisses et ses écoutes tendues, et ses voiles claquantes.

 

 

Il n'est pas nécessaire que je relise des pages écrites de ma main pour que viennent me hanter de telles impressions fugaces, bien souvent sans rapport évident avec ce que je lis. Et je suis convaincu de n'être pas seul dans ce cas. C'est comme si toujours nous rêvions. Mes collègues neurologues peuvent bien affirmer que le rêve, le sommeil paradoxal, n'occupe qu'une part restreinte du temps de sommeil, je crois plutôt qu'il ne cesse jamais, rendu seulement imperceptible par l'éclat de l'éveil, comme les étoiles ne cessent pas de briller quand la lumière du jour les rend invisibles dans le ciel.

Que dis-je je le crois ? Je le sais. Je perçois sans peine ces multiples cheminements de mon esprit livré à lui-même tandis que mon attention s'applique à des objets particuliers. Qu'aurais-je besoin de me coller des électrodes pour m'en assurer davantage ?

Il m'est d'ailleurs toujours paru que c'était avec cela même que je pensais, ces traces mnésiques de perceptions qui s'articulent entre elles comme une langue. Tantôt elles perdent leur force saisissante — telles ces images qui nous sautent au visage quand nous plongeons dans le sommeil — pour donner forme à des schèmes de significations abstraites, et tantôt elles parcourent le chemin inverse vers les sensations, quand ce que nous savons du monde où nous baignons nous aide à le percevoir avec plus d'intensité.

 

Je dois dire que j'en ai même tiré un critère de jugement pour mes lectures ; un critère universel que j'applique aussi bien au roman qu'au traité de mathématiques.

Il est toujours un moment, quand on lit, où on lève les yeux. On peut voir alors si le monde qu'on regarde a acquis un supplément de vivacité. C'est parfois le cas ; le plus souvent, c'est le contraire, et mieux vaut alors s'abstenir de telles lectures.

Qu'importe si ce que nous lisons, écrivons, disons, entendons ou pensons soit général ou anecdotique, abstrait ou descriptif, vrai ou fictif, nous en revenons toujours au réel. L'important est ce qui gagnent nos impressions en acuité.

Évidemment, on aimerait maîtriser cela, ne pas l'attendre comme une chance ou l'espérer comme une grâce. Et l'on sait bien aussi que ce n'est pas là simple affaire de procédés.

 

 

Je relus donc ces vieilles pages dactylographiées.

Comme une impression de forêt après l'orage... 

La première ligne était barrée. Ce détail m'amusa. Les premières lignes de mes brouillons sont presque toujours barrées. C'est une observation que j'ai faite il y a déjà longtemps, mais je ne savais pas que l'habitude en remontait si loin

Ce pourrait être comme les quelques notes que font des musiciens avant de commencer à jouer. « Ce n'est pas ce que je veux dire », pourrait-il être inséré. Ce que je veux dire, je ne saurais l'énoncer sans ces premiers accords. Je me félicitais d'en avoir gardé la trace, me contentant d'une page raturée.

 

[Comme une impression de forêt après l'orage.] Je me retrouvai seul dans une petite plaine du bord de mer, limitée par des falaises escarpées qui se découpaient sur un ciel presque blanc.

La présence des sphères m'intriguait : de grosses sphères rouge pâle, immobiles, légèrement aplaties par la seule pression de leur masse. Il me semblait que ces boules étaient dotées de pensées, et que celles-ci s'insinuaient dans les miennes. Au début ce n'était qu'une impression de me noyer dans une mer qui envahissait tous les replis de mon cerveau. Ces pensées ne se traduisaient pas par des mots mais par des images.

Je vis une sorte de cité lacustre — ou plus exactement de sommaires treillis de branches reposant sur des souches, au ras d'une eau glauque et stagnante, sur lesquels des espèces d'hommes singes se tenaient dans des attitudes de crapauds.

Leur pelage était plus fin, plus court et plus dru que celui de tout autre espèce de singe. Leurs jambes, plus longues et plus fermes que celles de l'homme, étaient pourvues de larges pieds. La plupart étaient dans l'eau, plongeant pour ramasser des crustacés, remontant les manger à la surface après les avoir brisés contre des pierres.

 

J'étais toujours seul dans la plaine. Sous le soleil montant, les sphères s'étaient couvertes d'un pelage rude et brun. Elles ressemblaient à ces petites boules d'algues sèches que l'on rencontre sur les plages, devenues compactes après que la mer les ait longtemps roulées.

Elles semblaient mortes. Ce n'était pas leur parfaite immobilité qui me donnait cette impression — je les avais toujours vues immobiles. Ma certitude n'avait besoin d'aucune prémisse.

Leurs pensées avaient cessé de me pénétrer. Ce qui me donna un répit pour m'interroger.

