J'ai tenté de retrouver une impression. Qui dira ce qu'est exactement une impression, et comment de telles choses se retrouvent ? Pourtant, qu'y a-t-il de plus réel et de plus tangibles ?

On penserait pouvoir la capturer parfois sur une pellicule. Ce serait trop facile. Essaye un peu de photographier une impression. Elle était bien là pourtant, sous les yeux, mais pas sur la photo, ou alors, inexplicablement, sur une autre, d'un autre lieu, à un autre moment.

On espérerait parfois la saisir dans un arrangement de mots. Ils parviennent bien à l'éveiller quand elle est seulement endormie ; en aucun cas, ils ne la font naître ni ne l'emprisonnent.




vallee






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Alors j'ai découvert un outil inattendu : une vieille version d'un modeleur des paysages en trois dimensions : la version 1.0.1. De KPT Bryce, programme conçu et réalisé par Eric Wenger. Il vendit ses droits sur le code et les algorithmes, et Kai Krause les siens sur l'interface et les bibliothèques, à Métacréations qui assura les versions futures, puis les céda à son tour à la société Corel.

J'ai essayé la version quatre de Métacréations, mais je trouve que la première, malgré ses limites, garde un goût inimitable.

Il m'était déjà arrivé d'utiliser d'autres logiciels de 3D, des bien plus complets et évolués, comme Strata, Amapi ou Cinema 4D. Je n'étais jamais parvenu à des résultats probants, et surtout pas en une heure ou deux, sans même disposer d'un manuel, ou simplement de bulles d'aide à l'écran.





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alpha



Je crois bien que c'est avant tout cela, une impression, à la fois un paysage et un calcul fractal. Les impressionnistes l'ont bien compris, et Turner avant eux

Descartes s'émerveillait que la mécanique obéisse aux lois des mathématiques, mais il n'y a pas qu'aux propriétés mécaniques des matériaux qu'elles s'appliquent ; aux impressions aussi. Il est merveilleux qu'en programmant les courbes d'un terrain, en lui donnant des textures, en orientant des rayons lumineux, en dosant des effets de nébulosité, on arrive non seulement à retrouver le paysage qu'on cherchait, mais surtout l'impression qui aurait échappé à la photo.





pic






boulle






lune noire



La tentation est grande alors de modeler des paysages fantastiques, de générer des vues de planètes improbables. On gagne pourtant à s'en priver, à rechercher plutôt ce qu'on a eu sous les yeux, comme Cézanne et sa Sainte-Victoire, ou Monet et ses Nymphéas. Non pour les reproduire, bien sûr, mais pour en capturer l'impression.





mer






bulbe



Inutile pour cela de donner des milliers de coups de pinceaux ; il suffit de laisser calculer le processeur. J'ai alloué à l'application toute la mémoire dont je disposais, de sorte que le temps toujours trop long du rendu n'émousse pas mon attention.





massif



J'ai essayé de retrouver les impressions que j'avais eues hier, à l'aube, en traversant l'Ardor, et en rentrant au crépuscule aussi — impressions d'être à la fois chez soi et si loin qu'on ne saurait dire de quoi.





montagne bleue



« À la fraîche », comme on dit, pour désigner ce moment où la lumière devient promesse — celle d'une belle journée, de la chaleur du grand jour, ou d'un bon feu le soir, de draps frais — quand la lumière qui nous glace nous réchauffe tout à la fois.

Descartes pouvait-il deviner que le rendu de ces impressions passait aussi par des algorithmes ?





BinAlAzar



C'est bien cela, l'impression, que je crois un organisme différent, celui d'un papillon par exemple, capable de ressentir comme moi.





fort






forêt