Comme une girafe dans un magasin de porcelaine,
Il se sentait toujours trop loin du clavier.
Sur des touches de dentelle, il saisissait des lignes entremêlées
Comme des fils de soie, qu’il colorait de voyelles
Mauves et dorées comme certaines langues orientales.
Comme sur un tam-tam, il grimpait des gammes chromatiques,
Et des sons lointains lui répondaient.
Il les discernait à peine,
Comme les silhouettes imprécises de cyclistes sur une route de montagne
Quand la lueur du jour décline, mais où les phares ne sont encore d’aucun secours,
Ou comme des flotteurs de liège signalent la présence sous-marine de filets.
Tu l’avais connu pendant la Grande Guerre,
Celle qui opposait les équinoxes.
Nous étions toi et moi encore des enfants,
Tu t’en souviens sûrement,
Et nous dessinions des coccinelles en ignorant encore qu’elles étaient carnivores.
Tu dansais alors sur des mots inconnus,
Et la lune pour toi aurait aussi bien pu être un néon,
Ou un pion sur l’unique case d’un échiquier sans fin.
Lui frappait déjà sur des claviers d’ébène des arbres étoilés.
© Jean-Pierre Depétris, hiver 2012 - 2013, hiver 2014
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