 

J'étais maintenant assis dans un confortable fauteuil, en face d'un jeu d'échecs taillé dans de l'obsidienne verte et noire. Ce jeu reposait sur l'angle d'une grande dalle de pierre, qui m'arrivait aux genoux.

Les pièces étaient travaillées avec une grande minutie. L'une des reines était une Athéna casquée, se protégeant d'un bouclier et faisant le geste de brandir une lance absente à hauteur du visage. L'autre avait un corps d'échassier, des ailes de papillon, une tête et une poitrine de femme.

Les chevaux étaient cabrés, sans cavaliers, tenant leurs pattes antérieures repliées à la façon des mantes religieuses. Les tours n'avaient aucune porte. La forme de leurs toits les faisait davantage ressembler à des phares.

Les fous et les pions ne se distinguaient que par leur taille. Leurs armures qui masquaient les visages, leurs manteaux qui cachaient les bras comme de longues ailes repliées, évoquaient à la fois le robot, l'oiseau et l'insecte.

Tout cela conférait à la faible opacité du minéral dans lequel ces pièces étaient sculptées, une transparence de cristal.

Je bourrai et allumai machinalement ma pipe que je venais de trouver à côté du jeu, et crachai avec dégoût. Je regardai la tache rouge sur mon pantalon, reconnus le goût et la couleur du sang.

 

Un mot avait pénétré mon esprit : omo. Un paquet de lessive se vidait. Elle se mélangeait à l'eau, la rendant progressivement opaque. S'y précisa peu à peu la silhouette d'un sous-marin, puis je vis l'intérieur du bâtiment dans lequel des matelots vaquaient à leurs tâches ; ensuite une succession de cages d'oiseaux défilant à une vitesse vertigineuse ; enfin une cage dans laquelle des singes agitaient violemment les barreaux. Mon regard s'arrêta sur leurs mains, singulièrement humaines. L'un tendit le poing.

Maintenant l'homme singe nageait dans une eau trouble avec des mouvements de grenouille, écartant largement la paume de ses mains.

Lorsque je me retrouvai pour la troisième fois dans la plaine, un mot me tournait dans la tête : « aqua homo ».

 

Les boules avaient repris leur couleur et leur aspect initial sous le soleil couchant qui rougissait le ciel. Des nuages d'abeilles s'en échappaient avec un sourd bourdonnement.

En observant mieux, il me sembla que les abeilles ne surgissaient qu'au-delà d'un certain rayon. Elles paraissaient ne sortir de nulle part, et elles ne cessaient pourtant de s'envoler en nuages épais vers l'occident, comme si le bruit, après coup, avait produit sa cause.

Je ne cherchai pas davantage, car au loin, dans la plaine qui s'assombrissait, une femme que je reconnaissais bien avançait dans ma direction.

 

Il y aurait bientôt un an que nous nous étions rencontrés. Dès le premier instant, j'avais été séduit. Nous nous étions aimés. Mais, même lorsqu'elle était blottie dans mes bras, je la sentais loin de moi. Je sentais, entre elle et moi, non pas des barrières invisibles, mais rien plutôt, un vide, un vide infranchissable.

Notre histoire avait failli cesser très tôt. Au bout de deux mois j'avais décidé de l'oublier, et fus surpris d'y arriver facilement.

Un jour, au hasard d'une rue, j'avais senti son parfum. J'avais cherché autour de moi. Bien sûr elle n'y était pas. Mais j'avais éprouvé son absence plus fortement encore que je n'aurais ressenti sa présence.

La nuit qui suivit, je rêvai que nous faisions ensemble de la voile dans la rade de La Ciotat. Nous avions heurté un écueil, et le bateau coulait, enfonçant lentement sa proue dans la surface bleu azur. Tout de suite après, je voyais nos deux corps, déformés par les rides de l'eau, flotter côte à côte entre des courants.

Le lendemain, j'allais la rejoindre à Bandol. Cependant, très vite encore, l'impression de ce vide infranchissables me poussait de nouveau à partir. Et pendant presque un an nous avions vécu ainsi : cherchant à nous revoir dès que nous nous séparions.

 

Elle était maintenant devant moi, plus que jamais attirante. Je vis s'approcher ses grands yeux, je vis s'approcher ses lèvres. Nous nous s'embrassâmes longuement, et quand ma bouche fut enfin libre de prononcer des paroles, je me rendis compte que je n'avais rien à dire.

Je n'avais jamais très bien su quoi lui dire. Silencieuse, elle souriait. Je ne parvenais pas à comprendre si elle manifestait ainsi une joie de me revoir ou si elle se moquait de moi. Son mutisme m'agaçait.

Je lui demandai, peut-être plus brutalement que je n'aurais dû : « Pourquoi ces boules ne parlent-elles pas ?

— Parce qu'elles n'ont pas de bouche.

— Mais alors comment pensent-elles ? »

Ce n'était peut-être pas les mots qu'elle attendait. Son sourire s'effaça. Puis son visage tout entier, où coulait une larme.

Pour si peu de choses, c'était absurde.

 

Je me retrouvai sur la plage. Au loin les falaises blanches allaient rejoindre la mer. Les nuages effilés, les lointaines voiles et les oiseaux de mer tailladaient l'espace. Un enfant s'amusait à courir sur le sable, s'enfuyant devant les vagues, et revenant sur leurs traînées humides après qu'elles se soient retirées.

Je le regardai longtemps. Il semblait se prendre à son jeu, et reculait devant l'écume comme si à son contact un danger réel le menaçait, et qui pourtant le faisait rire. Puis il repartait goûter cette impression qui l'étreignait quand la vague se tendait vers lui.

Si elle l'avait rattrapé, peut-être seulement son rêve aurait fondu, sa peur magique aurait cessé, et il ne serait plus rien resté de ce monstre immense et impassible dont il se jouait.

Le temps était passé très vite, et le soleil tombait dans l'eau comme une grosse goutte de sang. L'homme singe était accroupi sur la plage, et l'écume venait lui lécher les mains.

 

Quand je fus à nouveau dans la plaine, la femme m'attendait. Son sourire lui était revenu. Moi, je ne me sentais pas aussi détendu. Elle resta un long moment face à moi, silencieuse et souriante.

Elle me parla enfin : « À quoi penses-tu ? » J'admirai un instant ses lèvres. « Je n'y comprends rien, dis-je enfin, que faisons-nous ici et que sont ces boules ? »

— Ce ne sont pas des boules, ce sont des hommes.

— Des hommes ? À l'intérieur ?

— Mais non, il n'est à l'intérieur que de la lumière. Seulement à la surface.

— Quand le soleil s'est couché, repris-je, les boules se sont mises à bourdonner. Et tout à l'heure, j'ai vu un homme singe qui contemplait le soleil en marmonnant des sons inarticulés semblables aux bourdonnements des boules.

— Le soleil aussi est un homme ; tu vois bien, il est aussi une boule rouge. Et tout homme aime regarder le soleil qui se couche, quand les couleurs du crépuscule se répandent sur la terre et le ciel pour les réconcilier.

— Et l'homme singe, d'où sort-il ?

— C'est l'ancêtre de l'homme. »

« Comment crois-tu qu'était notre ancêtre ? Un singe qui se serait mis à marcher sur deux pattes ? Non, un singe qui s'est mis à nager. Sinon, comment expliquer la perte de son pelage ? Et pourquoi aurions-nous gardé des cheveux sur notre tête, si ce n'est qu'elle seule affleure de l'eau quand nous nageons ? »

« S'il s'était mis à marcher, ni son corps ni ses jambes ne se seraient élancés. Ils auraient évolué comme ceux des cynocéphales, et nous serions allés à quatre pattes. Nous sommes parmi les plus lents des mammifères terrestres, mais des plus à l'aise dans l'eau. »

« La seule chair accessible à un tel animal, n'ayant pas encore appris à faire des outils ni à chasser, est celle des coquillages et des crustacés. Ses mains sont devenues plus habiles en les cherchant sous l'eau, en les ouvrant et les décortiquant. »

« Les dents de l'homme sont plus petites et moins nombreuses que celles des singes. Lui manquent surtout ces fortes canines qui leur servent à casser la coque des fruits. Sais-tu que les poils de notre dos sont orientés dans un sens opposé de celui des singes ? Ils vont dans celui du glissement de l'eau quand nous nageons. »

 

« D'ailleurs nous sommes toujours des aqua homos. Regarde la place que tient l'eau dans notre vie. » Elle se mit à rire : « Tu ne comprends donc pas ? Tu ne vois pas ce qui rend différent l'homme de tous les autres animaux ? »

Je la regardais étonné. « La navigation, le commerce... », ai-je fini par articuler.

Elle riait. « Tu n'as donc pas compris que l'homme est le seul animal soluble ? »

 

Je n'avais cessé de la fixer tandis qu'elle parlait et ne m'étais pas aperçu que nous avions marché jusqu'à la plage où l'enfant jouait à poursuivre les vagues.

Elle le vit la première et je suivis son regard. Alors je criai de toute ses forces : « Arrête-toi ! Arrête-toi ! Tu es soluble ! »

L'enfant tourna la tête, surpris. Une vague roula jusqu'à lui et il s'effondra dans l'eau tourbillonnante.

Sa silhouette se brouilla, puis disparut complètement dans le reflux. Seuls un maillot de bain et un tricot de corps dansaient sur la crête des vagues.

 

>

 


©